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Mis en ligne le 1er Mai 2008

Pour clôturer ce dossier consacré au logement, rien de tel que de donner la parole à ceux qui vivent le phénomène au quotidien. Véritable enjeu de société et réceptacle des problèmes liés aux mutations sociales, économiques et environnementales, le logement est, en effet, au centre des préoccupations du citoyen. Pour les décideurs locaux soucieux de garantir la cohésion sociale, la mise en œuvre d'une politique du logement dynamique peut renforcer les perspectives du développement local.

Nous avons ainsi choisi deux communes, parmi tant d'autres, dont les efforts en cette matière sont à féliciter: Beauvechain et Bastogne. Des communes très opposées géographiquement et socialement parlant, mais qui, pourtant, tiennent un discours presque similaire. Du logement social, d'accord, mais qui tienne compte des réalités locales: c'est, en résumé, le message émis par Marc Deconinck, Bourgmestre de Beauvechain et Philippe Collard, Bourgmestre de Bastogne.

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Beauvechain - Marc Deconinck, Bourgmestre

MC: Monsieur le Bourgmestre, Beauvechain fut très longtemps une commune sans logement social. Ce n'est apparemment plus le cas aujourd'hui…

Marc Deconinck: Il y a 15 ans encore, Beauvechain ne possédait en effet aucun logement social. Pour ma part, j'ai eu, dès que je suis devenu bourgmestre, des contacts avec la société de logement car cela me posait problème de refuser des demandes venues de citoyens. On a donc, en 1995, donné à disposition de la société de logement une ancienne maison communale à Hamme-Mille pour y aménager sept logements sociaux. En outre, nous n'avons pas attendu l'ancrage pour réagir: nous avons acheté un terrain de deux hectares, toujours à Hamme-Mille, mais dans la cadre d'un projet de développement rural. Nous y avons donné la possibilité de créer des habitations sociales et moyennes gérées par la société de logement. La commune a décidé, en outre, d'y créer, sur fonds propres, des logements supplémentaires. Ce qui fera, en tout, 30 logements sociaux. Il s'agit de programmes conséquents, à hauteur de 7 millions d'euros, dont 50 % subsidiés.

Vous avez des difficultés particulières à mener ce projet?

Vous savez, pour une petite commune, justifier ce type de projet pour créer du logement, c'est un réel parcours du combattant. Par exemple, le Ministre nous imposait de créer de l'acquisitif. Or, en développement rural, on ne pouvait pas vendre sauf à rembourser les subsides obtenus. C'était impossible. La promesse obtenue a dû être transformée en du locatif. Tout cela était un peu compliqué. Et la saga n'est pas terminée: la pression urbanistique dans une commune comme Beauvechain est telle que nos habitations sociales sont largement, en matière de prix, au dessus du plafond autorisé. De plus, si l'on respecte la règle de fixation du loyer à 5 % du prix de construction, le loyer de nos habitations moyennes devrait avoisiner les 998 euros. C'est évidemment impraticable. Les conditions imposées aux sociétés de logement sont telles qu'il est impossible de respecter les critères de la Région wallonne.

Face à ce problème, quelle décision allez-vous prendre?

Comme je vous l'ai dit, nous avons décidé de construire des logements sur fonds propres. Nous allons donc répartir le coût du loyer, y compris une part d'amortissement des logements, sur les 20 logements du parc que nous aurons en développement rural. Ce qui va nous permettre d'écraser les prix, aux alentours de 500 à 550 euros par mois. Evidemment, cela pourrait créer de gros problèmes, puisque la société de logement devra, si elle respecte les conditions, appliquer des tarifs beaucoup plus forts. On va donc devoir réfléchir à une formule de gestion un peu plus souple, pour autant qu'elle soit autorisée par nos autorités de tutelle.

Les 10 % imposés par la Région wallonne sont-ils atteints?

Malheureusement non. Et donc, considérant que nous avons, malgré tout, trop peu de logements, nous avons poursuivi notre plan. Dans la phase 2007-2008, nous avons proposé de créer 14 autres logements sur un terrain appartenant au CPAS, sur lequel on retrouvera également un mix entre du logement social et du logement moyen. Quatre appartements, dont un de transit, seront également réaménagés, en collaboration avec le CPAS, au centre d'Hamme-Mille. Et ce n'est pas fini: quatre autres logements sont également prévus en 2009-2010… Au centre de Beauvechain, nous avons une ZAC qui va être requalifiée, également pour du logement. Vous voyez, les projets ne manquent pas. Les 10 % ne seront peut-être pas atteints, mais on en n'est pas loin car nous profitons de 64 logements appartenant à l'OCASC, la société qui gère les logements militaires.

Malgré tout, vous êtes fier de ce qui a été accompli à Beauvechain?

