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Mis en ligne le 28 Juillet 2020

CONTEXTE

Si le débat de la supracommunalité n’est pas nouveau, il est cependant plus que jamais dans l’air du temps. Non seulement la Déclaration de Politique Régionale 2019-2024 fait de la supracommunalité une des préoccupations centrales du Gouvernement wallon pour cette mandature mais, surtout, le besoin pour les communes de mutualiser leurs ressources est de plus en plus fort.  Dans la continuité de la DPR, le développement de certains travaux touchant à des questions d’intérêt ou de nature supracommunale actuellement en court au sein du Gouvernement wallon constitue une raison supplémentaire de s’intéresser à cette notion. Nous pensons ici aux travaux visant à définir une trajectoire de réduction de l’étalement urbain par « bassin ».

Nous avons décidé de saisir l’opportunité de faire valoir très en amont notre positionnement sur les orientations principales et balises de la stratégie de supracommunalité wallonne au regard des nouvelles réalités de terrain lors d’un avis d’initiative rendu par notre Conseil d’administration réuni en sa séance du 7 juillet dernier. 

Le présent article donne une définition de la supracommunalité au sens où l’envisage l’Union des Villes et Communes de Wallonie et livre la position de celle-ci sur le sujet.  

A.        Une définition de la supracommunalité

La difficulté de la supracommunalité que l’on peut définir de manière globale comme la manière dont on peut concilier et concerter les intérêts communaux sur les territoires de plusieurs communes réside dans le fait que les enjeux sont de natures très différentes.

Cette notion est aujourd’hui utilisée pour décrire bien des réalités que nous résumerons en trois points.

  • La supracommunalité institutionnelle qui chapeaute les communes et pas forcément sur une base volontaire : la supracommunalité constitutionnelle, les agglomérations et fédérations de communes. Ces institutions sont composées d’élus directs, disposent d’instances de délibérations propres et leurs décisions s’imposent aux communes qui en font partie. C’est dans cette catégorie que nous rangerons également les zones de polices et les zones de secours.  
  • L’intercommunalité comme une association de communes créée en vue de faire mieux ensemble ce qu’on ne pourrait faire seul. L’intercommunale a un objet social bien défini qui regroupe généralement des matières d’intérêt communal qui lui sont déléguées. L’association de projet peut également être rangée dans cette catégorie ainsi que, dans une certaine mesure seulement, les asbl communales.
  • La coopération supracommunale volontaire, ascendante et sans structure prédéfinie.

C’est sur cette dernière forme de supracommunalité que nous avons décidé de concentrer notre réflexion, celle qui diffère des structures réglementées. La supracommunalité s’envisage alors comme une supracommunalité de projet, une collaboration entre communes en vue de réaliser un projet à une échelle supracommunale, et dans laquelle les communes ne s’organisent pas en vue de déléguer des pans de l’intérêt communal mais plutôt dans un objectif de construire ensemble des projets d’intérêt communal choisis conjointement en maintenant la stratégie entre leurs mains; les projets pouvant toucher à différentes matières.

Citons pour exemples, le Pays de Famenne, la Wallonie Picarde, Charleroi métropole, les différentes conférences des élus/bourgmestres, etc.

B.        La position de l’UVCW

Considérations générales

La supracommunalité de projet peut sans complexe s’envisager sur le long terme avec des objectifs et des projets qui peuvent transcender la mandature. Aujourd’hui, cette forme de supracommunalité a pris de l’ampleur et s’observe à différentes échelles. 

Concernant certains acteurs spécifiques, soulignons que les intercommunales s’envisagent en premier lieu comme des outils de supracommunalité pour des matières qui leur sont déléguées et que, dans ce schéma, elles travaillent tant sur l’aspect opérationnel que stratégique pour mener à bien les missions qui leur ont été confiées. Ceci ne les empêche pas d’être également présentes sur le terrain pour certains projets de supracommunalité qui s’initient en dehors de leur structure en étant davantage, dans ce cas, un outil opérationnel. Par ailleurs, les intercommunales de développement économique couvrent tout le territoire (maillage complet). Il existe une réelle cohérence territoriale qui en fait un outil très intéressant dont les communes pourraient se saisir au service de la supracommunalité de projet.

