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Mis en ligne le 18 Novembre 2016

Notre commune s’interroge sur le pouvoir de réquisition de l’armée du Bourgmestre en cas de troubles à l’ordre public

Réquisitions?

La réquisition est définie comme « le droit exceptionnel de l’Etat, dans un intérêt supérieur de salut public, et, en principe, moyennant indemnité, d’imposer des prestations et de s’attribuer soit la propriété, soit l’usage des choses »[1] Il existe donc deux types de réquisitions : celles des personnes et celles des biens.

Cette mesure doit toutefois être entendue comme une mesure exceptionnelle. Il n’est pas prévu d’en faire usage en dehors de certaines balises et conditions en raison de son caractère particulièrement attentatoire aux droits et aux libertés individuelles.

Il est important de noter que la réquisition, dans notre cas par l’autorité communale mais cela reste vrai pour toutes les autorités, ne peut être que légale. En dehors d’un texte le prévoyant, cette mesure ne peut être décidée[2].

À titre d’exemple, la loi sur la protection civile du 31 décembre 1963 prévoit que « Le Ministre ayant l'Intérieur dans ses attributions, ou son délégué, peut en temps de paix, lors des interventions effectuées dans le cadre de la protection civile, et pour les besoins de celle-ci procéder à la réquisition des personnes et des choses qu'il jugerait nécessaire.

  Le même pouvoir est reconnu au bourgmestre ou, par délégation de celui-ci, aux officiers des services communaux d'incendie lors d'interventions de ces services dans le cadre de leur mission propre en temps de paix.

  L'Etat, dans le premier cas, et la commune sur le territoire de laquelle l'intervention a eu lieu, dans le second cas, sont tenus à la réparation des dommages occasionnés aux personnes et aux choses ainsi requises et résultant d'accidents survenus dans le cours ou par le fait de l'exécution des opérations en vue desquelles la réquisition a eu lieu. Les réparations ne sont point dues lorsque l'accident a été intentionnellement provoqué par la victime. »

En dehors des cas expressément décrit dans une loi, l’article 135 de la Nouvelle loi communale permet au bourgmestre d’adopter toute mesure individuelle nécessaire à la restauration de l’ordre public pour autant qu’elle soit la seule mesure adéquate et proportionnée permettant d’atteindre ce but. Une réquisition pourrait alors être envisagée dans ce cadre mais il faudrait justifier du fait que celle-ci est bien la seule mesure disponible et indispensable à la préservation d’un intérêt supérieur d’une gravité le justifiant et ce, au vu du caractère extrêmement attentatoire de la réquisition[3].

Quid de la réquisition de l’armée ?

La loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré structuré à deux niveaux prévoit en son article 43 que :

 « En cas de calamités, de catastrophes, de sinistres, d'émeutes, d'attroupements hostiles ou de menaces graves et imminentes contre l'ordre public, et lorsque les moyens de la police locale sont insuffisants, le bourgmestre ou celui qui le remplace peut requérir la police fédérale aux fins de maintenir ou de rétablir l'ordre public.

 Le gouverneur et le commissaire d'arrondissement sont immédiatement informés de la réquisition par l'autorité requérante.

 Lorsque les moyens des services de police ne suffisent pas pour maintenir l'ordre public, le bourgmestre peut requérir les forces armées.»

Toutefois, si cette réquisition de l’armée est, comme on le voit à la lecture de cet article de loi, possible, cela ne peut l’être qu’à certaines conditions.

Tout d’abord, d’un point de vue situationnel, il faut justifier d’un ou de plusieurs cas de calamités, de catastrophes, de sinistres, d'émeutes, d'attroupements hostiles ou de menaces graves et imminentes contre l'ordre public. Notons que nous retrouvons ici exactement le même type de situation que celui que vise l’article 134 de la Nouvelle loi communale vu ci-avant et qui permet au Bourgmestre de se substituer à l’action du conseil communal en vue d’adopter une mesure de portée générale. On se trouve donc dans un cas qui ne peut présenter qu’une extrême gravité pour l’ordre public.

