Publication au Moniteur belge de deux arrêtés du 7 septembre 2023 implémentant des mesures suite à la réforme MILAC
Réforme de la participation financière des parents (PFP)
Au Moniteur belge du 18 janvier 2024, a été publié l’arrêté du 7 septembre 2023[1] fixant diverses mesures en matière de participation financière des parents dans les milieux d’accueil de la petite enfance.
Cet arrêté met en œuvre la réforme dite de la « PFP », participation financière des parents pour les milieux d’accueils de la petite enfance qui sont subventionnés par l’ONE, plus spécifiquement ceux qui bénéficient du subside d’accessibilité[2] octroyé par l’ONE.
L’objectif de cette réforme est de simplifier la grille tarifaire afin de la rendre plus progressive en fonction des revenus des parents. La nouvelle grille se basera sur 4 tranches au lieu de 139. La nouvelle grille sera d’application pour les nouvelles inscriptions à partir du 1er janvier 2025. Elle sera neutre pour le budget des milieux d’accueil eux-mêmes grâce à une compensation du différentiel pris en charge par l’ONE.
Rappelons que cette réforme concrétise un engagement du Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, lequel s’était engagé au travers de sa Déclaration de politique communautaire à « revoir la participation financière des parents pour diminuer le pourcentage payé par les parents aux revenus faibles et moyens et informatiser autant que possible le calcul de la participation financière pour alléger la charge administrative des travailleurs sociaux ».
Précisons que la réglementation relative à la PFP était fixée dans un arrêté du Gouvernement du 27 février 2003 portant réglementation générale des milieux d’accueil et les motifs d’absence des enfants qui constituent des cas de force majeure ou circonstances exceptionnelles, dans un arrêté du 17 septembre 2003. En application de l’arrêté de 2003, la participation financière des parents des milieux d’accueil qui bénéficient a minima du subside d’accessibilité est calculée sur la base des revenus mensuels nets cumulés du ménage et d’un barème reprenant les taux journaliers correspondant aux diverses tranches des revenus mensuels nets. Ce barème est composé de 139 tranches dont les cinq premières sont progressives (à partir de 5%) et les suivantes sont à un taux unique de 11% des revenus mensuels nets.
A présent, l’arrêté du 7 septembre 2023 modifie l’arrêté du 2 mai 2019 fixant le régime d’autorisation et de subvention des crèches, des services d’accueil d’enfants et des (co)accueillant(e)s d’enfants indépendant(e)s es, l’article 125 est remplacé par ce qui suit :
« Article125. §1er. Le montant journalier de la participation financière des parents est déterminé en fonction des revenus cumulés des parents selon des taux progressifs appliqués par tranches de revenus avec application d’un plafond fixé à 45 euros par jour.
Sont pris en considération les revenus des personnes figurant sur la composition de ménage transmise par les parents, à l’exception des :
- revenus des enfants ;
- revenus du ou des ascendants dans la mesure où ils n'assurent pas la responsabilité de l'enfant.
Les taux et les tranches, ainsi que les réductions visées à l'article 126, § 1er/1, sont établis dans l'annexe 4 sur une base mensuelle correspondant à vingt jours de présence effective.
La participation financière est fixée au montant du plafond pour les parents qui ne justifient pas de leurs revenus.
Les revenus déterminant les tranches ainsi que le plafond sont révisés au 1er janvier de chaque année sur la base de l'indice des prix à la consommation de janvier 2024.
§ 2. La participation financière des parents est calculée sur la base des revenus des parents globalement imposables avant déduction des dépenses.
§ 3. Le paragraphe 2 ne pourra être appliqué qu'après une simulation sur une période d'un an et au plus tôt au 1er janvier 2028. Dans l'intervalle, la participation financière des parents est calculée sur la base des revenus mensuels nets.