Notons également que les provinces sont perçues comme poursuivant leurs propres logiques à leur échelle territoriale qui, dans certains cas, manque cruellement de coordination et de volonté de mutualisation avec les politiques communales. Il est dès lors d’autant plus important de recentrer ces politiques en termes de missions (et de budgets) et de favoriser l’émergence de concertations entre communes aux échelles supracommunales qu’elles identifient comme pertinentes pour la mise en œuvre de projets communs ou s’appuyant mutuellement. Dans ce cadre repensé, la collaboration entre les communes et la province pourrait s’en trouver facilitée. 

Les enjeux financiers de la supracommunalité 

La supracommunalité doit également et surtout être vue sous l’angle du critère financier. La supracommunalité doit permettre la mutualisation, la répartition et la rationalisation des ressources en permettant de créer des économies d’échelles. Les limites actuelles des territoires ne reflètent pas les réalités territoriales que ce soit au niveau des bassins de vie ou des flux, et posent des problèmes de péréquation.

La supracommunalité de projet permet déjà aujourd’hui la contribution des communes à une piscine ou à un hall sportif, mais pourrait demain être la solution à des projets de plus grandes envergures, notamment en matière de logements. A titre d’exemple, une commune A pourrait contribuer au financement de logements sociaux de la commune B sans être obligée d’en construire car elle, commune A, concentrera ses efforts sur la mise en œuvre d’autres projets.  

La gouvernance

Premièrement, soulignons d’emblée que la création d’une entité supracommunale institutionnelle ne nous semble pas opportune pour des raisons de simplification administrative mais aussi parce qu’une telle instance ne serait probablement pas de nature à répondre aux différents enjeux énoncés (souplesse, autonomie communale, etc.)

L’application de la clé d’Hondt et la limite au cumul des mandats nous paraissent être un frein à l’utilisation des outils classiques. Il importe que les mandataires exécutifs communaux, et en particulier les bourgmestres, puissent trouver une place dans la stratégie des projets à une échelle supracommunale.

Un lieu de discussion stratégique rassemblant les acteurs politiques de poids est nécessaire non seulement pour garantir l’autonomie communale mais aussi pour éviter le désintérêt des acteurs locaux. La création des conférences des élus/bourgmestres en témoigne.

Ce sont les intérêts communaux à concilier qui doivent être représentés à un niveau supracommunal et ceux-ci semblent davantage mieux représentés par les leaders des majorités locales que par une répartition stricte de la clé d’Hondt, qui pourrait notamment conduire à la représentation de certaines communes par des conseillers de l’opposition. Or, le premier représentant d’une commune est son bourgmestre. Rappelons que la clé d’Hondt est avant tout conçue pour composer des organes tels que les conseils d’administration d’intercommunales, au sein desquels la responsabilité des administrateurs est d’assurer la réalisation de l’objet social de la société, et pas de représenter les intérêts purement locaux de la commune dont ils sont issus.

Cette réflexion nous semble d’autant plus juste que l’émergence de plus en plus importante de listes sans étiquette politique remet en cause la répartition de la clé d’Hondt. Bien entendu, cette réflexion ne signifie pas qu’il faut faire une croix sur une représentation démocratique plus inclusive. Il pourrait être envisagé que les partis non représentés par un bourgmestre/échevin obtiennent une place au sein des aires de coopérations. L’existence de ces aires ne signifient pas non plus que les débats de supracommunalité doivent être systématiquement évincés des conseils communaux.

Les outils actuellement mis à disposition par le Code de la démocratie locale nous semblent suffisants mais inadaptés aux réalités du terrain pour doter les communes d’un réel outil stratégique de supracommunalité de projet. Ainsi, si le CDLD prévoit déjà la possibilité pour les communes de s’associer entre elles en créant une asbl communale ; le libellé des dispositions ne colle cependant pas au fonctionnement des aires de coopération supracommunale du type conférence des élus. En effet, alors que les asbl communales doivent être composées d’élus repartis selon la clé d’Hondt, les conférences des bourgmestres/élus, sont généralement composées de membres du collège communal. Nombre de ces conférences des élus/bourgmestres fonctionnent bien et une assise légale pourrait leur être consacrée en adaptant le cadre réglementaire actuel.