Il faut ensuite justifier du fait que les moyens de la police locale ET fédérale sont insuffisants pour maintenir l’ordre public.

Il ne peut être fait usage de cette réquisition militaire que si les autres instruments existants ne permettent pas de pallier les problèmes de capacité. Ainsi, on vise le fonctionnement interne de la police et par exemple, les accords d’assistance mutuelle entre zones de police. Ce type de mécanismes doit donc avoir été épuisé pour que l’on puisse constater un manque de moyens justifiant la mesure de réquisition analysée ici. Il doit être établi qu’aucune solution ne permet de résoudre le problème

Par ailleurs, même si cela découle de la situation requise pour faire appel à ce type de mesure, il n’est pas inutile de rappeler qu’il faut constater une extrême urgence qui ne permette pas d’attendre de trouver une autre solution ou une disponibilité des services de police. Ainsi, la réquisition ne pourra jamais revêtir un caractère préventif ou anticipatif d’un manque de moyens.

Du point de vue de la forme que doit prendre la mesure, l’article 8 de la loi sur la fonction de police du 5 août 1992 énumère que

-       la réquisition doit être écrite ;

-       elle doit mentionner la disposition légale en vertu de laquelle elle est faite, en indiquer l'objet ;

-       elle doit être datée ;

-       elle doit porter les nom et qualité ainsi que la signature de l'autorité requérante.

En cas d'urgence, les services de police et l’armée peuvent être requis par tout moyen de communication mais elle est alors confirmée le plus rapidement possible dans les formes prévues par la loi. 

Afin de pallier le caractère instantané de ce type de décision, la loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré structuré à deux niveaux prévoit que, lorsque des événements de nature à compromettre sérieusement l'ordre public ou des troubles graves ou généralisés qui peuvent donner lieu à la réquisition ou la mise en œuvre des forces armées sont constatés, la police fédérale informe les autorités militaires territoriales et les tient au courant des événements. Des éléments d'appréciation qui leur permettent de prendre, en temps utile, les mesures préparatoires à toute réquisition ou à une intervention des forces armées doivent également leur être fournis. [4]

Nous ne disposons pas d’exemple de ce type de mesure. En effet, au vu de l’extrême gravité qui la justifie, celle-ci n’a pas encore été mise en œuvre par les bourgmestres. Ainsi le Ministre a rappelé lors d’une question parlementaire[5] que « 1. a) L'engagement des militaires, en appui de la police fédérale, dans le cadre de la lutte contre la menace terroriste, ne résulte pas d'une réquisition par un bourgmestre, hypothèse visée à l'article 43 de la loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux. Cet engagement a été décidé par l'Exécutif, sur la base de l'article 167, § 1er, al. 2, de la Constitution, en vertu de la loi du 20 mai 1994 relative aux périodes et aux positions des militaires du cadre de réserve, ainsi qu'à la mise en oeuvre et à la mise en condition des Forces armées et de l'arrêté royal du 6 juillet 1994 portant détermination des formes d'engagement opérationnel, d'assistance et d'appui militaire et des activités préparatoires en vue de la mise en œuvre des Forces armées »


[1] R.P.D.B., p. 271, n°1, v° réquisitions militaires et civiles.

[2] T., CEDER, Les pouvoirs de réquisition du Bourgmestre : Bourgmestre, ordre public et réquisition, un triptyque inconciliable ?, in R.D.C., 2006/3, p. 3.

[3] J . ROBERT, M. BOVERIE, S. BOLLEN, Les missions du Bourgmestre, UVCW, 1999, p. 414.

[4] Article 113 de la loi.

[5] Question parlementaire n°0134 du 4.2.2015. 

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Date de mise en ligne
18 Novembre 2016

Auteur
Ambre Vassart

Type de contenu

Q/R

Matière(s)

Police locale
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