Le mode de calcul de ces revenus et de preuve de ceux-ci sont déterminés par l'Office. "
Réductions pour les bénéficiaires du BIM et les familles monoparentales
Il convient de rappeler qu’à partir du 1er janvier 2023, une première partie de la réforme de la PFP avait eu lieu dans le but d’améliorer l’accessibilité financière aux enfants des bénéficiaires d’intervention majorée (BIM) et des familles monoparentales, afin de leur assurer: d’une part, la gratuité pour les bénéficiaires d’intervention majorée de l’assurance soins de santé (BIM) et d’autre part, l’ajout des familles monoparentales parmi les publics bénéficiant de la réduction à 70% de la participation financière des parents.
L’UVCW avait émis des craintes quant au fait que ces nouvelles réductions octroyées (BIM, famille monoparentale), portent préjudice aux finances des milieux d’accueil publics. Nous avions sollicité que des garanties juridiques soient prévues pour que les milieux d’accueil ne perdent pas d’argent quant à ce: voyez notre courrier du 31 mai 2023.
L’article 5 de l’arrêté du 7 septembre 2023 nous offre à présent cette garantie, chose que nous saluons.
L’article 5 qui modifie l’article 11, § 3, de l'arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 22 mai 2019 fixant le régime transitoire des milieux d'accueil afin d’y préciser :
« 1° Si un solde demeure à l'issue de cette opération et, de la compensation aux milieux d'accueil pour la mise en œuvre de l'article 126, § 2, de l'arrêté autorisation et subvention dans l'hypothèse où les crédits dégagés de l'extinction de l'intervention accueil visée à l'article 12, alinéa 2, sont insuffisants, il est reversé aux milieux d'accueil par le biais d'une subvention forfaitaire dont le montant est arrêté par l'Office ».
Journées facturées sur base des présences prévues dans le contrat d’accueil
L’instauration de cette nouvelle méthode de calcul de la PFP induira l’entrée en vigueur de l’ensemble des dispositions de l’arrêté du 02 mai 2019 (régime d’autorisation et de subvention) relatives à la participation financière des parents, dont notamment l’article 124. A partir du 1er janvier 2025 et pour tous les parents, quelle que soit la date d’entrée de leur enfant en milieu d’accueil, la PFP sera facturée sur base des journées de présences prévues dans le contrat d’accueil sauf si les absences de l’enfant sont justifiées.
Ces absences justifiées seront limitées à 40 jours maximum par an pour un accueil à temps plein et au prorata en cas d’accueil à temps partiel (exemple : 20 jours pour un mi-temps). Les absences de plus d’un jour, couvertes par certificat médical, ne seront pas prises en compte pour le calcul et ne viendront pas réduire ce quota annuel. Cependant, les jours de fermeture du milieu d’accueil seront pris en compte dans le calcul des 40 jours à concurrence d’un maximum de 10 jours.
L’article 6 de l’arrêté du 7 septembre 2023 abroge l’article 12 de l’arrêté du 22 mai 2019[3], dit « l’arrêté transitoire », qui prévoyait l’entrée en vigueur de cette mesure au 1er janvier 2026. Vu son abrogation, l’entrée en vigueur se fera plus tôt que prévu, soit au 1er janvier 2025 ce qui correspond à une de nos revendications.
Dès lors, toute absence au-delà du quota annuel, « qu’elle soit prévue ou imprévue, justifiée ou non justifiée », est facturable sauf s’il s’agit d’une absence de plus d’un jour couvert par certificat médical.
A l’instar de notre association-sœur Brulocalis, nous avions sollicité[4] une entrée en vigueur anticipée de cette disposition. De la sorte, les milieux d’accueil pourront facturer aux parents plus de jours et percevront une PFP plus grande. C’est à présent chose faite…
Pour votre bonne information concernant plus de détails et la mise en œuvre de cette réforme de la PFP, vous pourrez trouver toutes les informations nécessaires dans la circulaire PFP 2024 de l’ONE qui est sur le site de l’ONE et également reprise ci-après.
