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Mis en ligne le 3 Mars 2008

Jusqu’au 30 juillet 2018, le droit positif belge ne connaissait pas la responsabilité pénale des pouvoirs publics tels que l'Etat, les Régions, les Communautés, les provinces, les communes.

En effet, l'article 5 du Code pénal, tel qu'inséré par la loi du 4 mai 1999[1], ne s'appliquait pas aux pouvoirs publics dont les pouvoirs locaux, contrairement aux sociétés de droit privé. Le législateur avait avancé un critère objectif pour justifier la différence de régime entre les personnes morales de droit public et les autres, à savoir que toutes ces collectivités disposent d'un organe élu démocratiquement[2]. La Cour d'Arbitrage avait sur ce point précisé que : « le législateur a pu raisonnablement redouter, s'il rendait ces personnes morales pénalement responsables, d'étendre une responsabilité pénale collective à des situations où elle comporte plus d'inconvénients que d'avantages, notamment en suscitant des plaintes dont l'objectif réel serait de mener, par la voie pénale, des combats qui doivent se traiter par la voie politique (…) »[3].

La loi du 11 juillet 2018[4] (modifiant le Code pénal et le titre préliminaire du Code de procédure pénale en ce qui concerne la responsabilité pénale des personnes morales, M.B. 20.7.2018) a modifié les articles 5 et 7bis du Code pénal en rendant, notamment les communes et CPAS, responsables pénalement.

1. La responsabilité pénale des pouvoirs locaux

L’article 5 du Code pénal énonce dorénavant ce qui suit :

« Toute personne morale est pénalement responsable des infractions qui sont intrinsèquement liées à la réalisation de son objet ou à la défense de ses intérêts, ou de celles dont les faits concrets démontrent qu'elles ont été commises pour son compte. (…)

La responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs des mêmes faits ou y ayant participé. »

Il s’ensuit donc que les pouvoirs locaux peuvent désormais voir leur responsabilité pénale engagée, sans pour autant faire bénéficier les mandataires d’une immunité particulière. Ceux-ci peuvent donc toujours voir leur responsabilité pénale engagée.

La sanction envisagée pour les personnes morales de droit public est la déclaration de culpabilité.

Cette déclaration de culpabilité permettra ainsi aux victimes de demander un dédommagement au civil plus facilement.

2. La responsabilité pénale des mandataires

La responsabilité pénale des pouvoirs locaux n’enlève pas la possible responsabilité pénale des mandataire ; comme ils peuvent mettre leur responsabilité civile en jeu en tant qu'organe, les mandataires peuvent également, dans bon nombre d'hypothèses, engager leur responsabilité pénale.

Pour que la responsabilité pénale d'un mandataire soit engagée, il faut qu'il ait commis une infraction. Pour savoir si tel est le cas, il conviendra de déterminer si les éléments constitutifs de l'infraction sont rencontrés.

En fait, une infraction est composée de trois éléments :

-  élément légal : il faut un texte pour ériger un comportement en infraction ; c'est le principe de légalité du droit pénal ;

-  élément matériel : cela consiste dans l'accomplissement d'un acte prohibé qui peut également être de pure omission ;

-  élément moral : il faut l'intention de commettre une infraction. Nous verrons que certaines infractions imposent le « dol », c'est-à-dire la volonté de commettre l'acte interdit ou d'omettre l'acte prescrit par la loi[5], et d'autres ne requièrent qu'une « faute ».

Quand l'infraction est commise, la responsabilité pénale de la personne physique peut être engagée et des sanctions peuvent être appliquées.

En ce qui concerne le mandataire local, celui-ci peut voir sa responsabilité pénale engagée dans de nombreux cas : soit à la suite d'une infraction intentionnelle, soit à la suite d'une infraction non intentionnelle.

A. Les infractions intentionnelles

Pour qu'une infraction intentionnelle puisse être punissable, il est nécessaire que la personne l'ait commise avec connaissance et volonté.

On retrouve ici deux types d’infractions :

-  les infractions qui requièrent le seul dol général comme élément moral. En d'autres mots, l'auteur accomplit l'acte délictueux en pleine connaissance de cause. Il agit sciemment. On peut citer comme exemple l'arrestation arbitraire en tant qu'officier public (C. pén., art. 147), la violation de domicile (C. pén., art. 148), la corruption (C. pén., art. 246-252), les écoutes illégales (C. pén., art. 259bis) ;

-  les infractions qui requièrent le dol spécial comme élément moral. Ainsi, outre la connaissance et la volonté, il faut une intention particulière comme le dessein de nuire ou celui d'obtenir un bénéfice illicite. Comme exemple, on peut citer le détournement (C. pén., art. 240), la destruction de titres (C. pén., art. 241), le faux en écritures publiques (C. pén., art. 193).

