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Mis en ligne le 3 Mars 2008

1. Les aliénations immobilières

A. Généralités

1. Le choix de la procédure en matière de vente

L'une des premières questions qui se posent en la matière est celle de savoir si la commune qui désire vendre un de ses immeubles doit recourir à la vente publique ou si elle peut décider de recourir à la vente de gré à gré.

Le Conseil d'État a eu l'occasion de se prononcer à de multiples reprises sur cette question et, dans de nombreux arrêts, a affirmé qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'oblige une commune à recourir à l'adjudication publique pour aliéner un terrain lui appartenant et qu'il relève de la seule compétence du conseil communal de décider de l'aliénation proposée par le collège communal et de choisir le mode de cette aliénation.

Cela étant, dans un arrêt de suspension du 28 mai 1997[1], le Conseil d'État s'est écarté de sa jurisprudence antérieure en considérant que le principe constitutionnel d'égalité imposait, en principe, la procédure de vente publique et que la vente de gré à gré n'était admissible que si l'administration pouvait faire valoir des raisons précises, admissibles en fait et en droit. Il est à noter que cet arrêt est resté isolé.

La circulaire du 23 février 2016[2]  prescrit aux communes de mettre en œuvre des mesures de publicité adéquates pour que les principes généraux de droit administratif dont le principe d'égalité entre les acquéreurs potentiels soient respectés. Conformément à la jurisprudence du Conseil d'État, cette circulaire maintient le choix pour les communes, dans le cadre de leur autonomie, de choisir entre la vente publique ou la vente de gré à gré (cf. infra).

2. Éventuels conflits d’intérêt des membres des organes communaux

En vertu de l'article L1123-23, 8°, du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, le collège communal est chargé de l'administration des propriétés de la commune.

L'article 1596 du Code civil, quant à lui, dispose :

« Ne peuvent se rendre adjudicataires, sous peine de nullité, ni par eux-mêmes, ni par personnes interposées : … les administrateurs, de ceux des communes ou des établissements publics confiés à leurs soins (…) ».

Cette disposition interdit donc aux membres du collège d'acheter les « biens confiés à leurs soins ». « L'article 1596, al. 4, ne concerne que les personnes chargées de fonctions exécutives, à l'exclusion des membres des corps délibérants - tels les conseillers communaux »[3].

Notons que l’article L.1125-10, 1°, du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, interdisant à tout membre du collège ou du conseil « de prendre part directement ou indirectement dans aucun service, perception de droits, fourniture ou adjudication quelconque pour la commune », n’est pas applicable en matière d’acquisition ou d’aliénation immobilière. Cet article est en effet d’interprétation restrictive.

Outre l’article 1596, al. 4, du Code civil, l’article L1122-19 du CDLD interdit à un membre du conseil ou du collège de prendre part à la délibération et au vote relatifs aux objets où il a un intérêt direct, soit lui-même, soit ses proches (parents ou alliés jusqu’au 4e degré). Cet intérêt doit être direct et personnel. Cette interdiction vise également la présence du membre de conseil ou du collège lorsque celui-ci a un intérêt en tant que chargé d’affaires pour une personne morale.

Enfin, l’article 245 du Code pénal institue comme infraction pénale, le fait d’user de sa fonction publique pour en retirer un intérêt quelconque. Il s’agira ici d’une appréciation au cas par cas de l’ingérence commise par la personne incriminée, à savoir l’accomplissement volontaire d’un acte qui lui offre la possibilité de favoriser ses intérêts personnels au moyen de sa position officielle. L’existence de cette infraction sera donc fonction des circonstances de l’espèce.

Pour le surplus sur le sujet, nous renvoyons le lecteur à la fiche du présent ouvrage : « Fonctionnement communal - Le conseil communal - Les droits et devoirs du conseiller communal ».

B. Les autorités compétentes

En vertu de l'article L1122-30 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, c'est le conseil communal qui est compétent pour décider la vente d'un bien immeuble, en fixer le prix et les conditions dans lesquelles cette vente va intervenir.

Le collège, quant à lui, intervient en amont, pour préparer la décision, et ce, sur pied de l'article L1122-12 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, et, en aval, pour exécuter la décision prise par le conseil sur la base de l'article L1123-23, 2°, du Code de la démocratie locale et de la décentralisation.

C. La procédure

Nous reprenons ici les lignes directrices posées par la circulaire du 23 février 2016 relative aux opérations immobilières des pouvoirs locaux qui devront guider les communes dans la gestion de leur dossier.

1. Ventes d'immeubles - Règles générales

a. Désaffectation du bien

Lorsque l'immeuble fait partie du domaine public, le conseil communal doit d'abord adopter une décision expresse et distincte de désaffectation, c'est-à-dire une décision qui met fin à l'affectation du bien à l'usage public ou qui constate la cessation de cet usage public.

