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Mis en ligne le 18 Octobre 2021

A la demande de Christophe Collignon, Ministre du Logement, des Pouvoirs locaux et de la Ville, l’Union des Villes et Communes de Wallonie a remis un avis, en extrême urgence, sur l’avant-projet de décret relatif à l’usage du Covid Safe Ticket et à l’obligation du port du masque. En voici la teneur:

Remarques générales

La législation régionale sur le Covid Safe ticket et le port du masque doit concilier le respect de deux « intérêts protégés » tout à fait légitimes, à savoir la protection de la santé publique, d’une part et le respect des libertés individuelles, d’autre part. Il convient sans doute de rappeler ici l’avis n°164/2021 du 28 septembre 2021 de l’APD concernant l’avant-projet d’ordonnance bruxelloise relative à « l’extension du Covid Safe Ticket en cas de nécessité découlant d’une situation épidémiologique particulière de la Région de Bruxelles-Capitale » pour en tirer enseignements pour la législation régionale wallonne.

L’APD précise, en effet, dans son avis, que l’exigence d’un Covid Safe Ticket (ci-après CST) « constitue une ingérence particulièrement importante dans le droit au respect de la vie privée ». Nous pourrions également ajouter qu’il risque de porter atteinte à la liberté d’aller et venir et à celle de se réunir, libertés consacrées dans la Constitution et auxquelles nous savons la Région très attentive.

Il est donc essentiel qu’une mesure comme le CST soit particulièrement bien motivée, proportionnelle et nécessaire par rapport au but recherché dans le respect des législations applicables. En outre, l’UVCW pense également essentiel de prendre en compte les risques de discrimination qu’une telle mesure peut apporter ainsi que la fracture numérique (toutes les personnes ne disposent pas d’un smartphone, d’une connaissance suffisamment approfondie des nouvelles technologies, etc.).

Examen de l’avant-projet de décret

Comme il est indiqué dans l’exposé des motifs, la base légale qui permet aux entités fédérées d’étendre le champ d’application du CST est l’accord de coopération du 27 septembre 2021 qui a modifié l’accord de coopération du 14 juillet 2021. Cet accord de coopération précise dans son exposé général ce qui suit : « Ce n’est que lorsque la situation épidémiologique le justifie et après une évaluation de ces circonstances par le RAG qu’une région ou une communauté peut activer ces mesures. Après le 31 octobre 2021, le principe de base sera même que le Covid Safe Ticket n’est plus applicable/en vigueur et ne peut donc pas être utilisé, à moins qu’une situation épidémiologique alarmante soit présente dans une certaine région ou communauté et que le RAG y souscrive ».

Elle précise que « l’utilisation du CST dans ces secteurs ne peut être rendue obligatoire que lorsqu’une entité fédérée émet un décret ou une ordonnance à cet effet dans la mesure où il existe des circonstances épidémiologiques qui justifient cette utilisation sous réserve de la consultation préalable du RAG, qui doit rendre un avis non contraignant dans un délai de 5 jours ouvrables, et dans la mesure où cette utilisation est limitée dans le temps (il est fortement recommandé de la limiter à un maximum de 3 mois) ».

Cette règle est précisée à l’article 13bis, du paragraphe 5 de l’accord de coopération en ces termes : « Les conditions épidémiologiques locales seront évaluées par le RAG (…). Cet avis non contraignant du RAG doit être rendu dans un délai de 5 jours ouvrables à compter de la réception de la demande d’avis. Ce n’est qu’après réception de cet avis du RAG ou après l’expiration de ce délai de 5 jours ouvrables (…) que les entités fédérées (…) peuvent envisager d’étendre le champ d’application du CST (…) ». Il conviendrait que le décret reprenne cette procédure en corps de texte afin de motiver au mieux le besoin de prendre des mesures plus contraignantes lorsque les évènements l’exigent.

Pour éviter des recours contre le futur décret, il convient également de rappeler le rapport du GEMS du 31 août 2021 dans lequel il est indiqué que « pour plusieurs lieux et événements, que des mesures alternatives (comme le port du masque, la ventilation et le maintien des distances) peuvent effectivement suffire pour limiter le risque de transmission et/ou de super propagation. C’est le cas, par exemple, pour les évènements et les festivals qui se déroulent « en mode statique », pour les restaurants ou encore pour les cinémas, les théâtres et les musées. L’autorité s’interroge dès lors sur la nécessité de l’ingérence causée par le recours au CST dans de tels lieux puisque des mesures moins attentatoires doivent permettre, selon l’avis des experts du GEMS, d’atteindre l’objectif poursuivi ». Ne serait-il pas préférable de limiter davantage les lieux où le CST sera exigé en se basant sur l’avis des experts du GEMS ?

En outre, l’avant-projet de décret impose le CST pour des évènements de masse dès 50 participants en intérieur alors que le Fédéral l’impose pour 500 participants. Il conviendrait de justifier cette aussi grande différence en ce qui concerne le nombre de participants.

