Dépôt de voitures usagées
Quelles actions possibles en cas de dépôt de voitures usagées sur un terrain privé ?
Dans un premier temps, nous tenterons de donner un aperçu de la législation appréhendant la situation problématique. Dans un deuxième temps, nous détaillerons les mesures que les communes peuvent prendre dans le but de sanctionner et de remédier à cette situation.
Identification des infractions
Législation urbanistique
L'article 84, 13°, a, du Cwatupe dispose que l'utilisation habituelle d'un terrain pour le dépôt d’un ou plusieurs véhicules usagés, de mitrailles, de matériaux ou de déchets est subordonnée à l'obtention préalable d'un permis d'urbanisme.
Par conséquent, en l’absence de permis d’urbanisme, tout dépôt de voitures usagées enfreint cet article et peut être sanctionné conformément à l’article 154 du Cwatupe.
Législation environnementale
En matière de déchets
L’article 7, par. 1 et 2, du décret du 27 juin 1996 relatif aux déchets dispose qu’" [i]l est interdit d'abandonner les déchets ou de les manipuler au mépris des dispositions légales et réglementaires". En outre, "[t]oute personne qui produit ou détient des déchets est tenue d'en assurer ou d'en faire assurer la gestion dans des conditions propres à limiter les effets négatifs sur les eaux, l'air, le sol, la flore, la faune, à éviter les incommodités par le bruit et les odeurs et, d'une façon générale, sans porter atteinte ni à l'environnement ni à la santé de l'homme".
La violation de cet article est constitutive d’un abandon de déchets et est réprimée en tant que tel par des sanctions administratives (C. envi., art. D.138 et suivants), voire pénales (décr. rel. aux déchets, art. 51).
En matière de permis d’environnement
Suivant leur type et leur tonnage, les dépôts de certains matériaux ou objets sont susceptibles d’être des établissements de classe 2 ou 3 et doivent, selon le cas, faire l’objet d’un permis d’environnement ou d’une déclaration conformément au décret du 11 mars 1999 relatif au permis d’environnement (art. 10 et 11). Dans l’éventualité où un permis d’urbanisme serait par ailleurs requis (v. ci-dessus), il ne faut pas perdre de vue que la nécessité d’un permis d’environnement en sus engendrerait celle d’un permis unique.
En l’absence, le cas échéant, de permis unique ou de de déclaration environnementale, l’auteur de ces dépôts contrevient à la législation sur le permis d’environnement et peut, le cas échéant, être sanctionné à ce titre en vertu des articles 77 et 97 de ce décret, ainsi qu'être l’objet des mesures de contrainte prévues par le livre 1er du Code de l’environnement.
Détermination des sanctions et moyens d’action
Cwatupe
La violation de l’article 84, évoquée ci-dessus, peut être portée devant le tribunal correctionnel (art. 155) [1] ou, indépendamment de l'action pénale, devant le tribunal civil (art. 157). Dans les deux cas, le collège communal peut demander la remise en état des lieux.
Nous précisons que cette action peut être non seulement menée à l’encontre de la personne qui s’est rendue coupable du dépôt de déchets, mais aussi contre le propriétaire qui y aurait consenti ou qui aurait toléré ce dépôt (Cwatupe, art. 154, al. 2).
Le délai de remise en état ne peut dépasser un an. Il est, le cas échéant, fixé par le tribunal. Si les travaux de remise en état devaient ne pas être exécutés dans les temps, le collège communal pourrait pourvoir d'office à son exécution et le condamné serait alors contraint au remboursement de tous les frais d’exécution, déduction faite du prix de la vente des matériaux et objets (Cwatupe, art. 155, par. 4, et art. 157, al. 2).
Cette procédure, qu'elle soit poursuivie devant le juge civil ou le juge pénal, nécessite l'établissement de l'infraction par l'engagement de poursuites devant les juridictions pénales et la condamnation du propriétaire du terrain ou du responsable des dépôts.
Action sur base du décret du 5 juin 2008 dit "décret délinquance environnementale"
Infraction à la législation relative aux déchets
L’article D.167, par. 1er, 2°, du livre 1er du Code de l’environnement habilite expressément le conseil communal à incriminer, en tout ou en partie, par voie de règlement communal, des faits constitutifs d’abandons de déchets tels que définis par le décret relatif aux déchets du 27 juin 1996.
Dans l’hypothèse où le conseil communal a adopté un tel règlement, la commune peut, sur base d’un procès-verbal dressé par un agent de police locale ou d’un agent constatateur communal, sanctionner les faits par une amende administrative communale.
En cas d’absence de règlement communal, un agent régional du Département de la Police et des Contrôles (ci-après, DPC) ou un agent de police locale peut constater les faits et les sanctionner par une amende administrative régionale.
En outre, l’article D.149, par. 1er, du livre 1er du Code de l'environnement dispose que:
"Lorsqu'il a été dressé procès-verbal d'une infraction aux décrets et lois visés à l'art. D.138, al. 1er, sans préjudice des actions prévues dans lesdits décrets et lois, le bourgmestre, sur rapport de l'agent, peut:
1° ordonner la cessation totale ou partielle d'une exploitation ou d'une activité;
2° mettre les appareils sous scellés et, au besoin, procéder à la fermeture provisoire immédiate de l'installation;
3° imposer au responsable de l'installation, exploitation ou activité précitée un plan d'intervention ou l'introduction d'un plan de remise en état ou de réhabilitation dans un délai déterminé et, le cas échéant, la fourniture au bénéfice de la Région d'une sûreté suivant l'une des modalités prévues à l'article 55 du décret du 11 mars 1999 relatif au permis d'environnement, afin de garantir la remise en état;
4° prendre toute autre mesure utile pour faire cesser un danger pour l'environnement, en ce compris la santé humaine".