La tenue d'une enquête publique dans ce cadre n'est pas obligatoire même si elle peut se révéler utile.

Si le bien en cause constitue une voirie communale, il convient de tenir compte des dispositions particulières du décret du 6 février 2014 relatif à la voirie communale.

Enfin, si le bien est affecté au logement et fonctions d’un ministre d’un culte reconnu, la circulaire du 23 février 2016 recommande d’être attentif à l’accord préalable de l’organe représentatif agréé du culte concerné quant à la désaffectation souhaitée.

b. Décision de principe sur la vente

Dans la pratique, la procédure débute le plus souvent par une estimation du bien sollicitée par le collège communal qui fait ensuite rapport au conseil communal.

Le conseil communal délibère ensuite sur le principe de la vente de l'immeuble concerné. À cet égard, et pour éviter de multiplier les passages devant l'autorité et donc pour raccourcir les délais, l'autorité peut adopter, au cours d'une même séance, les délibérations portant tant sur la désaffectation du bien que sur le principe même de la vente.

Dans ce cadre, le conseil communal arrête les modalités de la vente envisagée et notamment :

  • le recours au gré à gré ou à la vente publique ;
  • les conditions essentielles de la vente et éventuellement substantielles de la vente ;
  • le cas échéant, le projet de contrat de vente ;
  • le prix minimum de la vente basé sur une estimation ;
  • l'utilisation de la somme obtenue[4].

Quant au choix de la procédure, la circulaire consacre l'autonomie communale.

Ainsi, le conseil communal est libre, dans le cadre de son autonomie, de choisir la vente publique ou la vente de gré à gré.

Cependant, le principe d'égalité entre les acquéreurs potentiels doit impérativement être respecté.

À cet effet, souligne le texte, « la publicité doit être adéquate. Cela signifie que le choix de la durée et des vecteurs de diffusion de la publicité (affichage, insertion d’annonces répétées dans la presse et/ou sur un site web spécialisé, etc.) doit dépendre de l’intérêt que peut susciter l’offre des autorités locales ».

La décision de vendre de gré à gré, sans publicité, à une personne déterminée reste possible, bien que revêtant un caractère exceptionnel. Elle devra en effet être motivée au regard de l'intérêt général, celui-ci pouvant résulter de circonstances de fait particulières (exemple : vente d'un excédent de voiries à un riverain).

c. Mise en œuvre de la décision

En ce qui concerne la mise en œuvre de la décision du conseil communal, on n'oubliera pas qu'en exécution de l'article L-1123-23, 2°, du Code de la démocratie et de la décentralisation, le collège communal exécute les décisions du conseil communal.

Il appartient dès lors notamment au collège :

  • de procéder aux mesures de publicité adéquates suivant les modalités arrêtées par le conseil communal ;
  • d'examiner l'admissibilité des candidatures et des offres ;
  • dans le cas d'un gré à gré, de négocier avec tous les candidats dans le strict respect du principe d’égalité ;
  • dans le cas d'un gré à gré, d'établir une analyse comparative des offres et de présenter un rapport motivé au conseil communal.

Ces tâches appellent certaines précisions quant à l'estimation de l'immeuble.

La pratique administrative a montré que le recours à une estimation de la valeur de l'immeuble est d'une grande utilité tant pour les responsables communaux que pour les autorités de tutelle. La circulaire prévoit dès lors qu’une telle estimation doit être sollicitée.

Cette estimation doit être récente (un an maximum au moment de la décision définitive de vente, sauf exception dûment motivée). Elle peut être sollicitée soit auprès du comité d'acquisition d'immeubles, soit auprès d'un notaire, soit auprès d'un géomètre-expert immobilier inscrit au tableau tenu par le Conseil fédéral des Géomètres-Experts, soit auprès d'un architecte inscrit à l'Ordre des Architectes. Le recours à un notaire, un architecte et à un géomètre-expert constitue un marché de services au sens de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics qu'il convient donc de respecter dans ce contexte.

d. Décision définitive sur la vente

À l'issue de la procédure, le collège communal représente le dossier au conseil communal pour le choix de l'acquéreur.

Conformément à la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs, la décision attribuant la vente à une personne physique ou morale déterminée doit être dûment motivée.

Précisons par ailleurs que la signature d’un compromis de vente constitue un contrat susceptible d’engager la commune. Le compromis de vente ne peut donc être signé qu’une fois que le conseil communal a marqué son accord sur le choix de l’acquéreur et les conditions essentielles du contrat.

e. Intervention du collège

Sur pied de l'article L1123-23, 2°, du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, le collège est chargé d’exécution de la décision du conseil et donc de la passation de l'acte authentique. Il notifie la décision du conseil au futur acheteur en l'invitant à comparaître en vue de la passation de l'acte authentique.

