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Mis en ligne le 29 Octobre 2010

En 2004, la communauté urbaine de Dunkerque faisait réaliser une thermographie infrarouge aérienne de son territoire afin de mettre en évidence les déperditions thermiques des bâtiments. Depuis lors, plusieurs collectivités françaises lui ont emboîté le pas. Quelle est l’efficacité d’une telle opération et quel en est le coût ?

L’expérience de Dunkerque 

En 2004, une thermographie aérienne infrarouge a été réalisée sur le territoire des 18 communes de la Communauté urbaine de Dunkerque. Plus de 12.000 hectares et de 76.000 bâtiments ont été survolés par un hélicoptère équipé d’une caméra thermique infrarouge et d’une caméra visible. Les zones à analyser ont été déterminées à l’aide d’un positionnement GPS sur base cadastrale. Les prises de vues se sont étalées sur neuf jours (du 17 au 21.2.2004 et du 10 au 13.3.2004) le matin.

Les images infrarouges et visibles collectées ont d’abord été traitées en laboratoire. Ensuite, elles ont reçu un traitement cartographique afin de restituer les images sous forme de "thermicartes" c’est-à-dire de plans cadastraux figurant les déperditions thermiques des toitures au moyen d’une échelle de couleur.

Le montant de l’opération s’élève à un peu plus de 197.000 euros TTC subventionnés à plus de 70 % (hors taxes)  par des partenaires tels qu’EDF, Gaz de France, Dalkia et le Fonds régional d'Aide à la Maîtrise de l'Energie et de l'Environnement (FRAMEE).

La thermographie aérienne réalisée n’est en fait que la première étape d’une démarche plus large de promotion de la maîtrise de l’énergie par la Communauté urbaine de Dunkerque. L’objectif de l’action était de produire un outil de communication et de sensibilisation afin de populariser les économies d’énergie. Une fois les résultats publiés, en octobre 2004, la population a été invitée à s’adresser à un conseiller énergie dans l’un des deux espaces "Info énergie" ouverts à cet effet. Un numéro d’appel téléphonique unique a été mis en place. Des permanences dans les mairies ainsi que des réunions publiques ont également été organisées afin d’inciter aux travaux d’isolation, d’économies d’énergie et de développement des énergies renouvelables. Au-delà de l’enjeu environnemental, l’objectif était également de soutenir et de développer l’économie locale en encourageant la réalisation de travaux. Un fonds de 600.000 euros sur trois ans a notamment été constitué pour ce faire, en association avec EDF (qui bénéficie en retour des certificats d’économie d’énergie [1] générés par les travaux). De plus, une structure relais prend en charge les coûts pour les ménages les plus défavorisés. La région a également mis en place un prêt à taux zéro, en partenariat avec des organismes bancaires. Les fournisseurs de matériaux et grandes surfaces de bricolage s’associent à l’opération en participant à l’information des habitants, et des artisans sont référencés sur base d’une charte de qualité.

En moins d’un an, 551 dossiers de demande d’aides ont été déposés et 3.000 personnes (sur les 75.000 ménages que compte l’agglomération) ont pris contact avec un conseiller en énergie.

Contraintes et avantage d’une telle démarche 

Les limites techniques

La cartographie thermique des bâtiments est réalisée grâce à un hélicoptère, un avion ou un aéronef, équipé d’une caméra infrarouge survolant le territoire à une altitude d’environ 400 m. Des conditions météorologiques strictes doivent être réunies pour assurer la réussite de l’opération:

  • température extérieure inférieure ou égale à 5 °C,
  • soleil masqué,
  • pas de brouillard,
  • humidité minimale (pas de précipitation dans les 36 heures précédant le vol).

En tenant compte des heures cohérentes en matière de chauffage des bâtiments, les conditions requises pour la prise de vues ne sont rencontrées que dans les 2 heures qui suivent le lever du soleil, lorsque les bâtiments sont remis en chauffe. En effet, en journée, les bâtiments subissent l’influence du rayonnement solaire; en soirée, l’énergie solaire emmagasinée la journée est restituée; la nuit, par l’action de la régulation, le chauffage des bâtiments est à son niveau minimum. Le nombre de jours d’intervention possible dans l’année est de ce fait très limité.
La technique actuelle de thermographie aérienne infrarouge ne permet de mettre en évidence que les déperditions thermiques par le toit des bâtiments. Cependant, lorsque la toiture est mal ou non isolée, les autres parois, plus difficiles à traiter, le sont généralement aussi.

