La sylviculture Pro Silva (ou sylviculture proche de la nature)
Depuis 1850, la forêt wallonne a connu des reforestations massives. Ces reforestations se sont principalement faites selon les principes de la futaie régulière qui a ses avantages en termes de facilité de gestion et de modélisation plus facile et d’exploitation plus rapide par mises à blanc.
Mais cette sylviculture a également montré certaines faiblesses, les principales sont:
- sa plus grande sensibilité aux parasites: les monocultures régulières sont beaucoup plus sensibles aux parasites et surtout à l’expansion de ceux-ci;
- une moins bonne stabilité: ces peuplements, surtout si les éclaircies sont peu dynamiques, sont beaucoup moins stables face aux vents violents et tiennent surtout par effet de bloc, les mises à blanc d’une certaine importance mettent en péril tous les peuplements voisins;
- les inconvénients de la mise à blanc: lessivage des nitrates par mise en lumière rapide, érosion des sols de pente, …
A cela s’ajoute l’évolution économique: d’une part, le marché du bois a évolué, d'autre part, les prix du bois ont chuté alors que le coût de la main d’œuvre a fortement augmenté, or cette sylviculture implique de forts investissements en début de révolution (plantations, dégagements, …) qui, capitalisés sur minimum 60 ans, grèvent très fort la rentabilité.
Enfin, le rôle de la forêt a évolué: elle doit être maintenant multifonctionnelle et donc préserver davantage la biodiversité et être accueillante pour le promeneur, etc., tout en restant rentable.
Pro Silva [1] a pour objectif de promouvoir une sylviculture qui a toujours pour objectif que la forêt soit productive et rentable, notamment en réduisant (voire supprimant) les investissements et tout en respectant plus l’écosystème forestier. Comme dans bien des cas, il est tout à fait possible d’allier le respect de l’environnement et la rentabilité.
Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de critiquer les pratiques antérieures de nos forestiers, celles-ci ont été efficaces dans le contexte économique de l’époque et leurs inconvénients peut-être pas prévisibles au moment où elles ont été mises en place. En outre, elles ont encore leurs raisons d’être dans de nombreux cas et l’objectif n’est pas, ici, de faire de Pro Silva une religion.
Mais en quoi consiste donc cette approche?
Fort proche de la sylviculture irrégulière déjà pratiquée dans de nombreuses propriétés en Région wallonne, la sylviculture Pro Silva va plus loin en essayant de réduire au maximum les investissements et en tirant parti des processus naturels.
Voici ce qu’en dit Brice de Turkheim, Président de Pro Silva France:
"La gestion des forêts selon les principes de Pro Silva peut être qualifiée comme une stratégie de gestion des peuplements forestiers qui s'inspire des lois de la croissance, de la dynamique, de la défense et de la régénération des forêts naturelles, dont l'efficacité est prouvée depuis des millénaires.
Elle a l'ambition de conduire l'écosystème forestier d'une manière optimale, en minimisant les apports d'énergie et de matière, en ménageant la diversité et l'imprévisibilité de la nature, avec l'objectif que soient remplies, d'une manière durable et rentable, les fonctions socio-économiques de la forêt: production, protection, loisirs, paysage, biodiversité.
Pro Silva considère la forêt comme un processus continu de la nature qu'il s'agit de diriger avec douceur. La sylviculture préconisée se distingue ainsi de la sylviculture des futaies régulières comme des taillis sous futaie qui considère la forêt comme une création de l'homme, dans laquelle les interventions nécessaires, par dépenses d'énergie et de matière, permettront de dominer la nature en vue de la satisfaction des besoins du propriétaire et de la société.
Alors que pour obtenir une bonne continuité de la production, la sylviculture de la forêt régulière, d'une manière analogue à l'agriculture, sépare sur le terrain les fonctions de production de régénération, d'éducation et réalise des interventions parfaitement définies et normalisées (coupes d'amélioration, de régénération, de taillis), la sylviculture Pro Silva tente de réaliser toutes les interventions à la fois et dans le même passage.
Les Principes de base de la sylviculture Pro Silva sont les suivants:
- Priorité à l'amélioration de la station et du peuplement, ce qui implique:
. un bon choix d'essences, si possible en mélange;
. l'abandon des coupes rases de grande surface et, d'une manière générale, de toute intervention brutale.
Les variations du volume sur pied seront très atténuées dans l'espace et le temps;
. des soins lors de l'exploitation des bois, et notamment l'emploi intelligent des moyens modernes de débardage;
. des densités de phytophages ongulés telles que la régénération de toutes les espèces en station soit possible.
- Priorité à l'éducation individuelle des arbres, quelle que soit leur fonction, quel que soit leur statut. Un arbre n'est pas enlevé tant qu'il est encore utile, soit par sa production directe de bois de valeur, soit par les fonctions de protection qu'il assume, qui sont aussi une fonction de production, mais indirecte.
- Régénération relativement lente à l'abri des grands arbres qui assument une double fonction d'éducation et de protection des recrûs, et qui améliorent la station. La régénération naturelle est privilégiée lorsque les essences en place sont productives et conformes à la station. Mais la régénération artificielle n'est nullement exclue, ni l'introduction prudente d'espèces étrangères bien adaptées à la station.
