La rentrée des CPAS wallons, entre morosité et inquiétude, volontarisme et propositions constructives
La Fédération des CPAS de Wallonie (UVCW) faisait sa rentrée politique ce jeudi, pour un tour d’horizon des enjeux et défis des mois à venir, entre morosité et volontarisme. Depuis deux ans et demi, les équipes des 262 CPAS wallons luttent sans relâche en première ligne pour atténuer tant que faire se peut, au niveau de leurs bénéficiaires toujours plus nombreux et variés, les impacts cumulés des crises à répétition : sanitaire, climatique (inondations), migratoire (ukrainienne e.a.) et choc énergétique. N’en jetez plus, la coupe est pleine. La volonté d’aider demeure intacte, mais l’inquiétude est forte, notamment au niveau des effectifs et des moyens alloués. Dans un contexte où les demandes d’aide sociale ont explosé (+72 % en 15 ans au niveau du revenu d’intégration- RI).
Luc VANDORMAEL, Président de la Fédération des CPAS de Wallonie (Président du CPAS de Waremme) :
LA SITUATION AU NIVEAU DES CPAS EN WALLONIE EN QUELQUES CHIFFRES
Depuis maintenant deux ans, les CPAS sont en première ligne dans la gestion des conséquences sociales des crises successives : sanitaire, climatique (inondations), ukrainienne, énergétique…
Le nombre de bénéficiaires du revenu d’intégration ou d’une aide équivalente a augmenté de 72 % sur les 15 dernières années. Sur le même laps de temps, l’emploi en CPAS a progressé de 18 %.
Mais le nombre de « RI » est la partie visible de l’iceberg. Singulièrement depuis le début de la crise énergétique, les CPAS voient leur nombre de demandes d'aides sociales fortement augmenter.
Des revendications liees à la structure CPAS et a son avenir
De ce fait, le personnel en CPAS a toujours plus de difficultés à faire face à l’afflux des personnes impactées par toutes ces crises, et a en outre des difficultés à recruter. Cette situation amène la Fédération des CPAS de Wallonie à formuler les 7 propositions suivantes :
1. Repenser la position des CPAS au regard de l’ensemble des institutions sociales, et y adosser la réorganisation et le financement nécessaire. Des propositions concrètes seront formulées en 2023 dans le cadre de la préparation des futures élections, mais nous pouvons d'emblée avancer une triple revendication forte pour les CPAS : le remboursement à 100 % du revenu d'intégration par le Fédéral, son caractère « automatique » et individualisé.
Catherine MINON Vice-présidente de la Fédération des CPAS de Wallonie (Présidente du CPAS d’Estinnes) :
2. Continuer à assurer aux personnes un montant de ressources leur garantissant une vie digne. Afin d’encourager la mise à l’emploi et/ou de garantir le pouvoir d’achat des personnes, concomitamment, un relèvement des bas salaires est indispensable. Plus largement, la budgétisation et la mise en œuvre des mesures prévues dans les Plans de lutte contre la pauvreté à l’échelon fédéral et régional deviennent urgentes, et doivent s’envisager dans la perspective éventuelle de réorientation des Plans de relance.
3. Consolider l’ensemble des fonds, subsides et subventions actuelles, tant régionaux que fédéraux, afin de simplifier la tâche des travailleurs sociaux et de faciliter l’accès des nombreuses aides aux personnes fragilisées (lutte contre le non-recours aux droits). Il convient en effet de rendre l’accès aux droits moins complexe pour les personnes et plus humain pour les travailleurs en CPAS.
4. Poursuivre la réforme du personnel entamée à l’échelon régional au travers de la réforme de la RGB (révision générale des barèmes), et lui donner une ambition. Cela permettra entre autres de lutter contre la pénurie de main d’œuvre en CPAS, au côté d'autres mesures.
Luc VANDORMAEL, Président de la Fédération des CPAS de Wallonie :
5. Prévoir des budgets structurels de recrutement pour les CPAS via notamment une augmentation importante de l’enveloppe du Fonds spécial de l’Aide sociale (FSAS), une révision des critères d’attribution (par la Wallonie), une augmentation importante des frais de dossiers (par le Fédéral) et (comme dit plus haut), le passage du taux de remboursement du RI par le fédéral à 100%.
6. Dialoguer avec les écoles sociales pour constituer un « socle de formation de base » spécifique CPAS pour les travailleurs sociaux. Témoignage souvent entendu pour expliquer le désengouement : « On ne va pas à l’école pour contrôler, faire la morale et remplir des formulaires, mais pour assurer un accompagnement de qualité aux bénéficiaires ».
7. Établir un plan d’actions de revalorisation du travail social en CPAS.
Philippe NOEL, Vice-Président de la Fédération des CPAS de Wallonie (Président du CPAS de Namur) :
CPAS et choc énergétique
Les CPAS font maintenant face à un afflux important de demandes des personnes touchées par la crise énergétique. Deux nouveaux publics frappent à nos portes : la classe moyenne et les professionnels.