Si, comme on l’a vu au sujet de l’estimation du bien, le recours aux services d’un notaire est soumis au respect de la réglementation des marchés publics[5], celle-ci prévoit néanmoins une nouvelle exclusion en ce qui concerne certains de ces services : ceux relatifs à la certification et à l'authentification de documents… et eux seuls (donc notamment pas - on l’a vu - l’estimation, mais pas non plus la recherche d’un acquéreur). Cela dit, bien que ces services soient désormais exclus du champ d’application de la réglementation des marchés publics, les pouvoirs adjudicateurs ne sont pas pour autant dispensés d’appliquer le droit primaire européen (les traités), ce qui implique donc de respecter les règles d’égalité, de non-discrimination et de transparence, aboutissant ainsi à une mise en concurrence. Autrement dit, les pouvoirs adjudicateurs sont tenus de mettre en place une procédure concurrentielle d’attribution de ces services.

Concernant la passation des actes authentiques relatifs aux opérations immobilières auxquelles une commune est partie, il nous paraît important d'aborder la problématique du « bourgmestre-notaire ».

Il est de pratique courante que le bourgmestre, en sa qualité d'officier public, confère valeur authentique aux actes intervenant en matière immobilière auxquels sa commune est partie.

Pour certains auteurs, le bourgmestre ne peut conférer valeur authentique aux actes que pour autant que la loi lui en ait donné cette qualité. Pour d'autres, le bourgmestre assure dans tous les cas l'authenticité aux actes passés par-devant lui[6].

2. Les acquisitions immobilières

En vertu de l'article L1122-30 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, c'est le conseil communal qui est compétent pour décider de l'acquisition d'un bien immeuble et fixer le prix et les conditions dans lesquelles cette acquisition va intervenir.

Le collège, quant à lui, intervient en amont pour préparer la décision, et ce, sur pied de l'article L1122-12 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation et, en aval, pour exécuter la décision prise par le conseil sur base de l'article L1123-23 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation.

La circulaire du 23 février 2016 mentionnée ci-avant traite également des acquisitions d'immeuble en relevant que les principes évoqués en matière de vente sont également applicables pour des achats d'immeubles, mais de façon simplifiée.

A. L’estimation

Le collège fait évaluer l'immeuble, les mêmes observations que celles que nous avons évoquées ci-avant subsistant. Cette évaluation doit être récente (maximum un an au moment de la décision définitive d’acquisition) pour permettre aux autorités concernées d'apprécier toute la portée de l'acquisition.

B. La délibération du conseil

Le conseil, seul compétent pour décider de l'acquisition d'immeubles, prend une délibération de principe par laquelle il décide de procéder à l'acquisition du bien et fixe les conditions de cette acquisition.

Cette délibération précisera :

  • la désignation complète du bien ;
  • le prix proposé ;
  • la motivation in concreto de l’acquisition ;
  • les voies et moyens : le conseil doit indiquer comment l'achat sera financé par la commune ;
  • le cas échéant, le caractère d'utilité publique de l’opération : l'article 161, 2°, du Code des droits d'enregistrement prévoit en effet la gratuité des droits pour les cessions amiables d'immeubles pour cause d'utilité publique… aux communes, aux établissements publics et à tout autre organisme ou personne ayant le droit d'exproprier.

C. L'intervention du collège

Exécutant la décision du conseil, le collège communal est chargé de la passation de l'acte authentique. Il notifie la délibération du conseil au futur vendeur en l'invitant à comparaître en vue de la passation de l'acte authentique.


[1]     C.E., 28.5.1997, De Backer/gemeente Merkplas en het Vlaams Gewest, n° 66.428.

[2]     Circ. 23.2.2016 rel. aux opérations immobilières des pouvoirs locaux, M.B. 9.3.2016.

[3]     R.P.D.B., v° Vente, p. 133.

[4]      Notons que la circ. 23.2.2016 prévoit des priorités en termes d’affectation pour les communes et leurs entités consolidées soumises à plan de gestion.

[5]      La procédure à suivre en vue de la désignation du notaire se fondera donc sur les articles L1222-3 et L1222-4 du CDLD.

[6]     Pour de plus longs développements sur la question, lire notamment P. Blondiau, Le bourgmestre-notaire, Mouv. comm., 12/1999, et Les missions du bourgmestre, UVCW, 1999, pp. 131 et ss.


Cover: Focus sur la commune - Fiches pour une bonne gestion communale
Focus sur la commune

Cette fiche provient de l'ouvrage "Focus sur la commune - Fiches pour une bonne gestion communale", véritable outil réalisé en collaboration avec la DG05 pour tout savoir sur la commune, terreau de démocratie, pouvoir le plus proche du citoyen au service duquel, jour apres jour, le mandataire local assume son mandat. Indispensable aux décideurs qui veulent contribuer de façon active à la gestion de leur commune.

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Date de mise à jour
1er Novembre 2023

Type de contenu

Matière(s)

Gestion du patrimoine
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