Accélération des procédures pour les demandes de permis relatifs à des projets d’énergie renouvelable
Le décret du 29 avril 2024 relatif à l'accélération du déploiement des énergies renouvelables a été publié au Moniteur belge du 13 septembre 2024:
http://www.ejustice.just.fgov.be/eli/decret/2024/04/29/2024204576/moniteur.
Ce décret vise à transposer partiellement la directive (UE) 2023/2413 du Parlement européen et du Conseil du 18 octobre 2023 modifiant la directive (UE) 2018/2001, le Règlement (UE) 2018/1999 et la directive 98/70/CE en ce qui concerne la promotion de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, et abrogeant la directive (UE) 2015/652 du Conseil.
Il prévoit une série de dispositions, dont des modifications du Code de l’environnement, du décret relatif au permis d’environnement ou encore du CoDT qui sont destinées à accélérer les procédures de délivrance des permis relatifs à des projets d’énergie renouvelable*. Nous allons passer en revue les principaux changements.
Dispense d’évaluation des incidences sur l’environnement
Le décret prévoit tout d’abord que le Gouvernement doit procéder à une cartographie coordonnée en vue du déploiement de l'énergie renouvelable sur le territoire de la Région wallonne, afin de recenser le potentiel régional et les zones terrestres, souterraines ou en eaux intérieures disponibles qui sont nécessaires pour l'établissement d'installations d'énergie renouvelable et leurs infrastructures connexes, telles que les installations de réseau et de stockage, y compris de stockage thermique, qui sont nécessaires pour atteindre au minimum la contribution régionale à la réalisation de l'objectif global de l'Union européenne en matière d'énergies renouvelables à l'horizon 2030.Cette cartographie n’emporte pas d’effets juridiques propres sauf en ce qu’elle définit les zones au sein desquelles pourront être identifiées des zones d’accélération des énergies renouvelables.
Ensuite, des zones d’accélération des énergies renouvelables doivent être désignées par le Gouvernement au sein des zones identifiées dans la cartographie susvisée pour un ou plusieurs des types de sources d'énergie, à l'exclusion des installations de combustion de biomasse. Le Gouvernement doit décider de la taille de ces zones d'accélération des énergies renouvelables, compte tenu des spécificités et des exigences du type ou des types de technologie concernées. A la demande spécifique de l’UVCW, il est prévu que, pour cette désignation, le Gouvernement doit assurer une coordination entre toutes les autorités et entités locales concernées, y compris le ou les gestionnaire(s) de réseau. Au sein de ces zones, le Gouvernement doit également établir des règles appropriées en ce qui concerne les mesures d'atténuation efficaces à adopter pour accueillir des installations d'énergie renouvelable et le stockage colocalisé de l'énergie, ainsi que les actifs nécessaires au raccordement de ces installations et de ce stockage au réseau, afin d'éviter les incidences négatives sur l'environnement qui pourraient en résulter ou, si cela n'est pas possible, de les réduire de manière significative.
L’effet principal de ces zones d’accélération des énergies renouvelables est que les demandes de permis relatives à un projet pour une ou plusieurs installations d'énergie renouvelable y sont en principe dispensées d'évaluation des incidences sur l'environnement pour autant que ces demandes respectent les règles arrêtées par le gouvernement au sein de ces zones d’accélération**.
Pour ces demandes, la notice d'évaluation des incidences sur l'environnement doit renseigner en quoi la demande respecte les règles précitées et doit décrire toute mesure supplémentaire adoptée par le demandeur et la manière dont ces mesures remédient aux incidences sur l'environnement (C. envi., art D.65/2, § 1er).
Sur la base de cette notice, l'autorité chargée d'apprécier le caractère complet ou recevable du dossier de demande doit procéder à un examen préalable visant à déterminer si le projet est fortement susceptible d'avoir une incidence négative imprévue importante, compte tenu de la sensibilité environnementale de la zone géographique où il est situé. A cette fin, elle peut solliciter l’avis de toute instance qu’elle juge utile de consulter. A l’issue de l’examen préalable l’autorité peut décider que le projet est fortement susceptible d'avoir une incidence négative imprévue importante. Dans ce cas, le demandeur dispose de 180 jours à dater de la réception de cette décision pour déposer une étude d’incidences sur l’environnement. La procédure d’instruction du permis est suspendue dans l’intervalle
La situation en zone d’accélération des énergies renouvelables implique également une dispense d’évaluation des incidences sur les sites natura 2000 pour les projets d’énergie renouvelable , toujours moyennant respect des règles arrêtées par le Gouvernement dans ces zones (L. 12.7.1973 rel. à la conservation de la nature, article 31bis/4).