Les expériences de communautés urbaines (Liège Métropole, La Louvière/Communauté urbaine du Centre), ainsi que des projets de territoires (la Wallonie Picarde, le Pays de Famenne, le Cœur du Hainaut, etc.), mettent en évidence que nous sommes à la recherche de territoires pertinents de coopération à une échelle intermédiaire entre la commune et la Région. De type spontané et sans référentiel décrétal, ces expériences fonctionnent sur base d'intérêts négociés et sans attribution de compétence formelle. Si nous sommes convaincus que cette souplesse permet la création de projet, l’absence de cadre peut rapidement constituer une limite.

Eviter une supracommunalité institutionnelle ne veut pas dire que nous ne pouvons pas envisager un cadre réglementaire souple, dans un objectif de financement, qui ne doit pas être conçu comme une couche de lasagne supplémentaire. La souplesse nous parait être de mise car les réalités territoriales diffèrent fortement d’une province à l’autre.

Les stratégies supracommunales pourraient être gérées par un outil de pilotage mis en place par une communauté de communes, qui réunirait les interlocuteurs locaux adéquats. Une structure reprenant les acteurs locaux de poids mais pas uniquement. Elle pourrait également se composer des partenaires socio-économiques et politiques, des entreprises, des représentants de la sociétés civiles, des universités, peut-être même des citoyens, etc. La forme juridique pourrait être celle de l’asbl mais envisagée différemment de la gouvernance prévue pour les asbl communales. La composition des assemblées, la création d’organes consultatifs, le lien avec les partenaires socioéconomique du territoire seraient laissés à l’appréciation des communes membres en fonction de leurs réalités/besoins.

De façon générale, concernant la supracommunalité, l’UVCW réaffirme que la dynamique des communautés de communes est une démarche qui doit venir des communes (démarche bottom-up). La philosophie même de la démarche supracommunale implique, dès lors, qu’elle soit initiée et pilotée par les communes. La supracommunalité doit donc s’inscrire dans une démarche ascendante de coopération et de coordination d’intérêts communaux, respectueuse de l’autonomie communale.

La DPR et le rattachement des communes à des « bassins de vie » 

La DPR prévoit spécifiquement que le Gouvernement wallon entend « Encourager la gouvernance territoriale par la coopération des communes au sein de bassins de vie. A cette fin, le Gouvernement adoptera une méthodologie et invitera les communes à déterminer à quel bassin de vie elles se rattachent. Le Gouvernement financera la réalisation de schémas de développement pluricommunaux intégrant les communes d’un même bassin ».

Un redécoupage du territoire est donc prévu. Au vu des objectifs qu'ils sous-tendent, ils seront, demain, un outil essentiel dans la planification territoriale en Wallonie.

Une question à se poser est de savoir si la démarche doit être choisie par les villes et communes ou initiée par la Région ? Etant donné les éléments évoqués ci-avant, un découpage par la Région nous semble nier l’approche bottom up dans la définition des besoins, matières et projets concernés, et la nécessaire possibilité d’aborder des territoires à géométries variables en fonction de ces besoins. Nous estimons que les communes devraient choisir par elles-mêmes les partenaires communaux avec lesquels elles souhaitent travailler. Si nous souhaitons définir un outil auquel les communes adhèrent, ce qui est absolument indispensable pour qu’il soit efficace, il faut leur laisser un maximum de latitude. Il est possible qu’une telle démarche débouche par endroits à des bassins de vie de petites échelles. Nous estimons cependant qu’il vaut mieux travailler avec des outils qui fonctionnent plutôt qu’avec une rationalisation qui irait probablement de pair avec une faible adhésion.

Soulignons que les chevauchements des flux ne permettent pas une délimitation précise des espaces de vie. Dans ce contexte, la convergence de territoires et de compétences semble difficilement envisageable si l’on souhaite disposer d’un outil souple qui réponde aux préoccupations actuelles. Gardons à l’esprit qu’un modèle tout fait de supracommunalité ne sera certainement pas gage de réussite.

Dans ce contexte, une « supracommunalité fluide » nous semble devoir s’envisager en ce sens que :

1° Une communauté de communes rassemblées en bassin de vie ne doit pas freiner les initiatives supracommunales à plus petites échelles ou à cheval sur deux bassins et qui seraient formalisées par les outils traditionnels (par exemple sous la forme d’une convention entre communes).