En substance, cet article permet au bourgmestre de prendre des mesures de contrainte à l’égard d’une personne ou d’un établissement, lorsqu’il a été constaté par procès-verbal et sur rapport d’un agent un fait érigé en infraction par les lois et décrets visés à l’article D.138 du Code de l’environnement. Dans cette disposition, il faut entendre par agents ceux qui sont visés à l’article D.140 du Code de l’environnement, ce qui exclut par conséquent les agents de police locale.
L’article D.138 du livre 1er du Code de l’environnement fait expressément référence à la législation sur les déchets. Concrètement, le bourgmestre peut ordonner, après qu’il soit donné au contrevenant la possibilité de se défendre et, le cas échéant, de se conformer à la législation en vigueur dans un délai raisonnable, les mesures de contrainte énumérées dans l’article précité.
Infraction au décret relatif au permis d’environnement
Les mêmes moyens d’action que ceux prévus en matière de déchets s’offrent à la commune lorsqu’une infraction à la législation sur le permis d’environnement est constatée. Il y a cependant quelques nuances à apporter.
Le conseil communal est habilité à adopter un règlement communal dans lequel les comportements commis en violation d’une disposition du décret relatif au permis d’environnement sont punissables d’une amende administrative communale. Toutefois, le décret délinquance environnementale, et plus particulièrement l’article D.167 du livre 1er du Code de l’environnement, précise que seules les infractions de 3e et 4e catégories à la législation sur le permis d’environnement peuvent être sanctionnées par une amende administrative. Or, le fait d’exploiter un établissement classé, sans permis d’environnement ou déclaration préalable, constitue une infraction de catégorie 2 au sens du livre 1er du Code de l’environnement. La commune ne pourra donc pas, sur base du décret délinquance environnementale, introduire dans un règlement communal la possibilité de sanctionner de tels faits par une amende administrative communale mais pourra le cas échéant être sanctionnée au niveau régional.
Par contre, l’article D.149, par. 1er, du livre 1er du Code de l’environnement s’applique aux infractions au décret du 11 mars 1999 relatif au permis d’environnement, et ce indépendamment de leur catégorie. Dès lors, si la commune le désire, elle pourra imposer, tout comme en matière de déchets, les mesures de contraintes décrites ci-avant.
Possibilité d’une action du bourgmestre sur base de son pouvoir de police administrative générale
Rappelons qu’en vertu des articles 133, al. 2 et 135, par. 2, de la nouvelle loi communale le bourgmestre dispose d'un pouvoir de police administrative générale dans le cadre du maintien de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques.
En vertu de cette attribution, et pour autant qu'il soit permis à l'intéressé d'être entendu, le bourgmestre pourrait adopter un arrêté de police administrative ordonnant au propriétaire du terrain de nettoyer celui-ci dans le but de faire cesser le trouble à l'ordre public. Cet arrêté pourrait également prévoir l'intervention, d'office, du service des travaux de la commune en cas d'inexécution des travaux par le propriétaire des lieux.
Il convient cependant de souligner que, selon nous, un tel arrêté ne pourrait valablement produire ces effets que s’il est démontré que les législations spécifiques, tendant à réprimer ces comportements, ne lui permettent pas de garantir la bonne exécution de ses missions de maintien de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques.
Conclusions
Diverses législations régissent les dépôts illégaux de déchets et proposent de multiples moyens d’action, plus ou moins efficaces permettant à la commune de les combattre.
Il appartient désormais à la commune de déterminer le résultat qu’elle veut obtenir et, selon son souhait, l’une ou l’autre action est recommandée.
Ainsi, l’action sur base du Cwatupe offre à la commune la possibilité de recourir à la justice pénale et/ou civile qui, par son formalisme, s’avère parfois plus efficace et dissuasive pour l’avenir. Cependant, son coût est extrêmement élevé et ne débouche parfois pas sur le résultat escompté.
Une action sur la base du décret délinquance environnementale, inséré dans le Code de l’environnement, est plus rapide en ce qu’elle peut être mise en œuvre au niveau local et ne dépend pas d’un juge. Les mesures de contrainte sont extrêmement diversifiées et, à ce titre, peuvent rencontrer plus aisément les attentes de la commune. Nous précisons à toutes fins utiles que plusieurs modèles d’arrêté du bourgmestre, personnalisables, sont disponibles sur le site internet de l’Union des Villes et Communes de Wallonie (www.uvcw.be).
Avant toute action initiée par les autorités communales, il est préférable de prendre contact avec le DPC afin de déterminer avec celui-ci si l'exercice par l'Administration régionale de leurs prérogatives propres ne permettrait pas de résoudre plus aisément la situation.
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- [Remonter] La poursuite de l’infraction devant le tribunal correctionnel peut être effectuée de 2 manières: soit le collège dépose plainte auprès du parquet avec la possibilité d’un classement sans suite; soit le collège, suivant la décision du conseil communal, cite directement le contrevenant devant le tribunal correctionnel à la condition expresse, toutefois, de relever, dans le chef de la commune, un préjudice direct et personnel dû à l’infraction (la commune tenant de la NLC, art. 135 un devoir particulier de sécurité et de salubrité des voies publiques, il nous semble qu’il pourrait être considéré que la commune a un intérêt personnel et direct à poursuivre par la voie de la citation directe le particulier qui aurait pollué tant le domaine public que son domaine privé). La citation directe constitue un palliatif très intéressant au classement sans suite des parquets.
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