Il est important de noter que le nouveau décret n’empêche pas le déploiement de projets d’énergie renouvelable en dehors des zones d’accélération des énergies renouvelables. Pour ces projets situés en dehors d'une zone d'accélération d'énergies renouvelables, le décret prévoit que l'autorité chargée d'apprécier le caractère complet ou recevable du dossier de la demande doit émettre un avis sur la portée et le niveau de détail des informations figurant dans l'étude d'incidences. Elle doit inclure cet avis dans sa décision déclarant la demande complète et recevable. Si l'avis implique une modification de la portée ou du niveau de détail des informations figurant dans l'étude d'incidences, le demandeur doit déposer l'étude d'incidences complétée dans un délai de 180 jours à dater de la réception de la décision statuant sur le caractère complet ou recevable du dossier. A défaut de dépôt de l'étude d'incidences dans le délai requis, la demande de permis est caduque (C. envi., art D69, §2).
On peut souligner que les communes seront concernées tant par l’examen préalable que par l’avis sur la portée et le niveau de détail de l’étude d’incidences puisqu’elles sont l’autorité chargée d’apprécier le caractère complet et recevable des dossiers de demande de permis d’urbanisme pour lesquelles elles sont compétentes. On peut ainsi penser à un permis d’urbanisme pour un une installation d'équipements d'énergie solaire d'une capacité supérieure à 15 kW destinée en tout ou partie à la consommation privée.
Ces nouvelles règles ne s’appliqueront qu’aux demandes introduites après l’entrée en vigueur des zones d’énergies renouvelables qui restent encore à adopter par le Gouvernement wallon (les zones d’accélération doivent être désignées au plus tard pour le 21.2.2026).
Modifications du décret relatif au permis d’environnement
Le décret relatif au permis d’environnement est modifié pour prévoir que lorsque la demande de permis d’environnement ou unique vise un projet d’énergie renouvelable, le fonctionnaire technique (et le fonctionnaire délégué en cas de permis unique) envoie(nt) au demandeur la décision statuant sur le caractère complet et recevable de la demande, dans un délai de trente jours à dater de la réception de la demande, au lieu d’un délai de 20 jours. Ce rallongement est justifié par le fait que l’examen de recevabilité est le moment au cours duquel il est procédé à l’examen préalable visé à l’article D 65/2 du Code de l’environnement. On notera que le délai d’examen de recevabilité est également passé à 30 jours pour les permis d’urbanisme mais pour tout type de projet.
Ces nouvelles règles ne s’appliquent pas pour les demandes de permis introduites avant le 13 septembre 2024
Modifications du Code du développement territorial
Plusieurs modifications sont apportées au CoDT, afin d’accélérer la délivrance des permis qui concernent exclusivement une installation d'équipements d'énergie solaire d'une capacité inférieure ou égale à 15 kW ou une pompe à chaleur.
Il est d’abord prévu que c’est le fonctionnaire délégué qui devient compétent pour la délivrance des permis qui portent exclusivement sur une installation d'équipements d'énergie solaire d'une capacité inférieure ou égale à 15 kW ou sur une pompe à chaleur.
Il doit rendre sa décision sur de tels projets dans des délais spécifiques : 30 jours à dater de l’envoi de l’accusé de réception pour les demandes de permis qui concernent exclusivement une installation d'équipements d'énergie solaire d'une capacité inférieure ou égale à 15 kW ou une installation de pompe à chaleur non géothermique de moins de 50 MW et 90 jours pour les demandes de permis qui concernent exclusivement une installation de pompe à chaleur géothermique de moins de 50 MW. Son délai de décision ne peut par ailleurs pas être prorogé pour de tels projets. Ces délais spécifiques ne s’appliquent pas lorsque la demande concerne une pompe à chaleur sur un bien classé ou assimilé, pastillé à l'inventaire régional du patrimoine ou situé dans une zone de protection au sens du Code wallon du Patrimoine.
Au niveau procédural, les demandes de permis qui portent exclusivement sur une installation d'équipements d'énergie solaire d'une capacité inférieure ou égale à 15 kW ou une pompe à chaleur non géothermique de moins de 50 MW :
- ne peuvent pas faire l'objet en première instance d'une demande d'avis, sauf si la demande de permis porte exclusivement sur une pompe à chaleur de moins de 50 MW qui concerne un bien pastillé à l'inventaire régional du patrimoine ou situé dans une zone de protection au sens du Code wallon du Patrimoine;
- ne sont pas soumises à l’avis du Collège communal, sauf si la demande porte exclusivement sur une pompe à chaleur non géothermique de moins de 50 MW qui concerne un bien classé ou assimilé, pastillé à l'inventaire régional du patrimoine ou situé dans une zone de protection au sens du Code wallon du Patrimoine;
- ne sont pas soumises à enquête publique ou annonce de projet sauf si la demande de permis porte exclusivement sur une pompe à chaleur non géothermique de moins de 50 MW qui implique la transformation, en tout ou en partie, d'un bien classé ou assimilié, ainsi que d’un bien situé dans une zone de protection au sens du Code wallon du Patrimoine.
