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Mis en ligne le 14 Avril 2017

Un de nos baux à ferme a été résilié unilatéralement. Le locataire sortant nous réclame maintenant des indemnités. Qu’en est-il exactement ?

Quelle que soit la raison de la fin du contrat, la loi sur le bail à ferme prévoit un mécanisme d’indemnité assez complexe au profit du locataire. De manière générale, le preneur peut en principe exiger du bailleur le paiement des indemnités suivantes :

  1. du chef de pailles, engrais et arrières-engrais qu’il abandonne à la sortie, du chef d’avances aux cultures ainsi que des améliorations apportées aux terres quant à leur propreté ;
  2. pour les constructions, travaux et ouvrages dont il a supporté les frais en cours de bail ;
  3. pour les plantations qui ont augmenté la valeur du bien loué ;
  4. voire une indemnisation complémentaire dans certains cas, lorsque le congé est soumis à des règles souples de préavis.

Ces indemnités peuvent être cumulatives, chacune d’elles visant à compenser un type d’investissement consenti ou un dommage subi par le locataire. Evidemment, à l’inverse, le fermier sera tenu à des dommages et intérêts, vis-à-vis du propriétaire, s’il laisse le bien dans un état de malpropreté, en raison d’un mauvais entretien ou de dégradations ne correspondant pas à l’état des lieux d’entrée.

On notera que ce qui suit aborde les règles générales applicables selon la loi de 1969 relative au bail à ferme. Les parties restent cependant libres de prendre en compte d’autres indemnités ou de ne pas prendre en compte celles pourtant prévues par la législation. Certaines conditions peuvent toutefois trouver à s’appliquer dans ce dernier cas. Ainsi, en ce qui concerne l’indemnité la plus courante, à savoir celle du chef des pailles, engrais et arrières-engrais, le refus du locataire sortant d’y prétendre ne peut avoir lieu qu’après le congé donné et doit être acté dans un acte authentique ou faire l’objet d’une déclaration devant le juge de paix.

 1.         Pailles, engrais, arrières-engrais, avances aux cultures et améliorations 

L’objectif de cette indemnisation est de compenser les investissements engagés par le locataire sur la parcelle et dont les effets profiteront au prochain occupant. Elle vise les pailles, engrais et arrière-engrais[1], et avances aux cultures[2] laissées sur la terre à la fin bail.

Elle concerne également les améliorations apportées à la terre. Concernant ces dernières, sont seules visées, celles portant sur l’état de propreté de la parcelle et revêtant un caractère extraordinaire. En effet, la remise d’un bien en bon état d’entretien, même si sa valeur a augmenté suite au soin apporté par le fermier au cours du contrat, sera généralement considérée comme le résultat de l’obligation de cultiver la terre en bon père de famille qui incombe au fermier. Dans ce cas, le locataire ne pourrait prétendre à aucune indemnisation dès lors qu’il s’est limité à exécuter son obligation. Par contre, si la terre a été donnée en location dans un état de délabrement avancé et, en fin de contrat, est rendue par le fermier dans un état de propreté excellent et exceptionnel (suite à une mise en valeur des terres incultes, leur assèchement,…), les frais engagés par le fermier pourraient être indemnisés. Il est évident que la frontière entre les améliorations indemnisables et celles qui ne le sont pas n’est pas toujours aisée, le juge de paix disposant d’un large pouvoir d’appréciation en la matière.

L’indemnité sera égale à la valeur des pailles, engrais, arrières-engrais en fin de bail eu égard à la destination du bien loué, tout en ne pouvant dépasser le montant des dépenses réelles faites par le preneur. Elle peut être fixée forfaitairement, mais il appartient au preneur de prouver sa réalité et la valeur qu’il prétend laisser. La preuve peut se réaliser par toute voie de droit (par exemple : une analyse sur place, invitation du bailleur à assister aux épandages, présomption qu’une terre cultivée classique fait l’objet d’un minimum de fertilisants, …). Certains auteurs de doctrine citent qu’habituellement :

  • la fumure organique est épuisée à concurrence de 45% par la première récolte et 33% par la deuxième ;
  • l’engrais chimique azoté est épuisé en une récolte ;
  • les engrais chimiques potassiques et phosphatés sont épuisés à concurrence de 50% par la première récolte et 15% par la seconde[3].