Evidemment, car nous avons, jusqu'ici, suivi une même philosophie. L'idée est de maintenir les gens dans leur tissu social, et donc, de nous occuper de nos citoyens en difficulté nous-mêmes. Inutile de construire des logements toujours dans les mêmes grandes villes. Pendant longtemps, les mentalités n'ont pourtant pas été à cela. Il était auparavant impensable de créer du logement social à Beauvechain.

Avec le recul, les 10 % vous semblent inadéquats pour une commune comme la vôtre?

C'est, en tout cas, inutile pour ceux qui ont une volonté politique de faire des efforts. Pour acquérir les deux hectares qui appartenaient à la Communauté française, par exemple, il m'a fallu six ans. Je pense avoir prouvé que Beauvechain tenait à trouver des solutions pour le logement social. Je trouve donc que ces 10 % ne correspondent à rien. Ou alors, il faut changer cette politique de subsidiation d'activation des dossiers… Les intentions sont bonnes, je n'en disconviens pas, mais encore faudrait-il, commune par commune, examiner si les exigences sont réalisables. Ce que je reproche à la Région wallonne, c'est de faire beaucoup de vent, mais de ne pas assurer les moyens nécessaires à sa politique. Qu'on m'assure d'abord que mes projets aboutiront avant de lancer des anathèmes.

Comment cela va-t-il donc se passer? Vous allez défendre vos dossiers auprès de la Région wallonne, je suppose?

Dans le plan 2008-2009 que l'on va remettre à la Région wallonne, on va effectivement annexer une synthèse des efforts qui ont été faits par Beauvechain. Nous dirons, par ailleurs, que même si l'on affectait tous les terrains publics en notre possession, nous ne pourrions arriver aux 10 % exigés. Le message sera que nous sommes d'accord pour les 10 %, mais qu'il faut nous donner les moyens d'y arriver. Cela suppose, pour les communes qui n'ont plus la capacité d'obtenir des terrains bâtissables, une adaptation de la législation: rendre certaines zones agricoles bâtissables, par exemple. Il faudra sans doute aussi revoir les critères financiers actuels. C'est un peu fort, selon moi, de vouloir nous pénaliser sur des choses que nous sommes dans l'incapacité de réaliser. Ce n'est absolument pas digne du monde politique.

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Bastogne - Philippe Collard, Bourgmestre

M.C.: Monsieur le Bourgmestre, quelle est la situation actuelle du logement social à Bastogne?

Philippe Collard: Bastogne compte une population de 14.600 personnes. Pour 2006, cela représente 4.817 logements dont 3.313 sont des logements occupés par leur propriétaire. Les logements sociaux sont gérés principalement par la Société d'Habitations sociales de la Région de Bastogne. Il s'agit de 310 logements sociaux, ce qui donne un taux de 7 à 8 %, auxquels il faut ajouter les logements appartenant à la commune, au CPAS, essentiellement de transit, et les logements gérés par l'AIS de Bastogne. Je pense que si l'on additionne tout cela, nous approchons sensiblement des 10 % exigés par la Région wallonne. Il faut savoir que nos 310 logements sociaux sont occupés en permanence et que le taux de rotation est relativement faible. Fin 2006, on recensait 210 candidats sur les listes d'attente. 127 de ces candidats sont considérés comme des personnes à revenus précaires.

Vous pensez que Bastogne possède une réalité propre en cette matière?

En effet. Les logements sociaux disponibles sont malheureusement concentrés dans une zone particulière. Les trois quarts des 310 logements sont situés dans un seul et unique quartier. Nous voulons, depuis une dizaine d'années, lutter contre ce phénomène de ghettoïsation. Nous n'avons donc plus accepté aucun projet de type logement social, sauf en ce qui concerne de l'acquisitif et donc des constructions qui sont beaucoup plus diversifiées, plus dispersées dans la ville.

Il s'agit, à Bastogne, de répondre également à une demande en logements moyens… Je me trompe?

A côté de cela nous devons effectivement faire face à des demandes très importantes en matière de logements moyens, en logements de plus haut standing. 25 % de notre population travaille au Grand-Duché du Luxembourg. Ce nombre est en constante augmentation. Nous sommes très heureux de voir que le privé investit aussi énormément en ce sens.

Vous pensez que la priorité de Bastogne est là, dans le logement moyen plus que dans le logement social?

