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Mis en ligne le 3 Mars 2008

L’expropriation est classiquement définie comme « l’acte juridique posé par un pouvoir public en vue de priver une personne de sa propriété sans son consentement, voire contre son gré »[1]. Elle n'est permise en droit belge que pour cause d'utilité publique[2].

Il existe diverses situations pour lesquelles les communes sont amenées à recourir à l'expropriation de biens immeubles pour cause d'utilité publique, laquelle devra être dûment motivée.

Jusqu’il y a peu, plusieurs procédures d’expropriation existaient en Wallonie. Celles-ci trouvaient leur fondement dans diverses lois[3]. Dans les faits, seule la procédure d’extrême urgence, issue de loi du 26 juillet 1962, était appliquée. Elle était ainsi devenue, dans la pratique, la procédure de droit commun, quelle que soit l’urgence de l’acquisition.

Le décret du 22 novembre 2018[4] a réformé en profondeur la matière. Il propose une procédure unique applicable à toutes les expropriations menées notamment par les pouvoirs locaux. Celle-ci ne fait pas référence à l’urgence (sauf, à titre d’exception, pour l’aménagement de certains délais) évitant par conséquent d’éventuels écueils futurs devant les tribunaux. La présente fiche porte exclusivement sur cette nouvelle procédure.

Le décret de 2018 est entré en vigueur au 1er juillet 2019. Notons que les dossiers déposés ou introduits avant cette date verront leur instruction se poursuivre sur la base des anciennes dispositions. Il en sera de même de la procédure devant les juridictions judiciaires.

Schématiquement, l'on peut dire que la procédure d'expropriation se décompose en trois phases :

  • la phase administrative, pouvant aboutir à l’adoption d’un arrêté d’expropriation ;
  • une tentative de cession amiable ;
  • en cas d'échec de cette dernière-ci, la phase judiciaire.
1. La phase administrative

La phase administrative débute par une initiative du pouvoir expropriant (commune, CPAS, intercommunale…) visant à l’acquisition d’un bien en vue d’y réaliser un projet d’utilité publique. Après l’accomplissement de plusieurs formalités, cette phase se clôture, en cas de succès, par l’obtention d’un arrêté d’expropriation. Cet arrêté permettra au pouvoir expropriant d’agir en justice pour forcer le transfert de propriété.

Le décret de 2018 prévoit un double rôle des communes en matière d’expropriation :

  • Comme auparavant, elles peuvent agir comme pouvoir expropriant et initier une procédure d’expropriation.
  • Dorénavant, il appartient aussi au conseil communal d’adopter les arrêtés d’expropriation lorsque ceux-ci sont demandés par la commune, le CPAS, la Régie communale autonome ou la fabrique d’église. Ceci ne vaut toutefois que si le projet d’utilité publique s’étend sur des biens situés exclusivement sur le territoire de la commune concernée. Dans les autres cas, le Gouvernement wallon est compétent pour adopter l’arrêté d’expropriation.

Pour appuyer le conseil communal, le législateur wallon a entendu mettre en place un appui régional à destination des communes. C’est donc l’administration régionale qui est chargée de l’instruction du dossier (analyse, réalisation des formalités, rédaction d’une proposition de décision…).

Sauf incident de procédure, dans les 130 jours de l’accusé de réception d’un dossier complet, le pouvoir expropriant est fixé sur sa demande et obtiendra, le cas échéant, un arrêté d’expropriation. En cas d’urgence motivée, ce délai est réduit à 60 jours.

Concrètement, les étapes de la phase administrative sont les suivantes :

  1. Le pouvoir expropriant (commune, CPAS…) décide d’entamer la procédure. Dans le cas d’une commune, cette décision appartient au conseil communal. Pour ce faire, un dossier est préparé comprenant un ensemble d’éléments (exposé de l’utilité publique, plan d’expropriation, analyse des alternatives éventuelles à l’expropriation, reportage photographique…). Cela implique donc que le conseil communal dispose d'une idée bien déterminée des zones à exproprier.

     Préalablement à cette délibération du conseil communal, le pouvoir expropriant peut disposer d’un accès aux biens immobiliers à exproprier, éventuellement après autorisation du tribunal de police. Cet accès lui permettra de réaliser le plan de délimitation et d’évaluer la faisabilité et le coût du projet (étude de sol…).

  1. Le dossier est envoyé à l’administration régionale qui délivre un accusé de réception lorsque le dossier est complet. Pour ce faire, la Wallonie a mis en place un guichet unique (GUDEX) permettant de réceptionner l’ensemble des dossiers. Le dossier sera ensuite transmis, par le GUDEX, à l’administration régionale compétente pour la matière concernée par le but d’utilité publique en cause[5]. Si le dossier est incomplet et ne permet pas de statuer en pleine connaissance de cause, l’administration sollicitera la production des informations manquantes en vue de la délivrance de l’accusé de réception.
  1. L’administration régionale consulte les instances publiques tels que le collège communal, le fonctionnaire délégué, etc. Notons que le collège communal de la commune où se situe le bien à exproprier sera systématiquement consulté, pour toutes les expropriations soumises au décret, même celles demandées par un autre pouvoir expropriant (Région wallonne, SLSP, CPAS, …).

L’administration régionale informe également les tiers concernés et identifiés dans le dossier d’expropriation (propriétaire, emphytéote, locataires… du bien à exproprier).

