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Mis en ligne le 4 Avril 2022

En raison de l’afflux des personnes temporairement déplacées, de nombreux ménages se montrent solidaires pour fournir un hébergement temporaire. Les pouvoirs locaux se mobilisent également en mettant sur pied de nouvelles infrastructures d’accueil pour accueillir dignement ces citoyens. La présente contribution a pour vocation à aborder les différents outils juridiques régis par le droit civil pour encadrer cet hébergement temporaire.

La convention d’occupation à titre précaire

Ce type de convention n’est pas doté d’une définition légale et n’est pas soumis aux règles impératives relatives au bail de résidence principale ou du bail d’habitation[1]. C’est la convention qui vaut loi entre les parties. Celles-ci sont libres d’y prévoir ce qu’elles veulent tant qu’elles n’entrent pas en contradiction avec l’ordre public.

La convention d’occupation précaire est définie par la doctrine :

  • Comme « une faculté accordée à une personne pour l’utilisation d’un immeuble déterminé contre paiement d’un prix, jusqu’à révocation »[2].
  • « Il y a occupation précaire, et non bail, lorsque le propriétaire ne concède la jouissance d’un bien que pour une durée très courte, se réservant le droit de disposer à tout moment de la chose »[3].

Parce qu’elle vise à aménager une solution d’attente dans des cas bien particuliers, les juridictions admettent l’existence de conventions d’occupation précaire, même si ces contrats s’émancipent de la protection prévue par la législation sur le bail de résidence principale (durée de préavis à respecter par le propriétaire par exemple).

La qualification d’une telle convention d’occupation précaire s’apprécie au regard de divers éléments :

  • Le caractère temporaire de l’occupation. La convention d’occupation précaire « s’explique par la volonté commune non dissimulée et certaine des parties de résoudre une situation temporaire »[4].
  • L’existence d’un prix payé par l’occupant. Dans la pratique, en fonction de la précarité des droits de l’occupant, le prix sera généralement moindre que celui qui pourrait être exigé dans le cadre d’une location classique.
  • La possibilité de révocation par le propriétaire, moyennant un délai relativement bref (à tout le moins plus court qu’en matière de bail). Notons qu’un délai trop court (ou l’absence de préavis) pourrait toutefois être refusé par une juridiction.
    Relevons que la Cour de cassation a cependant validé, de manière étonnante, l’existence d’une convention occupation précaire alors que le contrat ne permettait pas au propriétaire d’y mettre un terme avant son échéance. Dans ce cas d’espèce, la convention avait toutefois une durée plus courte qu’un contrat de bail réglementé et était justifiée par des circonstances particulières.
  • Les circonstances particulières justifiant la conclusion d’une telle convention d’occupation. En effet, la jurisprudence estime que la seule volonté de contourner les dispositions impératives protégeant le locataire en matière de bail ne peut constituer à elle seule la motivation de la conclusion du contrat d’occupation précaire[5]. Comme c’est le cas pour les logements de transit, la situation de vulnérabilité de l’occupant peut justifier le recours à une telle convention[6]. Le contrat écrit mentionnera utilement le motif justifiant la convention.

Les occupations précaires sont nécessairement temporaires. Elles doivent avoir un terme fixe ou indéterminé. Elles ne peuvent avoir une durée illimitée[7]. Si elles sont à durée indéterminée, elles arriveront en principe à échéance le jour où l’évènement ou le motif justifiant leur conclusion survient/disparait. Un libellé clair du contrat sur ce point est donc fortement recommandé. Comme expliqué précédemment, ceci n’interdit pas la révocation du contrat avant cette échéance, dans les limites prévues par le contrat et celles de l’abus de droit.

Des discussions existent quant à savoir si une occupation précaire doit obligatoirement être de courte durée ou non[8]. En l’état actuel, la prudence recommande des durées de convention relativement courte (comparé à un contrat de bail de résidence principale par exemple) et/ou une échéance claire au contrat (éventuellement renouvelable). Une durée plus longue n’est pas proscrite pour autant, mais le risque existe que le contrat soit requalifié en contrat de bail de résidence principale ce qui, si la durée est indéterminée, entrainerait alors l’existence d’un bail de 9 ans. Soulignons que la situation actuelle est totalement inédite. Il est donc difficile de savoir comment une juridiction appréciera chaque cas d’espèce.

L’occupation précaire est certainement à privilégier dans le cadre des mises à disposition temporaire d’espace de vie (chambres à coucher par exemple) dans des logements qui restent occupés par les ménages-hébergeurs. La souplesse qu’offre ce genre de contrat permet notamment de faciliter, le cas échéant, le transit vers une autre forme d’hébergement plus durable ou encore la rupture rapide du contrat si la cohabitation s’avère malheureusement plus compliquée que prévu.

La page internet du SPW-Logement met à disposition un modèle de convention d’occupation précaire pour l’hébergement des réfugiés venus d’Ukraine. Une traduction ukrainienne de modèle y est également disponible.

Le commodat

Dans la pratique, on rencontre des conventions d’occupation précaire conclues à titre gratuit. Juridiquement, ces conventions s’apparentent plutôt en un contrat de commodat.

Le commodat (ou prêt à usage) est défini par le Code civil comme un « contrat par lequel l’une des parties livre une chose à l’autre pour s’en servir, à la charge pour le preneur de la rendre après s’en être servi »[9].