Il y a une demande importante en logements, toutes catégories confondues. Dans tous les cas, notre préoccupation première est de permettre aux jeunes originaires de Bastogne d'y rester. Il faut savoir que la moyenne d'âge, ici à Bastogne, est nettement moins élevée qu'en Région wallonne. Il y a beaucoup de gens qui sont attachés à leurs racines, à leur terroir, et qui, faute de parcelle à bâtir, vont chercher ailleurs. C'est dommage. C'est pourquoi, nous allons mener un projet à bien sans subside. Nous possédons un terrain de 6 hectares qui est en zone à bâtir. Nous allons y créer entre 50 et 80 parcelles que nous mettrons en vente à des prix démocratiques avec, évidemment, une préférence pour les acheteurs originaires de Bastogne.

Quels sont les projets futurs de Bastogne en matière de logement social?

Nous avons trois projets essentiels. La réhabilitation d'une ancienne gendarmerie qui se trouve à la Route de Marche a été retenue comme priorité. Nous espérons y créer deux fois sept logements pour sans-abri, et, dans un deuxième temps, sept logements sociaux. A côté de cela, Bastogne devrait mettre en œuvre une ZAC qui permettrait de construire entre 80 et 100 maisons consacrées essentiellement à de l'acquisitif. Enfin, le CPAS mène actuellement une opération qui consiste à acheter des blocs de maisons ou d'appartements à l'OCASC, la société qui gère les logements militaires.

Mais encore?

Un autre dossier qui pourrait être mené plus tard par la Société wallonne du Logement concerne 7 hectares de terrain, à la sortie de Bastogne en direction de Marche. Mais, nous avons bien d'autres projets, en dehors de l'ancrage. Ainsi, pour contrer une politique de spéculation de la part de certains propriétaires, nous avons également listé tous les bâtiments et logements inoccupés dans la commune. Nous allons donc taxer les propriétaires qui n'ont pas de projet de rénovation, de location ou de vente.

Depuis les exigences de la Région wallonne, avez-vous ressenti une certaine pression?

On ne peut pas dire que cette pression nous influence. On a toujours essayé de conserver un certain équilibre dans la gestion des logements, de répondre à la demande. On tient bon cependant: on essaie de ne pas tomber dans un piège, celui de créer un nombre excessif de logements qui, de par la loi et les règlements en vigueur, ne seraient pas nécessairement attribués à des personnes qui sont dans le besoin ici, à Bastogne. Pour moi, cette politique est très dommageable sur le terrain. Je regrette donc que la Société des Habitations sociales, tout en veillant à ce qu'elle soit dépolitisée, ne puisse pas attribuer les logements en priorité aux habitants.

Si je comprends bien, vous respectez donc la loi, mais vous n'arrivez pas à répondre correctement à la demande en matière de logement…

Difficilement, en tout cas en ce qui concerne les attributions du CPAS et de la commune. Inutile de le cacher en ce qui nous concerne: nous attribuons prioritairement à des gens domiciliés à Bastogne, mais surtout à ceux qui sont demandeurs depuis de nombreuses années ou qui se trouvent dans les situations sociales et financières les plus difficiles. Mais, c'est une politique qu'il est impossible d'appliquer en ce qui concerne les sociétés de logement. C'est la raison pour laquelle nous sommes alors plutôt favorables au développement de projets acquisitifs. En ce qui concerne le locatif, je préfère donc que ce soit la commune et le CPAS qui gèrent les dossiers.

Vous pensez que les règles créées par le Gouvernement wallon ne correspondent pas nécessairement à votre réalité?

Je pense effectivement que ce qui est vrai à Charleroi ou à Liège n'est pas nécessairement applicable chez nous. Les décisions du Gouvernement wallon ne tiennent pas compte de la spécificité de la vie dans les zones rurales.

Il existe une solution: les partenariats public-privé. Votre avis sur le sujet?
 
C'est d'ailleurs une obligation dans la politique d'ancrage communal… Je pense que c'est une bonne chose. Nous avons un partenariat permanent et des réunions très régulières avec la Société d'Habitations sociales, avec le CPAS, avec l'AIS, mais également avec des promoteurs privés pour déterminer la politique à suivre. Avec les partenaires privés, nous essayons de leur faciliter la tâche. Nous accompagnons tous les projets du début à la fin en matière d'autorisations, de permis de bâtir, de permis de lotir...
                                                      
Vous tirez donc un constat plutôt positif sur votre politique du logement. L'avenir vous paraît-il radieux en cette matière?

D'ici 2012, on espère avoir réalisé tous nos projets. Nous avons répertorié, sur le territoire de Bastogne, tous les terrains communaux qui sont en zone à bâtir. Notre volonté est de ne plus continuer à geler des parcelles qui peuvent être valorisées, qui peuvent être vendues ou mises en œuvre par la commune. Je préfère ainsi créer du logement et, grâce aux recettes, investir dans d'autres domaines… Le culturel, par exemple.

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Date de mise en ligne
1er Mai 2008

Auteur
Alain Depret

Type de contenu

Matière(s)

Logement
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