Le décret impétrants s’applique-t-il sur les voiries communales appartenant à des propriétaires privés ?
Le décret impétrants[1] définit la voirie comme « la voirie publique terrestre routière, y compris celle destinée à être incorporée dans le domaine public, composée de toutes aires ou de toutes voies destinées à des fins de circulation publique, par quelque mode de déplacement que ce soit, ainsi que ses dépendances et l'espace aérien et souterrain y afférents ».
L’exposé des motifs du décret précité précise à cet égard que :
« Est également visée, la voirie « privée » à réaliser au titre de charge d’urbanisme et qui sera cédée à la commune. (…)
La cession gratuite de la voirie et de son équipement est le corollaire le plus fréquent de l’obligation de réaliser à ses frais une voirie et son équipement ou de la modifier. Une telle imposition se justifie, en réalité, par des raisons d’entretien. Les voiries d’un lotissement sont appelées, en effet, à rejoindre l’infrastructure routière communale du fait de leur ouverture au public. Par ailleurs, une fois que tous les lots ont été vendus, le lotisseur se retire. Si une telle cession n’est pas imposée, les habitants du lotissement devraient dès lors prendre en charge l’entretien de la voirie et son infrastructure.
Le projet de texte entend s’appliquer à cette dernière hypothèse, dès lors que la voirie sera cédée à la commune. »[2]
Sur le site de POWALCO, onglet FAQ Juridique, il est répondu comme suit à la question suivante « Les voiries privées destinées à être cédées à la commune telles que celles construites pour des lotissements sont-elles visées par le décret ? Lorsqu’une tranchée doit être réalisée à front de voirie dans le cadre d’un lotissement, qui doit inscrire le chantier dans Powalco ? » :
« Tant que la voirie n’est pas à usage public, le décret ne s’applique pas. Mais les points de liaison entre les réseaux existants (sur le domaine public) et leurs extensions dans le lotissement doivent faire l’objet d’un chantier dans Powalco. C’est un des GCC participant au chantier qui devra être désigné pour encoder le chantier dans la plateforme Powalco ».
A notre sens, dès que la voirie du lotissement est à usage public, le décret impétrants devra s’appliquer et ce, quand bien même la cession n’a pas encore eu lieu. Pour que le décret puisse s’appliquer concrètement, la voirie utilisée par le public devra être inscrite sur la plateforme POWALCO.
C’est à celui qui crée la voirie de transmettre ses plans. Sur cette base, la commune doit mettre à jour la cartographie du PIC. Dans la mesure où la plateforme POWALCO s’en réfère à la cartographie du PIC pour établir les zones d’influence des communes, la mise à jour de ladite cartographie entrainera celle de la plateforme POWALCO. Mais qu’en est-il des voiries communales qui consistent en des servitudes de passage et qui n’ont pas forcément été créées dans le cadre d’un lotissement ? Rappelons que le décret voirie[3] définit la voirie communale comme la « voie de communication par terre affectée à la circulation du public, indépendamment de la propriété de son assiette, y compris ses dépendances qui sont nécessaires à sa conservation, et dont la gestion incombe à l'autorité communale ».
L'exposé des motifs du décret voirie indique que "La notion de voirie publique est une notion de pur fait : une voirie est publique dès l’instant où elle est accessible au public. L’assiette d’une voirie publique peut aussi bien appartenir aux pouvoirs publics qu’à un particulier. Dès l’instant où une voirie est publique, elle se voit appliquer les charges et obligations découlant de la police de la voirie. « Une voie de communication accessible à la circulation du public est une voie publique, même si elle été ouverte par un particulier et que le sol sur lequel elle est établie continue à appartenir à ce dernier. En ce cas, elle est soumise à toutes les obligations et charges qui découlent de la police de la voirie, c’est-à-dire non seulement les règles destinées à garantir la liberté, la sécurité et la salubrité de la circulation mais aussi celles qui concernent l’administration de la voie, notamment son alignement et son tracé » (Cass., 14 septembre 1978, Pas., 1979, I, p. 43)."[4]
Ainsi, "Le fait que l’assiette de la voirie reste la propriété d’une personne privée est sans incidence sur la qualification de voirie publique. Si une voirie est établie sur un terrain privé, mais qu’elle est ouverte à tout le monde, elle doit être considérée comme publique. L’affectation publique est appréciée au cas par cas, selon les circonstances de l’espèce."[5]
Dans le cadre de la question parlementaire suivante, le Ministre wallon de l’Aménagement du territoire de l'époque, Monsieur Willy Borsus, a indiqué que, pour ces voiries communales, les obligations prévues par le décret impétrants ne s’appliquaient pas :
« Du point de vue de la mise en œuvre du décret du 30 avril 2009, relatif à l’information, la coordination et l’organisation des chantiers, sous, sur ou au-dessus des voiries ou des cours d’eau (ci-après décret « impétrants »), la circonstance qu’une voirie communale constitue une servitude publique de passage, ou autrement dit, que la propriété de son assiette soit privée, exclut celle-ci de son champ d’application.
Ce décret n’a pas vocation à s’appliquer dans ces circonstances, dans la mesure où la voirie y est définie comme suit : « la voirie publique terrestre routière, y compris celle destinée à être incorporée dans le domaine public, composée de toutes aires ou de toutes voies destinées à des fins de circulation publique, par quelque mode de déplacement que ce soit, ainsi que ses dépendances et l'espace aérien et souterrain y afférents ».
La seule nuance à apporter concerne les voiries dont la création est autorisée et dont la cession de l’assiette à la commune, ou plus exceptionnellement à la Région, est prévue, conventionnellement ou par le biais d’une charge d’urbanisme.
Dans la mesure où cette voirie est destinée à être incorporée dans le domaine public, elle entre dans le champ d’application du décret « impétrants ». »
Partant, les voiries communales qui consistent en des servitudes de passage créées par prescription trentenaire ne devront pas être renseignées sur la plateforme POWALCO et ne se verront pas appliquer le décret impétrants en cas de chantiers sur ces dernières.
[1] Décret du 30 avril 2009 relatif à l'information, la coordination et l'organisation des chantiers, sous, sur ou au-dessus des voiries ou des cours d'eau, M.B., 18 juin 2009.
[2] Projet de décret, Doc. parl. w., sess. 2008-2009, 913/1, p. 6.
[3] Décret du 6 février 2014 relatif à la voirie communale, M.B., 4 mars 2014.
[4] Projet de décret relatif à la voirie communale, Doc. Parl. w., sess. 2013-2014, n° 902/1, p. 3
[5] M. Chabot, G. Ervyn, D. Lagasse, M. Lauwers, La voirie communale : pérégrinations et cheminements juridiques, Bruxelles, Politeia, 2021, p. 29.