Les parties se mettent ainsi d’accord sur la chose (en détaillant son état), son usage et l’absence d’indemnités. Le prêteur a l’obligation de laisser la jouissance de la chose à l’emprunteur.

Le contrat de commodat aura une durée déterminée ou indéterminée. Dans ce dernier cas, il pourra y être mis fin moyennant un délai de préavis raisonnable. S’il est conclu pour un motif déterminé, il prendra fin au moment de l’usage pour lequel il est consenti arrive à échéance[10].

Si le Code civil prévoit une certaine stabilité pour ces contrats[11], la jurisprudence admet que « la mise à disposition à titre gratuit, par une personne à une autre, d’un bien en vue de permettre à cette dernière d’en user, mais à charge de la restituer, constitue un prêt à usage, même si cette restitution est exigible à tout moment, sur simple demande du propriétaire »[12]. Par conséquent, un commodat précaire est donc envisageable et peut être justifié par les circonstances de l’espèce. Des parallèles évidents peuvent être réalisés avec la convention d’occupation précaire décrite précédemment.

Dans le cadre de relogement des ménages sinistrés par les inondations, l’Union des Villes et Communes de Wallonie avait proposé un modèle de commodat.

Le contrat de bail de résidence principale

Si des perspectives d’hébergement durable sont envisagées, notamment une fois que la personne temporairement déplacée sera en possession de son titre de séjour, aura fait valoir ses droits sociaux au CPAS ou aura concrétisé son accès au marché du travail, un contrat de bail classique peut être envisagé. Le décret wallon du 15 mars 2018 relatif au bail d’habitation trouve alors à s’appliquer.

Un bail de résidence principale a en principe une durée de 9 ans.

Il est toutefois possible de conclure des baux d’une durée égale ou inférieure à 3 ans. Ces baux de courte durée peuvent être prorogés deux fois, sous les mêmes conditions et par écrit, sans que la durée totale n'excède 3 ans. Le bail de courte durée prendra fin à l’échéance du contrat, moyennant un congé préalable notifié par l'une ou l'autre des parties au moins trois mois avant l'expiration de la durée convenue. Lorsque le bail a été conclu pour une durée inférieure ou égale à trois mois, le congé est réputé notifié par la signature du bail ou sa prorogation. A défaut d’un tel congé avant l’échéance du contrat, le contrat de bail sera réputé conclu, dès l’initial, pour une durée de 9 ans.

Dans le cadre d’un bail de courte durée, chacune des parties peut mettre fin unilatéralement au contrat et avant la fin de la période convenue, moyennant un préavis de 3 mois et une indemnité équivalente à 1 mois de loyer. Le bailleur ne pourra toutefois user de cette faculté qu’après la première année d’occupation et en vue d’occuper personnellement le bien (ou par sa famille jusqu’au 2e degré).

Les règles en matière de bail de résidence principale sont pour l’essentiel impératives. Elles tendent à protéger les deux parties au contrat. Il n’est donc pas possible, dans le contrat initial, de modifier celles-ci (restreindre ou allonger la durée de préavis du locataire ou du bailleur par exemple). En cours de contrat toutefois, si les parties décident de la rupture bilatérale de la convention, elles pourront évidemment définir de commun accord les modalités qu’elles souhaitent (absence d’indemnité, réduction de la durée de préavis, etc.).

Le site internet du SPW reprend d’ailleurs une brochure explicative des règles ainsi que des modèles de baux.

Points d’attention

Lorsque l’hébergeur est lui-même locataire du logement à titre de résidence principale, il ne pourra sous-louer une partie de son logement qu’avec l’accord écrit et préalable du bailleur. La sous-location totale est par ailleurs proscrite. Des règles spécifiques existent pour les sous-locations organisées par certains opérateurs immobiliers publics ou pour les logements publics.

Bien que la législation ne prescrive des règles qu’en matière de sous-location, l’esprit de la loi implique selon nous d’appliquer les mêmes principes aux conventions d’occupation précaire ainsi qu’aux commodat conclus par un locataire d’un bail de résidence principale.

Pour terminer, soulignons l’intérêt de l’établissement d’un état des lieux contradictoire et préalable avec l’occupant. Si la solidarité et l’humanité guident l’hébergement des citoyens fuyant les zones de conflits, l’état des lieux tout comme la conclusion d’un contrat écrit permettront de se prémunir (mais aussi d’éviter) d’éventuels futurs différends entre les parties.

 


[1] La convention d’occupation précaire reste cependant soumise au droit général des obligations et des contrats.
[2] I. Snick et M. Snick, Occupation précaire, Story Publishers, 2010, p.14.
[3] Y. Merchiers, « Le bail en général », Rép. not., t. VIII, L. I, 1997, n° 635.
[4] Cass., 29.2.2016, T. B. O., 2017, p. 135, concl. J. Genicot.
[5] V. not. Cass. 17.3.1972, Pas., I, p.671.
[6] N. Bernard, « La convention d’occupation précaire » in Pratique immobilière et contrats spéciaux,  Jurim Pratique, 2018, (2), p.164.
[7] V. Civ. Tournai, 14.1.2003, J.L.M.B., 2004, p. 1101.
[8] Ibid., n°107
[9] Art. 1875 du C. civ.
[10] Art. 1888 du C. civ.
[11] Art. 1888 et 1889
[12] Cass. 2.12.1987, Pas., 1988, p.401.

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Date de mise en ligne
4 Avril 2022

Type de contenu

Matière(s)

Logement Gestion du patrimoine
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