Enfin, pour les demandes de permis portant exclusivement sur une installation d'équipements d'énergie solaire d'une capacité inférieure ou égale à 15 kW, lorsque le fonctionnaire délégué n'a pas envoyé sa décision au demandeur dans le délai de 30 jours, le permis est réputé octroyé ( et non refusé) à condition que la capacité de l'équipement d'énergie solaire ne dépasse pas la capacité existante de raccordement au réseau de distribution.
Ces nouvelles règles ne s’appliquent pas pour les demandes de permis introduites avant le 13 septembre 2024
Modifications du Code du patrimoine
Toujours dans un but d’accélération des procédures, le Code wallon du patrimoine est modifié sur plusieurs points, notamment en ce qui concerne les demandes qui portent exclusivement sur l'installation d'équipements d'énergie solaire d'une capacité inférieure ou égale à 15 kW.
Pour ces demandes, l'obtention de l'autorisation patrimoniale qui reste applicable n’est pas une condition préalable à l’introduction de la demande de permis d’urbanisme. En outre, elles ne peuvent pas faire l’objet d’une réunion de patrimoine ( celles relatives exclusivement à une pompe à chaleur non plus, sauf si le service désigné par le Gouvernement le juge opportun).
Lorsque la demande porte exclusivement sur l'installation d'équipements d'énergie solaire d'une capacité inférieure ou égale à 15 kW, le Gouvernement doit notifier au demandeur sa décision concernant la demande d'autorisation patrimoniale dans un délai de trente jours à compter de l'envoi de l'accusé de réception de la demande complète. Passé ce délai l’autorisation patrimoniale est réputée octroyée à condition que la capacité de l'équipement d'énergie solaire ne dépasse pas la capacité existante de raccordement au réseau de distribution. Des délais de décisions spécifiques sont également prévus pour les autres projets d’énergie renouvelable (voir CoPat, art. D 47).
Ces nouvelles règles ne s’appliquent pas pour les demandes d’autorisation patrimoniales introduites avant le 13 septembre 2024.
L’énergie renouvelable en tant qu’intérêt public majeur
Le nouveau décret prévoit enfin que la planification, la construction et l'exploitation d'installations d'énergie renouvelable ,le raccordement de ces installations au réseau, le réseau connexe proprement dit et les actifs de stockage sont présumés relever de l'intérêt public majeur et de l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques pouvant justifier une dérogation aux mesures de protection des espèces ou pouvant fonder l’autorisation d’un projet portant atteinte à un site natura 2000 (L. sur la conservation de la nature, art. 5, § 2, 1°, § 3, 3°, et 29, § 2, al. 4).
Le Code de l’eau est également modifié pour prévoir que ces mêmes actes et travaux relèvent de de l'intérêt général majeur permettant à l’autorité de bassin (le Gouvernement) de justifier le passage d’une eau de surface d’un très bon état à un simple bon état.
* Il s’agit, selon le décret, d’ une énergie produite à partir de sources non fossiles renouvelables, à savoir l'énergie éolienne, l'énergie solaire (solaire thermique et solaire photovoltaïque) et géothermique, l'énergie osmotique, l'énergie ambiante, l'énergie marémotrice, houlomotrice et d'autres énergies marines, l'énergie hydroélectrique, la biomasse, les gaz de décharge, les gaz des stations d'épuration d'eaux usées et le biogaz;
** Même si le décret ne le précise pas, on peut considérer que cette dispense de principe ne vaut que pour les demandes de permis qui portent exclusivement sur une ou plusieurs installations d'énergie renouvelable. SI le projet d’énergie renouvelable n’est qu’une partie de la demande, cette dernière tombe dans le régime classique de l’évaluation des incidences.
Energie : Marianne Duquesne - Géraldine Dupont - Matteo Gastout
Environnement : Matteo Gastout - Frédérique Witters - Christel Termol - Arnaud Ransy - Emmanuelle Jouniaux - Marie-Sophie Burton
Lire aussi en Environnement
Formations - Environnement
- Le développement durable
- Clés pour comprendre le permis d’environnement
- Gestion de conflits - Formation continue des agents constatateurs en environnement
- La formation des agents constatateurs et des fonctionnaires sanctionnateurs en environnement (1)
- La formation des agents constatateurs et des fonctionnaires sanctionnateurs en environnement (2)
- La gestion des sols et des terres excavées
- Webinaire - Nouveau régime de lutte contre délinquance environnementale
- Bien-être animal : la saisie administrative
- Bien-être animal : le contrôle
- Focus sur les déchets plastiques
- La publicité administrative en matière d'urbanisme et d'environnement
- Terres excavées : contrôle de la traçabilité des volumes de moins de 400 m³
- La formation des fonctionnaires sanctionnateurs en environnement (30h)
- La lutte contre l'abandon des déchets
- Le permis d’environnement en pratique