La Fédération des CPAS : "Nous sommes face à des réformes susceptibles de fragiliser à la fois les personnes et l’institution CPAS"
Le Comité directeur de la Fédération des CPAS s'est réuni à plusieurs reprises pour analyser les déclarations de politique régionale et communautaire.
Luc Vandormael, Président de la Fédération des CPAS : "La Fédération des CPAS prend acte des déclarations de politique régionale et communautaire et réaffirme son engagement indéfectible en faveur de la défense des droits sociaux et de l'intégration des personnes les plus vulnérables de notre société.
Nous sommes demandeurs de collaborer étroitement avec les Gouvernements pour garantir que les mesures proposées répondent réellement aux besoins des populations fragiles et renforcent le rôle des institutions sociales locales. Bien que nous soutenions les initiatives visant à simplifier les démarches administratives, à lutter contre la pauvreté et à favoriser le retour à l'emploi comme levier d'émancipation sociale, nous nous opposons fermement à la fusion des CPAS avec les communes et à la création d’un service communautaire obligatoire. Par ailleurs, le projet de limitation des allocations de chômage dans le temps est une source de préoccupation majeure pour les CPAS. Cela aurait un impact sur les personnes et sur les institutions locales.
Aussi, la question de la viabilité financière des CPAS reste une inquiétude constante, particulièrement à la lumière de ces déclarations. Nous plaidons pour des solutions justes et durables qui protègent les droits sociaux et soutiennent les personnes en situation de précarité, tout en assurant la stabilité financière des CPAS."
PREMIERES REACTIONS
1. La proposition de limiter les allocations de chômage à deux ans, avec une activation plus rapide des demandeurs d'emploi, pourrait entraîner des conséquences dramatiques pour les personnes et pour les CPAS.
Selon les estimations, entre 17 000 et 52 000 chômeurs de longue durée pourraient se tourner vers les CPAS pour obtenir de l'aide, entraînant une augmentation potentielle de 20 à 50 % des bénéficiaires de l'aide sociale. Cela représenterait un coût annuel additionnel de 71 à 219 millions d'euros.
La Fédération des CPAS demande que, si malgré les impacts, la volonté de mettre en œuvre cette mesure existe, elle soit accompagnée de moyens financiers supplémentaires pour les CPAS, tels que l'augmentation du taux de remboursement du RI à 95 % et le relèvement du Fonds spécial de l'aide sociale, un budget pour recruter des travailleurs sociaux supplémentaires, voire un soutien pour l’acquisition de locaux. De plus, elle appelle à des conditions d’exemption pour certaines catégories, telles que les personnes de plus de 50 ans et celles en formation professionnelle, afin de limiter l’impact négatif sur les populations les plus vulnérables.
Si la mesure était appliquée dans son intégralité et sans moyens complémentaires pour les CPAS, cela s’apparenterait à un transfert de charge d’une ampleur inédite à charge des pouvoirs locaux, déjà sous forte tension budgétaire.
2. La Fédération des CPAS salue l’engagement du Gouvernement à poursuivre un Plan de lutte contre la pauvreté. Elle insiste sur la nécessité d’un financement adéquat et d’une distinction claire entre les politiques de cohésion sociale et les actions spécifiques de lutte contre la pauvreté. Les CPAS doivent continuer à être soutenus en tant que principaux acteurs de ces politiques, avec des critères d'octroi d’aides sociales qui ne soient pas conditionnés par des logiques de lutte contre la fraude sociale et les abus.
3. La Fédération des CPAS se réjouit également de l'importance accordée à l'économie sociale, un secteur crucial pour l'insertion socioprofessionnelle dont le maintien des financements dans le cadre de la réforme des articles 60.
***
D’autres mesures de la DPR pourraient avoir un impact sur les CPAS. Dès lors, il est nécessaire de renforcer l’institution et de ne pas la fragiliser par des mesures de nature à la mettre en difficulté.