L’article 2, 12° de l’avant-projet de décret donne une définition différente des « établissements de soins résidentiels pour personnes vulnérables » de celle de l’accord de coopération. Ainsi, l’avant-projet de décret les définit de la manière suivante : « hôpitaux et établissements d’accueil ou d’hébergement pour personnes âgées, en ce compris les centres de soins de jour, les centres de réhabilitation, les établissements pour personnes handicapées, les établissements psychiatriques ou les établissements pour personnes souffrant de troubles mentaux », alors que l’accord de coopération les définit de la sorte : « hôpitaux, centres de soins résidentiels, centres et hôpitaux de revalidation, services d’accueil spécialisés de la petite enfance (SASPE), établissements pour personnes handicapées, les établissements psychiatriques ou les établissements pour personnes souffrant de troubles mentaux. » Or, l’article 1, paragraphe 1, 21° précise qu’il s’agit d’une énumération exhaustive des établissements et facilités où il est possible de faire usage du CST pour y réglementer l’accès. S’agissant d’une énumération exhaustive, l’UVCW pense qu’il n’est pas envisageable de modifier la définition des établissements visés.

En outre le 13° du même article reprend la définition de « visiteurs » qui ne paraît pas claire. En effet, il peut être sous-entendu que le CST s’appliquera aussi aux visiteurs de plus de 12 ans. Or, l’accord de coopération, qui doit être respecté, en son article 12, paragraphe 5 précise « À l’exception des établissements de soins résidentiels pour personnes vulnérables, le traitement impliquant la lecture du certificat Covid numérique de l’UE ou du Covid Safe Ticket généré par le titulaire afin de réglementer l’accès aux établissements et facilités pour lesquels l’utilisation du Covid Safe Ticket peut être appliquée, n’est licite que pour les détenteurs d’un certificat Covid numérique de l’UE âgés de 16 ans et plus, sans pouvoir refuser aux personnes de moins de 16 ans l’accès aux établissements et facilités pour lesquels l’utilisation du Covid Safe Ticket peut être appliquée ». Il semblerait dès lors utile de revoir la définition y apportée dans l’avant-projet de décret afin d’éviter toute incompréhension.

La même remarque semble devoir être apportée à la définition donnée à « participant » au 16°. La distinction entre les personnes de 12 ans et de 16 ans doit, selon l’UVCW, être précisée. La définition d’évènement ou activité privé(e) semble trop restrictive en indiquant qu’il doit s’agir d’un évènement occasionnel ou spécial. Rien n’interdit, dans l’accord de coopération, d’organiser régulièrement des évènements privés. En effet, l’accord de coopération précise dans l’exposé général « les évènements qui se déroulent dans un cadre privé et/ou dans un lieu fermé non accessible au public ne seront pas qualifiés d’évènements de masse ».

L’article 6 de l’avant-projet de décret donne la possibilité aux bourgmestres d’adopter des mesures plus strictes à l’utilisation du CST lors d’évènements de masse, d’expériences et projets pilotes. Le sort des discothèques et dancings ne parait pas clair. Il conviendrait de préciser que cette possibilité donnée aux bourgmestres ne vise pas les discothèques et dancings et que les pouvoirs locaux ne peuvent pas, non plus, modifier le nombre de visiteurs.

L’article 7 prévoit qu’il appartient aux bourgmestres de contrôler l’application des mesures mises en place sur la base du décret. Il semble essentiel de rappeler, qu’en termes de ressources humaines, cela risque d’être particulièrement difficile de mettre ce contrôle en pratique. Il n’est, effectivement, pas envisageable d’aller contrôler l’ensemble des restaurants, cinémas, salles de sport, … situés sur le territoire communal sachant que les services de police ont déjà beaucoup de difficultés à gérer leurs missions de base. Les villes et communes et leurs zones de police manquent de moyens et de financement pour ce faire. La neutralité budgétaire impose que la Région en débloque à leur profit.

L’avant-projet de décret prévoit également l’imposition d’une amende administrative régionale. Or, l’arrêté ministériel du 28 octobre 2020 prévoit déjà une sanction pénale pour les mêmes faits, notamment en ce qui concerne le port du masque dans les transports en commun. Il n’est pas possible de sanctionner deux fois un même fait, du fait du principe « non bis in idem », à moins d’introduire le système des sanctions administratives mixtes. Mais, dans ce cas, un texte fédéral devra le permettre, ce qui ne semble pas le cas dans l’arrêté ministériel du 28 octobre 2020.

Enfin, l’implication des différents niveaux de pouvoirs (Gouvernement fédéral, Wallonie, gouverneurs, bourgmestres, …) rend les choses peu claires et transparentes. Une circulaire explicative des différents pouvoirs de chacun ferait œuvre utile pour aider les villes et communes dans l’application de ces différentes mesures.

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Date de mise en ligne
18 Octobre 2021

Auteur
Sylvie Smoos

Type de contenu

Matière(s)

Police administrative
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