Les instances et les tiers concernés peuvent remettre leur avis et observations dans les 30 jours à l’administration régionale, à compter de la réception des documents devant être transmis[6]. Pour chaque instance et tiers concernés, ce délai court à partir de la réception de la copie du dossier aux fins de consultation et d’informations. Ce délai est réduit à 15 jours en cas d’urgence motivée. Sauf cas d’urgence, ce délai est prolongé entre le 16 juillet et le 15 août, ainsi qu’entre le 24 décembre et le 1er janvier.

  1. L’administration régionale remet un rapport de synthèse à l’autorité compétente, à savoir la commune ou le Gouvernement wallon. Il est également remis à l’expropriant. Ce rapport contient une analyse du dossier et un projet de décision.

Ce rapport est adressé dans les 85 jours de l’accusé de réception du dossier (évoqué ci-dessus - point 2). Ce délai est réduit à 45 jours en cas d’urgence motivée[7].

  1. L’autorité compétente (conseil communal ou Gouvernement wallon) décide d’autoriser ou non l’expropriation. Sa décision doit notifiée à l’expropriant, sauf incident de procédure, dans les 130 jours à dater de l’accusé de réception. Ce délai est réduit à 60 jours en cas d’urgence motivée[8].

Il s’agit d’un délai de rigueur. Passé ce délai, la proposition de décision, faite par l’administration régionale dans le cadre du rapport de synthèse, vaut décision. Si aucune proposition de décision n’a été formulée par l’administration et que le délai est dépassé, la demande d’expropriation est réputée refusée.

En même temps qu’elle est notifiée à l’expropriant, la décision est adressée au Gouvernement wallon, à l’administration régionale et à la commune (ou aux communes) sur le territoire de laquelle le projet d’utilité publique s’étend. La décision est également publiée durant 30 jours sur le site internet de la commune s’ils existent ou, à défaut, aux endroits habituels d’affichage.

Si la décision emporte l’adoption d’un arrêté d’expropriation, un extrait de ce dernier sera publié au Moniteur belge, à l’initiative de l’administration régionale.

2. La tentative de cession amiable

L’obtention d’un arrêté d’expropriation n’est qu’une étape. Son octroi ne suffit pas, à lui seul, à rendre le pouvoir expropriant plein propriétaire du bien à exproprier. La procédure doit donc être poursuivie.

Une fois la phase administrative clôturée avec succès, le pouvoir expropriant ne peut directement introduire sa requête en justice. Il doit, au préalable, tenter une ultime négociation à l’amiable.

Celle-ci consistera en l’envoi d’une offre d’acquisition à l’amiable au futur exproprié. Celui-ci l’accepte ou la refuse. Dans ce dernier cas, la procédure évoluera vers la phase judiciaire.

La tentative de cession l’amiable se fera par l’intermédiaire du Comité d’acquisition d’immeubles ou d’un collège de trois notaires. Ceux-ci agiront comme mandataire du pouvoir expropriant.

3. La phase judiciaire

Une requête est introduite devant le Tribunal de première instance. Dans le cas de la commune, l’introduction de la requête sera décidée par le collège communal, avec l'autorisation du conseil communal[9].

Après une comparution sur les lieux et, le cas échéant, l’audience des plaidoiries, le Tribunal prononce un jugement provisionnel. Ce jugement porte sur la légalité de l’expropriation et, s’il est fait droit à la requête, fixe le montant de l’indemnité (provisionnelle toutefois) après une évaluation sommaire.

L’expropriant dépose ensuite le montant de l’indemnité provisionnelle à la Caisse des dépôts et consignations. Après la réalisation d’un état des lieux par un expert, l’expropriant prend possession du bien exproprié.

Sur la base d’un rapport d’évaluation complet, le tribunal de première instance détermine le montant de l’indemnité définitive.


[1]     P. Bouvier, Eléments de droit administratif, De Boeck, 2002, p.169

[2]     Constitution, art. 16.

[3]     Citons notamment : L. 17.4.1835 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique, L. 10.5.1926 instituant une procédure d’extrême urgence en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique, L. 16.7.1962 rel. à la procédure d’extrême urgence en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique.

[4]     Décr. 22.11.2018 rel. à la procédure d’expropriation, M.B. 18.12.2018, inforum 325.320 ; AGW 17.1.2019 portant exécution du décret du 22.11.2018 rel. à procédure d’expropriation, M.B. 25.2.2019, inforum 327.659.

[5]     Circ. 23.7.2019 rel. à la phase administrative de la procédure d’expropriation en Région wallonne – Guichet unique de réception des dossiers d’expropriation (GUDEX), inforum 331.485.

[6]     Pour les instances, une copie du dossier doit être transmise (décr., art. 11). En ce qui concerne les tiers concernés, les informations minimums à envoyer sont énumérées à l’art. 12, par. 2, du décr.

[7]     Notons que ces délais de 85 et 45 jours peuvent être prolongés, en conséquence d’une prolongation des délais de consultation et d’information entre le 16 juillet et le 15 août, ainsi qu’entre le 24 décembre et le 1er janvier (évoquée au point 2 de la procédure).

[8]     Ibid.

[9]     CDLD, art. L1242-1.

Annexes

Cover: Focus sur la commune - Fiches pour une bonne gestion communale
Focus sur la commune

Cette fiche provient de l'ouvrage "Focus sur la commune - Fiches pour une bonne gestion communale", véritable outil réalisé en collaboration avec la DG05 pour tout savoir sur la commune, terreau de démocratie, pouvoir le plus proche du citoyen au service duquel, jour apres jour, le mandataire local assume son mandat. Indispensable aux décideurs qui veulent contribuer de façon active à la gestion de leur commune.

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Date de mise à jour
1er Novembre 2023

Type de contenu

Matière(s)

Gestion du patrimoine Aménagement du territoire
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