A cet égard :
1. La Fédération des CPAS s'oppose fermement à la proposition de fusion entre les communes et les CPAS. Cette mesure fragilisera les CPAS en diluant leurs missions spécifiques et en créant des complications administratives et juridiques, notamment la révision de la loi organique. Une telle fusion diminuerait également la qualité des services fournis aux citoyens en réduisant l'autonomie des CPAS au sein d’une institution qui sera impactée par une augmentation probable de son public accompagné (chômeurs longue durée).
La Fédération des CPAS recommande au contraire de maintenir les CPAS comme des entités autonomes et d'augmenter leur capacité à agir comme pôles sociaux au sein des communes et ce, afin qu’ils puissent continuer à aider les personnes les plus fragilisées.
2. La Fédération des CPAS appelle à maintenir en urgence les budgets alloués aux CPAS (pour le personnel), notamment ceux octroyés ces 3 dernières années suite aux différentes crises, pour permettre aux CPAS de poursuivre leurs missions et d'assumer les nouvelles responsabilités qui pourraient leur être confiées. Au-delà de cette prolongation, elle souligne également la nécessité d'un renforcement du personnel et de moyens logistiques pour faire face à la charge de travail croissante et aux potentielles nouvelles attentes.
Elle recommande également de revoir les modes de financement des CPAS pour assurer une augmentation des ressources et une simplification administrative, tout en préservant les moyens actuels.
La Fédération des CPAS préconise cependant un temps d’intégration des nouvelles dispositions avant toute nouvelle réforme décrétale
Les CPAS restent par ailleurs disposés à poursuivre leurs missions (éventuellement renforcées) en insertion socioprofessionnelle. Nous attirons toutefois l’attention sur le fait que les critères d’octroi des aides sociales ne devraient pas être conditionnés par des logiques de lutte contre la fraude sociale et les abus. Par ailleurs, les logiques de sanctions, si elles venaient à devoir être durcies en CPAS, conduiraient une partie des allocataires vers la grande pauvreté et le sans-abrisme, d’autant plus que la fragilité d’une partie du public est démontrée (augmentation des problèmes de santé mentale, assuétudes, infra qualification nécessitant un long parcours de réhabilitation).
3. La Fédération des CPAS s'oppose à la création d'un service communautaire encadré par les CPAS, estimant que cela introduirait un travail contraint et non rémunéré portant atteinte à la liberté individuelle des bénéficiaires et dénaturant le rôle des CPAS. De plus, il est un fait les CPAS ne disposent ni des ressources ni des capacités nécessaires pour assumer efficacement la charge et la gestion d'un tel dispositif.
La Fédération des CPAS suggère que les objectifs d’activation des bénéficiaires soient atteints par le biais d’autres mécanismes déjà en place, tels que la formation professionnelle et l’accompagnement à la recherche d’emploi, qui tiennent compte de la situation personnelle des bénéficiaires.
4. Le logement est une source de préoccupation majeure. Dans ce cadre :
- La Fédération des CPAS s'oppose à la conditionnalité au logement proposée qui lierait l'attribution d'un logement social à la situation socioprofessionnelle du candidat locataire. Une telle condition risquerait de priver les personnes les plus précaires de leur droit fondamental à un logement.
- La Fédération des CPAS émet des réserves concernant l'exclusion des personnes condamnées pour atteinte à la sécurité de l'État du droit au logement, soulignant que toute personne en situation de précarité devrait pouvoir y accéder.
- Concernant la rotation des locataires dans les logements sociaux, la Fédération des CPAS appelle à des conditions bien définies pour éviter d'aggraver le sans-abrisme et demande une augmentation de l'offre de logements abordables dans le secteur privé.
- Enfin, elle soutient l'augmentation des logements de transit et d'urgence ainsi que des projets comme Housing First et la volonté de renforcer les dispositifs d’accueil de jour et d’abri de nuit qui sont complètement saturés, ceci tout en insistant sur la nécessité de clarifier les modalités d'application de ces mesures pour répondre aux besoins des plus vulnérables. Elle réaffirme que le droit au logement est essentiel à l'inclusion sociale et doit être accessible à tous sans discrimination.