B. Les infractions non intentionnelles

Les infractions non intentionnelles ou infractions d'imprudence ne requièrent pas le dol comme élément moral, contrairement aux infractions intentionnelles, mais seulement la faute. Par faute, on entend « le défaut de prévoyance ou de précaution ». L'auteur de l'infraction devait ou aurait dû savoir que son comportement risquait de causer un dommage prévu par la loi pénale. En outre, « pour déterminer s'il existe ou non un défaut de prévoyance et de précaution, le juge aura égard au critère de la personne normalement prudente et diligente placée dans les mêmes circonstances. Le juge ne peut donc apprécier la faute a posteriori mais doit se replacer au moment des faits, en tenant compte des moyens humains, financiers et matériels dont disposait le mandataire local pour assumer sa charge »[6].

Le plus « bel exemple » d'infractions d'imprudence est prévu aux articles 418-420 du Code pénal : ce sont les coups et blessures involontaires et homicide involontaire. C'est ainsi qu'un bourgmestre pourrait être poursuivi, pour coups et blessures involontaires, voire homicide involontaire (art. 418-420, C. pén.) suite à l'incendie d'un immeuble sur son territoire ou encore à la suite d'un accident de la route dû au mauvais état de la voirie.

En ce qui concerne les coups et blessures involontaires et l'homicide involontaire, il convient de signaler que doctrine et jurisprudence estiment que la faute pénale des articles 418 à 420 du Code pénal est identique à la faute civile de l'article 1382 du Code civil : c'est ce qu'on appelle la théorie de l'unité des fautes pénale et civile. Il s'ensuit qu'au pénal comme au civil, on est responsable de sa faute légère, c'est-à-dire du comportement que n'aurait pas adopté l'homme honnête, diligent et prudent placé dans les mêmes circonstances.

C. Les sanctions

Le mandataire subit le même type de sanctions que tout citoyen (emprisonnement, amende).

Néanmoins, il peut être frappé de peines accessoires spécifiques à sa fonction : la destitution et l'interdiction d'exercer certains droits civils et politiques.

1. La destitution (C. pén., art. 19)

On citera cette peine accessoire essentiellement pour mémoire.

La destitution des titres, grades, fonctions, emplois et offices publics dont est revêtu le condamné accompagne obligatoirement les condamnations graves (réclusion et détention à perpétuité, réclusion de 20 à 30 ans, de 15 à 20 ans, de 10 à 15 ans, de 5 à 10 ans ; la détention de 20 à 30 ans, de 15 à 20 ans).

Elle est facultative pour la détention de 10 à 15 ans et de 5 à 10 ans.

2. L'interdiction (C. pén., art. 31 à 34)

L'interdiction est beaucoup plus fréquente comme peine accessoire.

L'article 31 du Code pénal énonce les droits civils et politiques qui peuvent être ainsi « interdits » à l'homme public condamné. Il s'agit notamment du droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics et du droit d'éligibilité.

L'interdiction peut être divisible ou indivisible, obligatoire ou facultative, perpétuelle ou temporaire suivant la nature des peines qu'elle accompagne.

Ainsi, dans les décisions de condamnation à une peine de réclusion ou de détention, elle sera facultative, divisible, perpétuelle ou temporaire (10 à 20 ans).

Dans les matières correctionnelles, en vertu de l'article 33 du Code pénal, elle ne pourra être prononcée que dans des cas prévus par la loi ; elle sera également facultative, divisible et temporaire (5 à 10 ans).

2. Le rôle de la commune en cas de responsabilité d'un de ses mandataires

Suite aux demandes de l'Union des Villes et Communes de Wallonie et aux travaux des Assises de la démocratie auxquelles l'Union a activement participé, la loi du 4 mai 1999 a inséré deux nouvelles dispositions dans la nouvelle loi communale, à savoir les articles 271bis (devenu l'art. L1241-1 CDLD) et 271ter (devenu l'art. L1241-2 CDLD). Le but du législateur en adoptant cette législation était de privilégier « le maintien du régime de la responsabilité du droit commun pour le bourgmestre ou l'échevin en tant qu'organe, tout en préconisant l'aménagement de mécanisme de garanties visant à soulager ces mandataires locaux dont la responsabilité est mise en cause »[7].