L'intervention principale est la coupe de bois. Elle a quatre fonctions, exercées la plupart du temps de manière simultanée:
- amélioration par enlèvement des concurrents des arbres "fonctionnels", en général des meilleurs producteurs;
- régénération par éclairement des recrûs naturels ou artificiels;
- structuration du peuplement par amélioration de la diversité aussi bien en espèces qu'en catégories sociales et de développement;
- récolte de bois arrivés à maturité pour dégager des ressources financières, y compris, le cas échéant, pour enlever des arbres malades et dangereux.
Des arbres morts, sans valeur, seront souvent conservés en vue de l'enrichissement biologique. Les interventions seront fréquentes, à la rotation de 5 à 10 (12) ans, et légères, prélevant à chaque passage en moyenne entre 10 et 20 % du matériel sur pied.
Elles essaieront toujours de s'adapter à la croissance lente de la forêt et à l'imprévisibilité de la nature et, par la "méthode des petits pas", de ne pas provoquer de réactions négatives.
- Les peuplements, "objectif" de la gestion PRO SILVA, seront très variables selon la station, les essences et les souhaits des propriétaires. Leur structure dépendra essentiellement de la réaction des arbres à la lumière. Avec des essences "d'ombre", le peuplement pourra être une futaie jardinée pied par pied, mélangeant d'une manière très intime toutes les classes de développement: grands arbres stabilisateurs et producteurs, recrûs "en salle d'attente" et arbres fusées qui conquièrent très rapidement les étages supérieurs.
- Les essences intermédiaires seront plutôt réparties par mosaïques de petits bouquets élémentaires coexistant côte à côte, mais donnant à l'ensemble un aspect général de grande stabilité et de continuité.
- Au contraire, les essences de lumière constitueront souvent des plages un peu plus grandes, où des phases pourront se présenter, par moments, en étages presque réguliers.
D'une manière générale, puisque la production aussi bien que la stabilisation sont assurées par les grands arbres et que tous les processus de "l'automation biologique" [2] se déroulent mieux avec une biomasse élevée, les peuplements conduits par la gestion Pro Silva présentent un matériel sur pied plutôt élevé, comportant une forte proportion de gros bois, variable évidemment selon les conditions de station et les objectifs des propriétaires.
Les résultats des recherches en écologie forestière ainsi que l'expérience, parfois pluridécennale, de nombreuses forêts gérées selon les principes de PRO SILVA, prouvent que la productivité, la stabilité, l'élasticité des peuplements sont améliorées, ainsi que leurs fonctions de protection, de loisir et d'aménagement du paysage. Les frais d'entretien, de renouvellement et de récolte peuvent être fortement diminués, les risques lors de catastrophes naturelles amoindris. Enfin, la souplesse de gestion et la possibilité de mieux s'adapter aux conditions économiques et au marché sont améliorées, puisque dans une forêt bien équilibrée, selon les principes ci-dessus, aucune coupe n'est jamais vraiment nécessaire, mais des récoltes peuvent être réalisées dans toutes les parcelles".
Comme vous pouvez le constater, l’objectif d’une sylviculture proche de la nature n’est nullement en contradiction avec l’objectif de production de bois et de rentabilité de la forêt. Preuve en est que de nombreux propriétaires privés pratiquent, depuis parfois plusieurs dizaines d’années, avec satisfaction.
En résumé, Pro Silva n’est pas une technique bien précise avec son cortège de normes, mais plutôt une façon d’appréhender la gestion forestière suivant des principes de bases tels que:
- donner la priorité à la régénération naturelle;
- favoriser le mélange d’essences;
- maintenir un couvert continu;
- limiter les investissements grâce à la régénération naturelle et en tirant profit des processus naturels pour l’éducation des arbres;
- produire du bois de qualité mais en privilégiant le soin aux individus plutôt qu’à l’ensemble du peuplement.
Ajoutons à ces avantages: une plus grande flexibilité face au marché du bois par le mélange des âges et des essences, permettant d’orienter un peu plus les coupes en fonction de la situation du marché.
La Division de la Nature et des Forêts, bien sûr soucieuse de préserver l’environnement et la biodiversité, n’entend donc pas pour autant grever les communes de leurs revenus en essayant de promouvoir cette sylviculture et l’objectif n’est pas non plus que toutes les forêts des propriétaires publics soient gérées de cette façon.
Un dernier mot concernant le gibier, bien que plus accueillante pour la faune, il n’en reste pas moins que le succès de cette sylviculture n’est possible que si la densité de gibier est raisonnable et permet à la forêt de se régénérer.
“Une forêt en bon état est celle où il y a partout du bois de valeur à récolter sans détruire le potentiel, mais où nulle part il n’est nécessaire ni urgent de couper du bois” (Hasenkamp)
En savoir plus
A lire: B. de Turckheim et M. Brucchiamacchie, La Futaie irrégulière, Edisud
Sites internet:
http://prosilva.free.fr
http://ourworld.compuserve.com/homepages/J_Kuper/prosilva.htm
www.coorensy.eu
Contacts DNF
Patrick Auquière 081/33.58.64 -
Isabelle Van Driessche 081/33.58.65 -
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- [Remonter] Pro Silva est une association de forestiers européens qui a été créée en 1989 en Slovénie. Elle regroupe aujourd’hui 23 pays et a pour but de montrer les exemples de cette sylviculture et d’en faire la promotion.
- [Remonter] Automation biologique = processus en action dans les écosystèmes forestiers naturels aboutissant à une bonne sélection des plantes les plus performantes, leur éducation et leur protection par l'abri des grands arbres, l'élagage et le dépressage naturels, permettant de minimiser toutes les interventions sylvicoles, et donc des frais nécessaires à la sylviculture.
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