2° L’appartenance à un bassin de vie ne doit pas être figée. En vue de préserver l’autonomie communale et la souplesse nécessaire au bon aboutissement des projets, la possibilité de changer de bassin de vie devrait être prévue avec des conditions à définir.

3°  Une commune pourrait appartenir à différents bassins de vie en fonction de la thématique envisagée lorsque cela s’y prête mieux que le simple recours aux outils traditionnels.

Le financement

Le régime des subventions octroyées au projet de supracommunalité par les instances supérieures doit être objectivée.

La dynamique des communautés urbaines/de communes s'inscrit dans une optique de développement intégré, dont la portée stratégique est primordiale pour les communes mais aussi pour les autres niveaux de pouvoirs, dont la Région. A ce titre, une majoration des taux de financement des politiques et projets mérite d’être plébiscitée. En effet, le gain stratégique pour les pouvoirs subsidiants justifie que leurs subventions soient d’autant plus importantes que les projets s’inscrivent dans des stratégies coordonnées. Dans ce contexte, si des subsides d’impulsion ont encore une raison d’être pour appuyer le développement de projets d’intérêt stratégique pour la Région, le soutien à la supracommunalité doit, à l’instar du financement des communes, intégrer les notions de droits de tirage et fonds d’investissement.

Par ailleurs, la supracommunalité de projet telle qu’envisagée dans la présente note d’orientation doit bénéficier d’un régime fiscal attrayant.

Conclusion

En conclusion, dans cet avis, l’Union des Villes et Commune de Wallonie envisage la supracommunalité comme une supracommunalité de projet, une collaboration entre communes en vue de réaliser un projet à une échelle supracommunale, et dans laquelle les communes ne s’organisent pas en vue de déléguer des pans de l’intérêt communal mais plutôt dans un objectif de construire ensemble des projets choisis conjointement en maintenant la stratégie entre leurs mains.  

Cette supracommunalité de projet nous parait incompatible avec une forme de supracommunalité institutionnelle, ce qui ne doit pas empêcher la création d’un cadre réglementaire souple tenant compte de la disparité des réalités territoriales. Une adaptation de l’outil qu’est l’asbl communale pourrait offrir une solution.

Ce cadre réglementaire doit tenir compte d’un prérequis : Il importe que les mandataires exécutifs communaux, et en particulier les bourgmestres, puissent trouver une place dans la stratégie des projets à une échelle supracommunale, ce qui n’exclut pas une représentation démocratique plus large. Il importe que cette structure soit également le lieu de rencontre entre les mandataires et les partenaires socio-économiques et politiques.

Le redécoupage territorial en bassins de vie envisagé par le Gouvernement wallon n’est pas nécessairement incompatible avec ce qui précède pour autant que la création des bassins soit initiée par les communes. Le bassin de vie serait alors un lieu de collaboration entre communes en vue de réaliser un projet à une échelle supracommunale.

Dans le contexte des bassins de vie, une « supracommunalité fluide » nous semble devoir s’envisager en ce sens que :

1° Une communauté de communes rassemblées en bassin de vie ne doit pas freiner les initiatives supracommunales à plus petites échelles ou à cheval sur deux bassins et qui seraient formalisées par les outils traditionnels.

2° L’appartenance à un bassin de vie ne doit pas être figée. En vue de préserver l’autonomie communale et la souplesse nécessaire au bon aboutissement des projets, la possibilité de changer de bassin de vie devrait être prévue avec des conditions à définir.

3° Une commune pourrait appartenir à différents bassins de vie en fonction de la thématique envisagée lorsque cela s’y prête mieux que le simple recours aux outils traditionnels.

Enfin, concernant le financement des projets supracommunaux, si des subsides d’impulsion ont encore une raison d’être pour appuyer le développement de projets d’intérêt stratégique pour la Région, le soutien à la supracommunalité doit, à l’instar du financement des communes, intégrer les notions de droits de tirage et fonds d’investissement.

 

 

 

 

 

Auteur Conseiller(e)(s) / personne(s) de contact
Inter(supra)communalité : Sylvie Bollen - Judith Duchêne
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Date de mise en ligne
28 Juillet 2020

Type de contenu

Matière(s)

Inter(supra)communalité
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