Face à cette situation, les CPAS de Wallonie en appellent à :
1. Une clarification urgente des modalités pratiques liées aux différentes mesures annoncées depuis quelques semaines, les personnes et les CPAS dans une situation d’intenable attente ;
2. L’intégration des réalités des ménages précarisés, locataires de leur logement, dans les réformes générales « énergie » et « rénovation » en cours ;
3. Une activation structurelle d’un comité de concertation (Codeco) spécifique à l’énergie pour coordonner davantage les actions fédérales et régionales, avec les experts concernés dont les Fédérations des CPAS;
4. Une conversion des mesures « one shot » et à durée déterminée, qui se sont multipliées depuis quelques mois, en mesures « énergie » pérennes et structurelles. La multiplication des aides et dispositifs à tous échelons complique la lisibilité et l’accessibilité des soutiens possibles, et complexifie le travail en CPAS au profit des personnes fragilisées. Le Premier Ministre a évoqué des impacts sur dix ans ; envisageons des mesures à cette échéance ;
5. La poursuite des efforts de simplification administrative en permettant aux CPAS de disposer d’une enveloppe globale qu’ils attribuent en fonction des besoins identifiés dans le cadre de leur analyse et de leurs ressources humaines ;
6. Un développement des dispositifs spécifiques pour les clients professionnels ou les indépendants, nouveau public en CPAS ;
7. Au-delà des mesures visant l’accès à l’énergie, et en sachant qu’il s’agit de compétences essentiellement régionales, il est urgent de renforcer la mise en œuvre d’une politique de rénovation des logements des publics en précarité, mais aussi de la classe moyenne, qui peinent à payer leurs consommations.
Certaines mesures « énergie » spécifiques s’avèrent urgentes :
1. La prolongation structurelle de l’accès au Tarif social pour les BIM voire, en attendant, une prolongation annuelle ;
2. La poursuite de l’élargissement structurel du dispositif « tuteur énergie et eau » à l’ensemble des CPAS wallons, dans une optique de « prévention » ;
3. Dans la même logique, la consolidation du budget du PAPE (Plan d’Action Prévention Energie) afin de mettre la mesure PAPE à disposition des CPAS chaque année ;
4. La création d’une plateforme interactive pour la gestion des primes Mébar, dans une logique de simplification administrative ;
5. L’articulation des primes et prêts à taux zéro et un soutien renforcé aux CPAS et aux Entités Locales, spécialisées dans l’accompagnement des personnes précarisées afin que ces dernières accèdent aux différents dispositifs d’aide à la rénovation et à l’énergie ;
Eric JEROME, Vice-Président de la Fédération des CPAS de Wallonie (Président du CPAS de Herve) :
CPAS, crise ukrainienne… et de l’accueil
Les CPAS ont également dû gérer en partie l’accueil des réfugiés ukrainiens. Sur les 56 000 personnes bénéficiant des attestations de protection temporaire délivrées par l’Office des Etrangers, les CPAS en ont aidé environ 44 000, dont 12 000 en Wallonie. Cela signifie qu’aujourd’hui, 80% des Ukrainiens sont au CPAS, pour 50% au début de la crise. Ces populations viennent s’ajouter aux personnes déjà fragilisées par les autres crises.
Face à cette situation, les CPAS des Wallonie :
1. Souhaitent que la coordination pour la gestion de cette crise ukrainienne, à l’échelon fédéral, avec les autorités wallonnes, se poursuive voire s’amplifie, étant donné le nombre d’Ukrainiens encore présents sur notre territoire et qui pourraient y rester ;
2. Attendent la confirmation du statut de protection temporaire pour ces populations (donc sa prolongation après deux ans), et donc le maintien du remboursement des aides sociales spécifiques pour les Ukrainiens à hauteur d’au moins 125 %[1] par les autorités fédérales, de façon à soutenir financièrement les CPAS de Wallonie ;
3. Réclament une contribution wallonne au renfort de personnel en CPAS, qui doit accompagner ce type de public notamment dans les structures collectives d’hébergement mises en place sur le territoire ;
Plus largement, l’accueil des demandeurs de protection internationale (DPI) est en crise, laquelle a des impacts sur les CPAS de Wallonie. Dans ce cadre, les CPAS de Wallonie rappellent leur volonté de
1. Clarification urgente relativement au subventionnement des Initiatives locales d’Accueil (ILA). Il faut rassurer sur leur pérennité ;
2. Déblocage rapide de places « tampons » pour l’accueil de ce type de public ;
3. Evaluation du modèle d’accueil actuel dans sa globalité, et du rôle des CPAS dans ce cadre ;
4. Réassurance quant à l’assouplissement de la mesure « suppression code 207 » et des impacts que celle-ci aurait sur les CPAS.
Contact : Luc VANDORMAEL, Président de la Fédération des CPAS de Wallonie (081/240 650 - federation.cpas@uvcw.be)
[1] Elles atteignent 135% les 4 premiers mois, 125% ensuite.
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