A noter que si le locataire a lui-même bénéficié, lors de son entrée en jouissance dans les lieux, d’engrais, pailles, arrières-engrais, etc. cet avantage sera déduit de l’indemnité de sortie. Dans ce cas, il appartiendra au bailleur de prouver l’existence de cet avantage en début de bail, le plus souvent grâce à l’état des lieux d’entrée.

2.     Construction, travaux, ouvrages réalisés aux frais du locataire, en cours de bail 

Dans le cadre d’un bail à ferme, le locataire dispose d’une très grande liberté. L’article 25 de la loi lui reconnait notamment le droit de réaliser des constructions, travaux et ouvrages pour autant que ceux-ci soient cumulativement :

  • utiles à l’habitabilité du bien loué ou utiles à l’exploitation du bien ;
  • conformes à la destination du bien loué, en tenant compte notamment de la superficie des lieux loués.

Ce droit peut être exercé dès que les deux conditions susmentionnées sont respectées et pour autant qu’aucun congé visant à mettre fin au contrat n’ait été valablement émis. Corrélativement, la loi a prévu un mécanisme d’indemnisation du locataire pour ces investissements consentis dans ces conditions.

L’indemnité sera principalement liée à la plus-value que le bien a acquise de par ces constructions, travaux ou ouvrages. Selon l’article 26 de la loi, le montant de l’indemnisation variera selon que le locataire a obtenu ou non le consentement écrit du propriétaire ou une autorisation du juge de paix pour leur réalisation. Il dépendra également de qui, du bailleur ou du locataire, est à l’initiative de la fin du contrat de bail. Par exemple, si le bail prend fin à l’initiative du locataire, sauf motif grave, cette indemnité sera plafonnée aux montants des fermages payés par lui au cours des cinq dernières années pour la totalité des terres qu’il loue au même propriétaire.

On précisera en outre que, durant tout le contrat, le locataire est tenu d’entretenir et de supporter les charges liées aux constructions, travaux et ouvrages qu’il a réalisés. Il peut en outre, à tout moment durant le bail et de manière volontaire, enlever ces bâtiments et ouvrages, sans que le bailleur ne puisse l’y contraindre. Par contre, si les bâtiments et ouvrages ont été établis avec le consentement du propriétaire ou autorisés par le juge, leur enlèvement impliquera également un tel consentement ou autorisation.

3.         Plantations ayant augmenté la valeur du bien loué  

L’article 28 de la loi sur le bail à ferme interdit au locataire d’effectuer des plantations, sauf consentement écrit du bailleur. Il existe toutefois certaines exceptions à ce principe. Ainsi, le locataire peut, sans l’autorisation du bailleur, réaliser les plantations nécessaires à la conservation du bien. De même, sous certaines conditions dont notamment l’absence de congé valable, les plantations de remplacement d’arbres morts ou abattus ainsi que celles d’arbres fruitiers, peuvent être réalisées sans autorisation du bailleur.

Une indemnisation est prévue pour les plantations répondant à ces conditions. Elle sera égale à la plus-value apportée, à condition que ces plantations n’aient pas atteint l’âge de 18 ans. Si le bail prend fin à l’initiative du locataire, cette indemnité ne peut dépasser le montant des fermages payés au cours des cinq dernières années par le locataire pour la totalité des terres qu’il loue au même propriétaire.

Dans l’hypothèse où les plantations auraient été faites sans le consentement écrit du bailleur ou à l’encontre des prescriptions légales, le preneur n’a droit à aucune indemnité. Dans ce cas, le bailleur pourrait même revendiquer l’enlèvement des plantations, voire des dommages et intérêts.

 4.         Indemnité complémentaire 

La loi sur le bail à ferme encadre très strictement les possibilités de résiliation unilatérale par le bailleur. Les cas et les périodes durant lesquels le congé peut être donné sont limités. Ceci concourt d’ailleurs à considérer le bail à ferme, dans la  version actuelle de la législation, comme conférant un droit « quasi perpétuel » au locataire.

