Dans quelle mesure la commune peut-elle imposer des taxes à un site récepteur, une installation autorisée au sens de l’AGW Terres ou à un centre d’enfouissement technique ?
Afin de garantir une bonne régulation des mouvements de terres excavées et des coûts adéquats de valorisation, il est important de permettre le développement de sites récepteurs (qui accueillent lesdites terres en vue de leur valorisation), mais aussi d’installations autorisées au sens de l'AGW Terres (installation de stockage temporaire, de tri-regroupement, de prétraitement et/ou de traitement de terres autorisée conformément aux réglementations applicables).
Néanmoins, il est vrai que lorsqu’un tel site ou une telle installation se crée sur le territoire d’une commune, celui-ci ou celle-ci va entrainer certains désagréments, dont un charroi important ayant pour conséquence des dégradations des voiries avoisinantes.
Dans ce cadre, il peut être envisagé d’imposer une taxe communale sur lesdits sites et lesdites installations, sans pour autant que cette taxe soit dissuasive pour ces derniers. En effet, l’objectif n’est pas de freiner leur développement au vu du besoin existant dans le cadre de la gestion des terres excavées[1].
Les centres d’enfouissement techniques jouent également un rôle en termes d’évacuation de terres excavées[2]. L’imposition d’une telle taxe peut aussi être envisagée sur ces CET, pour les mêmes raisons.
Les articles 42 et 162 de la Constitution consacrent l’autonomie communale, y compris l’autonomie fiscale de la commune. En principe, les communes peuvent instaurer n’importe quelle taxe (par le biais d’un règlement-taxe), pour autant qu’elles respectent la hiérarchie des normes. A cet égard, précisons qu’en principe, seule la loi fédérale peut limiter l’autonomie fiscale de la commune[3].
En ce qui concerne les sites récepteurs et les installations autorisées, les règlementations applicables[4] ne prévoient pas de limitation quant à la possibilité d’instaurer une taxe communale sur un site récepteur ou une installation autorisée, au sens de l’AGW Terres.
En ce qui concerne les centres d’enfouissement technique, le décret fiscal du 22 mars 2007 favorisant la prévention et la valorisation des déchets en Région wallonne établit des taxes perçues au profit de la Région wallonne[5]. Ce dernier vise « à prévenir la production de déchets, à soutenir le recyclage et la plus grande valorisation de ceux-ci »[6].
En tant qu’exploitants d’installation de traitement de déchets, les communes et les intercommunales sont soumises, selon le cas, au paiement de cette taxe. Ainsi, l’article 3, alinéa 2, du décret prévoit que « La commune ou l'association de communes est solidairement tenue au paiement de la taxe due pour les déchets ménagers mis pour son compte en centre d'enfouissement technique. Elle peut demander à l'administration de se substituer, pour ces déchets, au redevable, auquel cas il lui incombe de procéder aux déclarations et d'acquitter la taxe. »
L’existence de cette taxe régionale n’empêcherait pas une commune de prévoir une taxe communale sur ces centres.
En effet, si la Cour de cassation a considéré qu’il était de principe en droit fiscal qu'un contribuable ne peut être tenu d'acquitter deux fois le même impôt sur le même objet[7], elle a également considéré que ce principe n’interdisait pas que diverses autorités établissent un impôt à charge d’un même contribuable pour un même fait[8]. Dans le même sens, le Conseil d’Etat a considéré que les conseils communaux qui détiennent leur pouvoir de taxation de l'article 170, § 4, de la Constitution peuvent choisir, sous le contrôle de l'autorité de tutelle, la base des impôts levés par eux et que le seul fait que la même base imposée le soit déjà par d'autres niveaux de pouvoir ne peut limiter le pouvoir fiscal des communes[9].
La commune dispose donc d’une certaine liberté à cet égard, moyennant le respect des principes suivants :
- La légalité de l’impôt : Le principe de légalité de l’impôt implique, au niveau communal, que l’instauration des taxes relève de la seule compétence du conseil communal, comme le prévoit l’article 170, par. 4, de la Constitution. Conformément à l’article L3131-1, par. 1er, du Code de la démocratie locale et de la décentralisation, les règlements-taxes communaux sont soumis à l’approbation du Gouvernement wallon. A défaut de décision dans les délais prévus, le règlement devient exécutoire ;
- L’égalité devant l’impôt ;
- L’annualité de l’impôt ;
- La non-rétroactivité de l’impôt ;
- La territorialité de l’impôt : la commune n’a aucun pouvoir de taxation en dehors de ses limites territoriales ;
- L’objectif financier de l’impôt : Cet objectif n’empêche pas, cependant, une commune de poursuivre des objectifs accessoires, non financiers, d’incitation ou de dissuasion. Comme indiqué plus haut, la taxe communale imposée à un site récepteur ou une installation autorisée ne doit pas être dissuasive dans la mesure où la création de tels sites et de telles installations est nécessaire afin de garantir une bonne régulation des mouvements de terres.
Chaque année, le Ministre des Pouvoirs locaux envoie aux communes sa « circulaire budgétaire ». Cette circulaire comporte l’ensemble des dispositions relatives à l’établissement des budgets de l’exercice à venir, présente un chapitre reprenant la liste des instruments fiscaux communaux soutenus par le Ministre et les taux maxima qu’il recommande.
Cette circulaire présente de simples recommandations. Les communes peuvent donc instaurer d’autres taxes (ou redevances) que celles énumérées dans la circulaire, de même que de prévoir d’autres taux que ceux qui y figurent.
Sur base de la circulaire budgétaire adoptée pour l’année 2025, une commune pourrait se reposer, pour taxer un site récepteur, une installation autorisée au sens de l’AGW Terres ou un CET, sur :
- La taxe sur les établissements dangereux, insalubres et incommodes ainsi que ceux visés par le permis d’environnement (040/364-30) ;
- Une taxe nouvelle et spécifique, selon les recommandations du point VII.8 de la circulaire, spécialement motivée par une situation particulière rencontrée par la commune. « Ces taxes et redevances doivent être liées notamment à des nuisances, sonores, environnementales/écologiques, économiques, urbanistiques, à l’encontre du bien-être animal, du respect la vie privée, … (…) Pour de tels règlements-taxes ou redevances, il est demandé à la commune d’adresser préalablement au Ministre de tutelle un dossier circonstancié justifiant spécifiquement l’opportunité d’établir cette taxe et de ne pas l’adopter avant d’avoir reçu l’approbation du Gouvernement. »;
- La taxe sur les CET (040/364-33).
[1] A cet égard, nous vous invitons à lire l’article suivant.
[2] Pour plus d’informations à ce sujet, nous vous invitons à lire l’article suivant.
[3] Pour plus d’informations à ce sujet : https://www.uvcw.be/focus/finances/art-2455.
[4] Décret du 9 mars 2023 relatif aux déchets, à la circularité des matières et à la propreté publique, M.B., 31 juillet 2023 ; Décret du 11 mars 1999 relatif au permis d’environnement, M.B., 8 juin 1999 ; Décret du 1er mars 2018 relatif à la gestion et à l'assainissement des sols, M.B., 22 mars 2018.
[5] Voir article 43 du décret.
[6] Doc., Parl. W., 2006-2007, n°546/1, p. 3.
[7] Cass., Arrêt du 4 février 1931, Pasicrisie belge, Année 1931, page 55 – principe fiscal du non bis in idem.
[8] Cass., Arrêt du 16 octobre 1997 (F950035N).
[9] C.E., Arrêt n° 85.916 du 14 mars 2000.
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