La Fédération des CPAS souligne que le droit au logement est un pilier fondamental de l’inclusion sociale et appelle à des politiques qui renforcent cet accès pour tous, sans discrimination ni conditionnalité restrictive.
5. La lutte contre la précarité énergétique est devenue une mission centrale pour les CPAS. Ils sont des acteurs clés dans l'aide aux ménages pour l'accès à l'énergie : soutien administratif et financier à la médiation de dettes énergétiques et à l'accompagnement technico-social au domicile. La Fédération des CPAS apprécie la volonté de faire des CPAS des acteurs centraux de la lutte contre la précarité énergétique. Mais pour poursuivre cette mission de manière efficace, la Fédération des CPAS insiste sur la nécessité de renforcer les effectifs des CPAS, notamment avec des tuteurs énergie et eau supplémentaires pour développer l’accompagnement technico-social au domicile.
- La Fédération des CPAS appelle également à une simplification des démarches administratives pour l’accès aux dispositifs d'aide énergétique, tels que les projets PAPE, afin de rendre ces aides plus accessibles et efficaces.
- La Fédération des CPAS accueille favorablement la création d’un forum réunissant les acteurs publics et privés autour des enjeux énergétiques et insiste pour que les CPAS y soient représentés afin de faire entendre la voix des plus vulnérables.
- La Fédération des CPAS salue l’intention d’évaluer le recours au juge de paix dans le cadre des défauts de paiement d’énergie, reconnaissant que ces procédures ont déjà des effets délétères sur les ménages précaires en Wallonie.
- La Fédération des CPAS soutient les efforts du Gouvernement pour améliorer l'efficacité énergétique des logements et optimiser la consommation des ménages. Cependant, elle souligne que ces initiatives doivent tenir compte de la réalité des ménages en situation de précarité.
6. Enfin, en matière d’action sociale, la Fédération des CPAS :
- Soutient la négociation d'un nouvel accord non marchand pour créer des emplois et rendre les métiers du secteur social plus attractifs. Elle demande l'inclusion du personnel des CPAS dans cet accord.
- Plaide pour la valorisation du personnel des maisons de repos et l'amélioration des barèmes pour les directeurs et aides familiales.
- Encourage le développement de modèles plus flexibles, tels que les centres de soins de jour, pour mieux répondre aux besoins des aînés.
- Appelle à une révision du barème des services d'aide aux familles et à un soutien financier accru pour garantir que l'assurance autonomie bénéficie à tous les aînés.
- Soutient les efforts pour améliorer les services de médiation de dettes et demande un financement adapté pour mieux répondre aux besoins des personnes en difficulté financière.
Pour une collaboration constructive
La Fédération des CPAS de Wallonie réaffirme son engagement à travailler en étroite collaboration avec le Gouvernement et les autres parties prenantes pour garantir que les mesures proposées respectent les besoins des populations vulnérables et renforcent les institutions sociales locales. Elle reste à disposition pour fournir son expertise et participer activement à l'élaboration et à la mise en œuvre de politiques publiques efficaces et équitables.
Pour rappel, les CPAS jouent un rôle central dans les politiques sociales de Wallonie. Ils sont le principal acteur public de lutte contre la pauvreté et de promotion de l'inclusion sociale, fournissant des services cruciaux tels que l'aide sociale, l'insertion socioprofessionnelle, le soutien à l'accès à l'énergie et au logement, et la lutte contre le sans-abrisme. Avec plus de 100 000 bénéficiaires du revenu d'intégration (RI), plus de 18 000 étudiants soutenus annuellement, et des milliers de personnes aidées à travers divers services, les CPAS sont indispensables pour assurer la dignité humaine et le bien-être des plus vulnérables.
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