Des possibilités de résiliations plus souples existent cependant dans certaines situations. Lorsque le bailleur y a recours, le législateur a veillé à ce que le locataire sortant soit totalement indemnisé de la perte subie du fait de cette fin prématurée de son contrat, et ce, en instaurant un mécanisme d’indemnité complémentaire.

Les cas visés sont énumérés limitativement à l’article 46 de la loi sur le bail à ferme. Il s’agit succinctement de:

  • la reprise du bien loué pour son affectation comme terrain à bâtir ou à destination industrielle (sous certaines conditions) ;
  • l’affectation de la parcelle à des fins d’intérêt général par un pouvoir public ou la parcelle qui, après la conclusion du bail, a été acquise sous le couvert d’un arrêté d’expropriation ;
  • la reprise du bien loué que le bailleur entend affecter à un usage familial (cette exception ne nous paraissant toutefois pas concerner les pouvoirs publics).

L’indemnité complémentaire vise à compenser le dommage subi par le locataire. On vise notamment les cas où la diminution de la surface des terrains exploités par le fermier, suite à la rupture du contrat de bail, implique pour lui le chômage d’une partie de son matériel ou la nécessité de diminuer son cheptel. Il appartient évidemment au locataire d’apporter la preuve de son dommage.

Notons que le calcul de cette indemnité est complexe. A défaut d’accord entre les parties, la procédure judiciaire éventuelle nécessitera un certain temps avant d’aboutir (expertise,…). Dans ce cas, la loi a expressément prévu qu’en attendant la fixation de l’indemnité par la justice, le locataire est en droit de recevoir du bailleur une indemnité provisionnelle égale au montant des années de fermage restant à courir avant l’expiration du bail, sans qu’il y ait lieu de tenir compte d’un nombre d’années de fermage inférieur à quatre et supérieur à huit. Aussi longtemps que cette indemnité provisionnelle n’a pas été versée, le locataire peut se maintenir dans les lieux.

Conclusion : l’importance d’un état des lieux

La fixation des indemnités dues aux locataires n’est donc pas chose aisée et peut être sujette à de nombreuses discussions entre les parties. Il en est de même de l’indemnisation du propriétaire, en cas notamment de dégradation apportée au bien.

On ne peut dès lors qu’insister sur l’intérêt de disposer d’un état des lieux lors de l’entrée en jouissance de la parcelle. Rappelons en effet que selon l’article 1731, paragraphe 2 du Code civil, « s'il a été fait un état des lieux détaillé entre le bailleur et le preneur, celui-ci doit rendre la chose telle qu'il l'a reçue, suivant cet état, excepté ce qui a péri ou a été dégradé par vétusté ou force majeure ».

L’état des lieux d’entrée permettra donc de prouver l’état du terrain en début de contrat et, le cas échéant, de compenser l’indemnité due par le bailleur par celle dont est redevable le locataire du chef de défaut d’entretien, d’arrière-engrais dont il a disposé en début de contrat, etc.

Cet état des lieux ne doit répondre à aucune forme particulière. Il doit cependant être suffisamment détaillé. Si les parties ne s’entendent pas, chacune d’elle peut saisir le juge de paix afin que celui-ci désigne un expert pour y procéder. A peine d’irrecevabilité, cette action doit être introduite dans les trois mois de l’entrée en jouissance dans les lieux.

A défaut d’état des lieux, le locataire est présumé avoir reçu le bien dans l’état dans lequel il se trouve en fin de contrat. Il s’agit d’une présomption qui peut être renversée par toute voie de droit. Ainsi, si l’affaire aboutit devant le juge, ce dernier appréciera souverainement l’ensemble des éléments de preuve pour fonder sa décision. 

 


[1] A savoir les matières fertilisantes qui subsistent dans le sol après l’enlèvement des dernières récoltes, car non absorbées totalement par celles-ci.

[2] A savoir les travaux entrepris par le preneur en préparation des récoltes suivantes (labour,…).

[3] V. Renier et P. Renier, Le bail à fermeRép. Not., T. VIII, L.II, p. 314.

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Date de mise en ligne
14 Avril 2017

Type de contenu

Q/R

Matière(s)

Gestion du patrimoine
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