L’interprétation des résultats

La thermographie infrarouge permet de mesurer le flux de rayonnement émis par les éléments filmés par la caméra. Ce flux est proportionnel aux déperditions par rayonnement qui dépendent à la fois de la température de surface de l’élément, de la nature de l’élément (sa capacité à absorber et à réémettre de l’énergie, à émettre des rayonnements détectables par la caméra), de la présence ou non d’humidité, de la température extérieure, de la température intérieure du bâtiment… Ainsi un bâtiment correctement isolé mais surchauffé pourrait, sans analyse plus complète, être considéré comme mal isolé et inversement, un bâtiment non chauffé paraître bien isolé. Le vent, selon sa vitesse et son orientation, peut également influencer de manière non négligeable les résultats en "dissipant" éventuellement une partie de la chaleur émise par la paroi du bâtiment.
Les données collectées doivent être traitées de manière à restituer l’information selon une échelle de couleurs représentatives des déperditions et compréhensible par le public (par exemple à Dunkerque, utilisation de 6 couleurs représentant des déperditions non perceptibles, faibles, moyennes, importantes, très importantes ou excessives). La question est de savoir quelles sont les valeurs prises en compte pour estimer que les déperditions sont importantes ou faibles: la référence à la norme thermique en vigueur pour l’isolation des bâtiments ? Les valeurs qu’on est en droit d’attendre compte tenu des possibilités techniques actuelles d’isolation?

Le coût de l’opération

Pour les expériences françaises déjà réalisées, les coûts d’une opération de thermographie aérienne infrarouge varient entre 62.000 euros et 400.000 euros, selon le territoire visé et les objectifs fixés.

Avantage

Le principal avantage de la thermographie aérienne infrarouge tient dans son caractère démonstratif: la représentation visuelle des déperditions thermiques en vue de sensibiliser les habitants à la maîtrise de l’énergie dans leur bâtiment. Pour que cet objectif soit rencontré, il est bien entendu nécessaire que le grand public puisse comprendre les résultats qui lui sont présentés. Néanmoins, la production d’images n’indique en rien que les propriétaires des bâtiments vont prendre la peine de consulter ces informations et décider de passer à l’action, sans autre forme d’accompagnement.

Conclusion

La thermographie aérienne infrarouge n’est pas la panacée: elle est une opération très coûteuse à caractère avant tout démonstratif. Ce potentiel ne peut être mobilisé que si la démonstration est probante, à savoir l’existence d’un grand nombre de toits pas ou peu isolés. Compte tenu des contraintes techniques et de la délicate interprétation des données collectées, elle est l’affaire de spécialistes et doit être menée par des professionnels capables de restituer les résultats sous une forme compréhensible par le grand public. Pour dépasser le simple effet de mode et inciter réellement à agir en faveur de la maîtrise de l’énergie, elle doit s’intégrer dans une démarche plus large de sensibilisation et d’accompagnement des propriétaires de bâtiments sur le moyen terme, avec mise en place d’aides et d’incitants à l’action.

Dans le contexte actuel d’augmentation inexorable des prix de l’énergie, on peut se demander s’il est vraiment nécessaire de recourir à un tel déploiement de moyens pour démontrer ce dont chacun prend de plus en plus conscience en remplissant sa cuve à mazout ou en payant ses factures d’énergie.  Le budget dépensé pour réaliser la thermographie aérienne ne serait-il pas plus utilement investi directement dans des travaux d’isolation évidents ou dans le financement d’audits énergétiques particuliers ?

Références

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  1. [Remonter] En France, la loi programme du 13.7.2005 instaure les certificats d'économie d'énergie. Le principe de ces certificats repose sur une obligation de réalisation d'économies d'énergie imposée par les Pouvoirs publics sur une période donnée aux vendeurs d'énergie (électricité, gaz, chaleur, froid et fioul domestique) comme EDF, Gaz de France, les réseaux de chaleur. Liberté et créativité sont laissées aux vendeurs d'énergie pour choisir les actions qu'ils vont entreprendre afin d'atteindre leurs obligations. Des pénalités financières sont prévues si les vendeurs d’énergie ne parviennent pas à remplir celles-ci dans le temps imparti. De ce fait, un marché des certificats d’économie d’énergie est activé: si cela s’avère moins coûteux, les vendeurs d’énergie peuvent y acquérir les certificats auprès d’autres acteurs (collectivités territoriales ou publique, entreprises…).
    Ce mécanisme peut être comparé à celui des certificats verts pour la production d’électricité "verte" en Wallonie.

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Date de mise en ligne
29 Octobre 2010

Type de contenu

Q/R

Matière(s)

Energie
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