Plusieurs mesures prescrites dans le 2e arrêté du 7 septembre 2023 modifiant l’arrêté « autorisation » : éco-crèche, possibilité de recours aux indépendants, co-accueils
L’arrêté du 7 septembre 2023[5] prévoit diverses mesures, nous épinglerons les principales :
Dispositif « éco-crèches »
Selon les modalités arrêtées par l'ONE, un montant de 125 euros, adapté annuellement selon l'évolution de l'indice santé, par place est ajouté à la subvention de fonctionnement visée à l'article 37 bénéficiant au service agréé dont le pouvoir organisateur s'engage dans le dispositif " éco-crèche " visant les objectifs suivants :
- permettre à chaque enfant de s'épanouir dans un environnement sain au service de la qualité de l'accueil ;
- encourager les pratiques écoresponsables dans les milieux d'accueil de la petite enfance ;
- promouvoir une alimentation locale, bio, de saison et moins carnée ;
- développer des actions d'information et d'accompagnement des professionnels, des milieux d'accueil sur les thématiques environnementales ;
- développer, de manière participative, le rôle des milieux d'accueil dans la sensibilisation et l'éducation à l'écologie des enfants et des familles.
Cet engagement se matérialise par la signature de la charte dont le modèle est arrêté par le ministre ayant l'Enfance dans ses attributions sur avis de l'Office. Il implique :
- la réalisation d'un diagnostic de l'impact écologique du fonctionnement du service ;
- la planification d'actions visant à améliorer cet impact ;
- la mention des principes et objectifs découlant de la charte dans le projet d'accueil lors de sa mise à jour à l'échéance fixée par l'article 20, § 4, du Code de qualité.
Le dispositif " éco-crèche " concerne notamment l'alimentation, les équipements, les fournitures, la réduction des déchets, l'utilisation de l'énergie, le bruit, la qualité de l'air et l'exposition des enfants et des professionnels aux polluants chimiques de l'environnement, dont les perturbateurs endocriniens. ".
Recours à des travailleurs indépendants
L'article 3 de l’arrêté du 7 septembre 2023 modifiant l’arrêté « autorisation» prévoit : « Par dérogation, une crèche peut confier les fonctions de direction et d'accueil des enfants à des travailleuses indépendantes ou travailleurs indépendants, à la condition que cette qualification soit conforme au titre XIII de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006 et que le pouvoir organisateur s'engage à respecter les balises complémentaires en matière de condition de travail, définies par l'ONE. "
Nous saluons cette dérogation qui contribuera à soutenir les milieux d’accueils non subventionnés. Dans la contribution écrite que l’UVCW avait soumise à la Présidente de la Commission Enfance Enfance (voyez notre courrier), nous étions en faveur de toute solution juridique possible pour maintenir et donner des perspectives au secteur non subventionné. Car dans le cas contraire, la pression sera davantage mise sur les milieux d’accueils subventionnés dont la plupart émanent des pouvoirs locaux, chose qui n’est pas souhaitée vu le contexte de pénurie de places.
Nous rappelons que le secteur de la petite enfance ne peut se permettre de prendre le risque de perdre les 9.000 places d’accueil issues du secteur non subventionné, auquel cas, la crise qui touche déjà ce secteur s’aggraverait.
Co-accueils
En ce qui concerne les co-accueils, l’arrêté précité a abrogé la date butoir pour la transformation des co-accueils en crèche pour 2024. En effet, la réforme MILAC prévoyait initialement la fin des co-accueils pour 2024.
L’UVCW a toujours revendiqué que ce point de la réforme soit revu afin qu’il n’y ait pas de fermetures de places d’accueil, suite à la non-transformation des co-accueils en crèches ne fût-ce qu’en raison de manque d’espace dans les bâtiments.
Nous dénoncions alors qu’en dépit des possibilités de dérogation et de la période transitoire, les bâtiments des crèches organisées par les pouvoirs locaux et les budgets de ces derniers n’étant pas extensibles, qu’il était indéniable que la disparition des co-accueils ne pourrait être compensée par la création de nouvelles places en crèches publiques, et, par conséquent, que l’offre de places d’accueils se réduirait, avec des conséquences dommageables pour l’emploi des parents et l’émancipation des mères.