A. La mise à la cause de la commune

L'article L1241-1 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, énonce que « le bourgmestre ou l'échevin, qui fait l'objet d'une action en dommages et intérêts devant la juridiction civile ou répressive, peut appeler à la cause la Région ou la commune. La Région ou la commune peut intervenir volontairement. »

Cette disposition a pour conséquence que, dès lors qu'une action civile se greffe sur la procédure répressive, le bourgmestre et l'échevin ne devront plus faire face seuls à l'accusation. Il est évident que la mise en cause de la Région ou de la commune est limitée à l'aspect civil de la procédure ; néanmoins, il s'agit d'un point positif de la réforme sur le plan pénal. En effet, sur la base de cet article, pour se défendre, tant la Région que la commune devront appuyer le mandataire local dans sa défense contre l'infraction.

B. La responsabilité civile des amendes pénales

L'article L1241-2 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation prévoit un système de responsabilité civile dans le chef de la commune du paiement des amendes auxquelles son bourgmestre ou un échevin est condamné, à la suite d'une infraction commise dans l'exercice normal de ses fonctions.

Ainsi, la commune est civilement responsable du paiement des amendes infligées aux mandataires, mais elle dispose d’une action récursoire. Cette action récursoire est limitée au dol, à la faute lourde ou à la faute légère présentant un caractère habituel. En d'autres termes, la commune peut décider de se retourner contre le mandataire pour obtenir le remboursement de ce qu’elle a payé dans le cas d'un crime ou d'un délit intentionnel (dol spécial) ou volontaire (dol général ou faute lourde assimilée au dol en droit pénal), et également dans le cas d’un délit d'imprudence résulte d'une faute légère habituelle dans le chef du bourgmestre ou d'un échevin, lui « refuser son intervention ».

Dès lors, c'est essentiellement dans le cas des délits d'imprudence (comme les coups et blessures par imprudence ou l'homicide involontaire) que la commune sera « automatiquement » astreinte à supporter les conséquences financières de la condamnation de ses mandataires.

C. Une couverture d'assurance « défense pénale »

L'arrêté du Gouvernement wallon du 15 mai 2008[8] prévoit désormais que l'assurance que doit souscrire la commune pour couvrir la responsabilité civile incombant personnellement au bourgmestre et membres du collège dans l'exercice normal de leurs fonctions[9] doit comprendre une assistance en justice, non seulement défense civile mais également défense pénale.


[1]       L. 4.5.1999 instaurant la responsabilité pénale des personnes morales (M.B. 22.6.1999).

[2]       M. Nihoul, La responsabilité pénale des personnes morales en Belgique, La Charte, 2005, p. 26.

[3]       C.A., arrêt n° 128/2002 du 10.7.2002, M.B., 13.11.2002; J.L.M.B., 2003, p. 54.

[4]    L. 11.7.2018, mod. le Code pénal et le titre préliminaire du Code de procédure pénale en ce qui concerne la responsabilité pénale des personnes morales, M.B. 20.7.2018.

[5]       P. -E. Trousse, Les principes généraux du droit pénal positif belge, Les Novelles, Droit pénal, t. I, vol. 1, Bruxelles, Larcier, 1956, vol. 2, 1962, p. 377

[6]       D. Renders et F. Piret, Droit de la démocratie provinciale et communale : la désignation et la responsabilité des mandataires, Acte de la journée d'études - 21 juin 2006, FUCAM, p. 90.

[7]       Doc. Parl., Sén., S.O., 1997-1998, n° 1-987/1, p. 2.

[8]   A.G.W. 15.5.2008 rel. à l'assurance responsabilité et protection juridique des bourgmestres, membres des collèges communaux et
     des membres des collèges provinciaux, (M.B. 2.6.2008), évoqué plus largement dans la fiche 1 La responsabilité civile.

[9]   En application de CDLD, art. L1241-3.


Cover: Focus sur la commune - Fiches pour une bonne gestion communale
Focus sur la commune

Cette fiche provient de l'ouvrage "Focus sur la commune - Fiches pour une bonne gestion communale", véritable outil réalisé en collaboration avec la DG05 pour tout savoir sur la commune, terreau de démocratie, pouvoir le plus proche du citoyen au service duquel, jour apres jour, le mandataire local assume son mandat. Indispensable aux décideurs qui veulent contribuer de façon active à la gestion de leur commune.

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Date de mise à jour
1er Décembre 2019

Type de contenu

Matière(s)

Mandataires
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