Communiqué de presse

Les enjeux du TTIP pour les pouvoirs locaux

Le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (TTIP) est actuellement en discussion entre l’Union européenne et les Etats-Unis. A ce jour, les conseils communaux de 86 villes et communes de Wallonie sur 262 (32,8%) se sont saisis du sujet, le débattant et votant parfois des motions. Ce chiffre atteste à suffisance que le thème préoccupe les municipalistes wallons. Le Conseil d’administration de l’Union des Villes et Communes de Wallonie (UVCW) a pris tout récemment une position alignée sur celle de sa fédération européenne, le CCRE.[1]

 Le TTIP, késako ? 

La négociation du TTIP vise à accroître les échanges commerciaux entre UE et USA en favorisant l’accès aux marchés (droits de douane, services, marchés publics, investissements), en réduisant les barrières non tarifaires et réglementaires, en recherchant une certaine harmonisation des normes sociales, sanitaires et environnementales. 

Les négociations portent principalement sur:

-              l'abolition de la majorité des droits de douane,
-              l'harmonisation des normes et réglementations,
-              l'ouverture des marchés publics,
-              la création d'un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats. 

Les Etats-Unis sont le premier marché de l'UE (17% du total des exportations européennes) et son 3e fournisseur (11% du total des importations européennes). L’Europe n’entend pas être délaissée par l’Oncle Sam au profit de l'Asie et du Pacifique et se trouve à la croisée des chemins pour garder un rôle de leader actif dans la course économique mondiale. Le TTIP est destiné à soutenir la croissance, l'innovation et la compétitivité des partenaires. 

Toutefois, d’une étude à l’autre, les gains attendus de ce partenariat en termes de croissance et de création d'emplois en Europe sont soit affirmés, soit contestés. 

Ces négociations hyper techniques sont en outre conduites de façon peu transparente par la Commission européenne, ce qui suscite critiques, craintes et questionnements quant aux objectifs, contenus et impacts sur notre modèle social, nos modes de vie, nos standards en matière sociale, sanitaire et environnementale, l’autonomie d’action des pouvoirs publics et la liberté d’organisation des services publics, ou encore l’absence de contrôle démocratique. 

Trois interrogations à propos des services publics locaux 

1.                  Quel traitement pour les services publics ?

Les Européens se sont majoritairement prononcés pour exclure largement les services publics existants du champ de l’accord et garder aux Etats la possibilité d’en créer de nouveaux, d’attribuer des monopoles ou des droits exclusifs, de les financer. Il s’agit des services régaliens (justice, défense, police, etc.) et audiovisuels. Toutefois, la question reste ouverte pour les nombreux services où coexistent ou collaborent acteurs publics et privés (éducation, santé, social). Les négociateurs doivent lister les services à exclure du champ de l’accord (on parle de liste négative) ou ceux sur lesquels ils souhaitent continuer à exercer un encadrement particulier.

Pour les pouvoirs locaux, la préservation des services publics et de leurs spécificités est une grande source de préoccupation. L'ensemble des services publics et d'intérêt général devraient dès lors être exclus de toute marchandisation.

2.                 
Quel impact sur le modèle social européen ? 

De nombreuses questions se posent en matière d’éthique, de travail, de santé, de sécurité environnementale et alimentaire, d’agriculture, de droits humains, de droits du vivant et de protection de la vie privée. Il ne peut être question d’abaisser le niveau de normes sociales, sanitaires et environnementales ou de toutes normes liées à la protection des consommateurs européens.

Les pouvoirs locaux veulent conserver la possibilité de définir des critères qualitatifs, des clauses sociales et environnementales dans les appels d'offres et les cahiers de charges et de choisir la forme la plus appropriée pour gérer et exécuter leurs missions de service public.

3.                 
Quel arbitre pour les différends entre Etats et investisseurs ? 

Le projet de mécanisme spécifique de règlement des différends entre les Etats et les investisseurs (ISDS - Investor-to-state dispute settlement) est critiqué et redouté car il vise à permettre à des investisseurs de contester, devant une juridiction arbitrale, des règles adoptées par les Etats membres (quel que soit le niveau de Gouvernement).

Les discussions autour de ce mécanisme se poursuivent à la suite du tollé généré (150.000 contributions dans le cadre de la consultation organisée par la Commission). Des voix s’élèvent quant à la protection du droit à réguler, au fonctionnement des instances arbitrales, à la relation entre systèmes juridiques nationaux et mécanisme ISDS, aux modalités de recours.[2]

La position des municipalistes wallons

Le Conseil d'administration de l'UVCW, réuni ce 21 avril sous la Présidence de Jacques GOBERT, s'est rallié aux messages-clés de l’avis que le CCRE finalise actuellement : 

Malgré les retombées positives que devrait avoir le TTIP, il convient de se pencher sur ses impacts négatifs potentiels; la Commission européenne ne peut perdre de vue ni l'autonomie locale, ni le rôle incontournable que jouent les services publics en Europe.

Les engagements du TTIP en faveur de la libéralisation des marchés doivent respecter l'autonomie locale, principe historique et consacré par les traités européens et l'acquis communautaire.

Les services publics doivent sortir du champ d'application du TTIP. Le Traité ne peut attenter à la capacité des administrations locales d'œuvrer à une qualité de service élevée et de préserver des objectifs d'intérêt public. Les pouvoirs locaux doit rester libres d'organiser, soutenir, financer et fournir des services publics comme ils le souhaitent. Les autorités locales demeurent résolument attachées à leur droit de déterminer leurs modèles de prestation de service public et de garantir la qualité et la continuité de la fourniture de ces services. Déclarer que le TTIP n'aura pas d'effet sur la qualité des services publics est insuffisant, il faut les retirer purement et simplement du champ d'application du Traité – à l'instar de l'exemption des services audiovisuels.

De même, les règles relatives aux marchés publics et aux aides d'Etat doivent demeurer conformes à celles actuellement en vigueur dans le marché intérieur communautaire.

La coopération réglementaire ne peut en aucun cas provoquer un nivellement par le bas des normes de qualité européenne. Les pouvoirs locaux doivent pouvoir continuer à définir des politiques publiques et des standards de qualité dans tous les domaines de leurs compétences et à décider de standards plus stricts quand l’intérêt général le rend  nécessaire.

Les pouvoirs locaux sont opposés aux dispositions du mandat de négociation sur le Règlement des différends entre investisseurs et Etats (ISDS), qui pourraient permettre à des investisseurs privés de remettre en cause des décisions des autorités locales. Ces dispositions spécifiques sont proprement inacceptables.

Le CCRE regrette le manque de transparence des négociations et appelle à une consultation des pouvoirs locaux, particulièrement dans le Stakeholder Forum (Forum des parties prenantes) du TTIP qui ne compte à ce jour aucun représentant des pouvoirs locaux.

Contact : Michel L’HOOST, Conseiller Presse & Communication UVCW (0496/509945 – mlh@uvcw.be)

 


[1] Le Conseil des Communes et Régions  d’Europe (CCRE) est la plus importante et la plus ancienne (1951) association de collectivités territoriales en Europe. Elle est la seule organisation à fédérer les associations nationales d’autorités locales et régionales de 41 pays européens et représente, à travers elles, tous les niveaux de territoires - locaux, intermédiaires et régionaux.  www.ccre.org

[2] Sur ce point, le Président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a rappelé le 22 octobre 2014 qu’il n'accepterait pas "que la compétence des tribunaux des États membres de l'UE soit limitée par des régimes spéciaux applicables aux litiges entre investisseurs et États".

 

 
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