Quand solliciter une dérogation aux mesures de protection des espèces en application de l'article 5 de la loi du 12 juillet 1973 sur la conservation de la nature?
Lorsqu’un projet nécessite d’une part une dérogation aux mesures de protection des espèces prévues par la loi sur la conservation de la nature et d’autre part un permis d’urbanisme, d’environnement ou unique, se pose la question de savoir si la dérogation doit être demandée avant ou après la demande de permis.
L’absence de règle en la matière et le principe d’indépendance des polices administratives pourraient faire croire que la dérogation peut être demandée avant ou après le permis mais la Cour de justice de l’union européenne a tranché (arrêt Hellfire Massy Residents Association contre An Bord Pleanála et al., 6 juillet 2023, C-166/22, ECLI:EU:C:2023:545) et estime qu’un permis délivré avant l’octroi d’une telle dérogation le serait sur base incomplète.
Le Conseil d’Etat a repris cette jurisprudence en affirmant qu’ « Il est de principe qu'une dérogation en application de l'article 5 de la loi du 12 juillet 1973 sur la conservation de la nature doit être adoptée préalablement à la délivrance du permis unique éolien, sans préjudice toutefois pour la juridiction compétente de déterminer si une telle dérogation est ou non requise ». (voir http://www.raadvst-consetat.be/arr.php?nr=259154&l=fr ; http://www.raadvst-consetat.be/arr.php?nr=259962&l=fr).
Il convient donc que l’autorité saisie d’une demande de permis nécessitant une dérogation en application de l'article 5 de la loi du 12 juillet 1973 vérifie bien que la dérogation a été obtenue avant le dépôt de la demande de permis. A défaut la demande de permis doit être considérée comme incomplète.
Reste alors la question de savoir quand une dérogation est ou non requise. Seule la destruction, la perturbation ou la mise à mort intentionnelle d’espèce protégée requiert une dérogation. Selon les enseignements de la Cour de justice de l’Union européenne (arrêt Föreningen Skydda Skogen c. Länsstyrelsen i Västra Götalands län, 4 mars 2021, C-473/19 et C-474/19) "pour que la condition relative au caractère intentionnel figurant à l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive “habitats” soit remplie, il doit être établi que l’auteur de l’acte a voulu la capture ou la mise à mort d’un spécimen d’une espèce animale protégée ou, à tout le moins, a accepté la possibilité d’une telle capture ou mise à mort". Ce raisonnement peut être appliqué également à la destruction d’espèces végétales.
Dans les arrêts précités du Conseil d’Etat il a été jugé qu’un projet éolien ne requérait pas de dérogation dans la mesure où les mesures d’atténuation et de compensation imposées dans le permis avaient pour résultat que l’impact du projet sur les espèces d’oiseaux et les chauve-souris avait été ramené à un niveau non significatif de sorte que la mise à mort des oiseaux et chauve-souris concernés n’étaient pas « intentionnelles » mais seulement « accidentelles ». La dérogation doit être obtenue avant le permis mais le contenu du permis peut rendre la dérogation non nécessaire, rien n’est simple en droit européen.
Environnement : Marie-Sophie Burton - Emmanuelle Jouniaux - Frédérique Witters - Matteo Gastout - Arnaud Ransy - Christel Termol
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