Le Conseil d’administration de l’UVCW insistait pour qu’une solution juridique soit trouvée pour maintenir ces milieux d’accueil tout en offrant le salariat également à ces accueillantes et ainsi les rassurer afin qu’elles ne quittent pas leurs fonctions de manière anticipée ce qui aggraverait encore plus la perte de places… (Voyez nos courriers du 7 juillet 2022 et du 31 mai 2023)
L’arrêté du 7 septembre 2023, publié au Moniteur belge le 18 janvier 2024, prévoit également :
- A l’article 17que :
" § 1er. Au plus tard le 30 juin 2024, l'ONE établit une liste des accueillantes conventionnées au sens de l'arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 27 février 2003 portant réglementation générale des milieux d'accueil ne souhaitant pas opter pour le statut salarié. Le personnel repris sur cette liste est autorisé à poursuivre son activité dans les conditions définies par cet arrêté pour l'accueil conventionné. Il peut opter à tout moment pour le statut salarié.
En cas de transformation en crèche d'un co-accueil conventionné au sens de l'arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 27 février 2003 portant réglementation générale des milieux d'accueil, les co-accueillantes peuvent demeurer sous le statut d'accueillant(e)s conventionné(e)s durant le temps nécessaire à l'autorisation en tant que crèche.
§ 2. Lorsqu'aucune autre solution n'est pratiquement envisageable, les accueillantes conventionnées exerçant leur activité dans un même lieu, et autorisées avant le 31 décembre 2025, peuvent poursuivre cette activité, à la condition de conclure un contrat de travail avec un service d'accueil d'enfants dans le respect des normes définies par et en vertu du titre VI de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail.
Si l'une des accueillantes vient à cesser son activité, l'autre accueillante peut poursuivre son activité à titre individuel. Sauf remplacement ponctuel, aucun droit au subside ne peut être octroyé dans le même lieu d'accueil. "
- A l’article 19 :
« 2° un alinéa 5 est inséré, libellé comme suit : " Jusqu'au 31 décembre 2024, les services d'accueil d'enfants peuvent engager du personnel d'accueil dans le respect du titre VI de la loi du 3 juillet 1978 sur le contrat de travail pour l'organisation d'un nouveau co-accueil. L'ONE transmet au Gouvernement une évaluation de la présente disposition pour le 30 septembre 2024 au plus tard. Sur cette base, le Gouvernement statue sur l'opportunité de prolonger la présente disposition. ".
Nous saluons cette nouveauté dans l’arrêté qui prévoit également la création de nouveaux co-accueils dans le respect évident du titre VI de la loi 3 juillet 1978 sur le contrat de travail (contrat de travail à domicile). Rappelons à cet égard que l’ONE avait interpellé le SPF Emploi afin de connaître les différentes situations dans lesquelles des co-accueillantes peuvent être sous contrat de travail à domicile. Le SPF Emploi a répondu qu’il fallait, dans chaque cas, vérifier si deux conditions sont cumulativement remplies : le lieu d’accueil doit être choisi librement par les co-accueillantes et l’accès à ce lieu ne doit pas être en accès libre pour l’employeur.
Nous saluons que la date butoir de 2024 soit levée, ce qui permettra à des co-accueils conventionnés de ne pas fermer, mais également la possibilité de salarier les accueillantes moyennant le respect des conditions prévues dans la loi du 3 juillet 1978 à l’aune de l’interprétation du SPF Emploi.
[1] A.G.C.F. 7.9.2023 fixant diverses mesures en matière de participation financière des parents dans les milieux d’accueil de la petite enfance, M.B. 18.1.2024, Inforum n°372545
[2] C’est-à-dire les crèches et les services d’accueillant.es d’enfants qui bénéficient du subside de base (subside de direction) et du subside d’accessibilité (subside TPMS+ accueillant.e.s).
[3] A.G.C.F. 22.5.2019 fixant le régime transitoire des milieux d'accueil, art. 12, M.B. 16.10.2019
[4] Voyez notre courrier du 31 mai 2023.
[5] A.G.C.F. 7.9.2023 modif. le régime d'autorisation et de subvention des milieux d'accueil, M.B. 18.1.2024. Inforum n°372546