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Mis en ligne le 8 Novembre 2022

L’article 61, al. 1er et 2, de la loi organique des CPAS (ci-après : LO), prévoit :

« Le centre peut recourir à la collaboration de personnes, d'établissements ou de services qui, créés soit par des pouvoirs publics, soit par l'initiative privée, disposent des moyens nécessaires pour réaliser les diverses solutions qui s'imposent, en respectant le libre choix de l'intéressé. 

Le centre peut supporter les frais éventuels de cette collaboration, s'ils ne sont pas couverts en exécution d'une autre loi, d'un règlement, d'un contrat ou d'une décision judiciaire. »

Les exemples de telles conventions avec des personnes privées sont légion : opérateurs de formations, opticiens, commerces d’alimentation, pharmacies, autoécoles, etc.[1] Et dans la plupart des cas, les frais sont, pour partie au moins, pris en charge par le CPAS[2].

Or, l’article 2, 17°, de la loi relative du 17 juin 2016 aux marchés publics (ci-après : LMP), définit un marché public comme « le contrat à titre onéreux conclu entre un ou plusieurs opérateurs économiques et un ou plusieurs adjudicateurs et ayant pour objet l'exécution de travaux, la fourniture de produits ou la prestation de services […] ».

A noter que le caractère onéreux s’entend de tout paiement en argent, bien sûr, et cela même lorsqu’il s’agit d’une participation aux frais qui ne couvre pas nécessairement tous ceux-ci, mais également de tout avantage ou contrepartie évaluable en argent.

De son côté, l’article 2, 7°, b), de la loi du 17 juin 2016 relative aux contrats de concession, définit la concession de services comme « un contrat conclu par écrit et à titre onéreux par lequel un ou plusieurs adjudicateurs confient la prestation et la gestion de services […] à un ou à plusieurs opérateurs économiques, la contrepartie consistant soit uniquement dans le droit d'exploiter les services qui font l'objet du contrat, soit dans ce droit accompagné d'un prix ».

Et d’ajouter : « L'attribution […] d'une concession de services implique le transfert au concessionnaire d'un risque d'exploitation lié à l'exploitation de ces […] services, comprenant le risque lié à la demande, le risque lié à l'offre ou les deux. Le concessionnaire est réputé assumer le risque d'exploitation lorsque, dans des conditions d'exploitation normales, il n'est pas certain d'amortir les investissements qu'il a effectués ou les coûts qu'il a supportés lors de l'exploitation des […] services qui font l'objet de la concession. La part de risque transférée au concessionnaire implique une réelle exposition aux aléas du marché, telle que toute perte potentielle estimée qui serait supportée par le concessionnaire ne doit pas être purement nominale ou négligeable. »[3]

Très certainement un marché public (voire une concession)

Certes, le législateur n’avait certainement pas à l’esprit la question des marchés publics (ou des concessions) lors de la rédaction de l’article 61 LO. D’ailleurs, l’ancienne loi du 14 juillet 1976 relative aux marchés publics ne définissait pas ceux-ci, se contentant de prévoir que « les marchés de travaux, de fournitures et de services au nom de l'Etat ou de toute autre personne de droit public, sont passés avec concurrence et à forfait, suivant les modes prévus à la présente loi […] » (art. 1er, § 1er).

Mais sous l’influence du législateur européen et de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne, il faut, depuis longtemps déjà, se rendre à l’évidence : toute commande de services (notamment) par un CPAS à un tiers, à titre onéreux, est en principe constitutive d’un marché public de services, voire d’une concession de services.

Par conséquent, les conventions de collaboration conclues par les CPAS avec des tiers et impliquant une participation aux frais par le CPAS concerné, conformément à l’article 61 LO, devront très certainement être qualifiées de marchés publics de services, voire de concessions de services, avec donc pour principale caractéristique de devoir en principe faire l’objet d’une mise en concurrence des opérateurs économiques.

Avec ou sans mise en concurrence

Il est néanmoins permis de recourir à une procédure négociée sans publication préalable et sans mise en concurrence lorsque « les travaux, fournitures ou services ne peuvent, être fournis que par un opérateur économique déterminé pour l'une des raisons suivantes : i) l'objet du marché est la création ou l'acquisition d'une œuvre d'art ou d'une performance artistique unique ; ii) il y a absence de concurrence pour des raisons techniques ; iii) la protection de droits d'exclusivité, en ce compris les droits de propriété intellectuelle. Les exceptions indiquées aux points ii) et iii) ne s'appliquent que lorsqu'il n'existe aucune solution alternative ou de remplacement raisonnable et que l'absence de concurrence ne résulte pas d'une restriction artificielle des conditions du marché » (art. 42, § 1er, 1°, d, LMP).

Par ailleurs, s’agissant des marchés publics de faible montant (au sens de l’article 92 LMP), l’article 124 de l’arrêté royal du 18 avril 2017 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs classiques (ci-après ARP) prévoit : « […] le pouvoir adjudicateur passe son marché après consultation, si possible, des conditions de plusieurs opérateurs économiques mais sans obligation de demander l'introduction d'offres. La preuve de cette consultation doit pouvoir être fournie par le pouvoir adjudicateur ». Le cas échéant, il appartiendra donc au pouvoir adjudicateur de démontrer l’impossibilité de consulter (les conditions de) plusieurs opérateurs économiques.

La possibilité d’organiser une mise en concurrence pourrait-elle s’envisager uniquement sur un territoire donné (et par définition limité) ? La réponse est en principe négative : une éventuelle absence de concurrence doit être évaluée à l’échelle de l’Union européenne ! Cela étant, un CPAS peut bien entendu tenir compte des besoins et des contraintes qui s’imposent à lui et, plus précisément, aux bénéficiaires des services prestés par ses potentiels partenaires, et ainsi les répercuter dans les conditions d’exécution du marché, pour autant – rappelons-le – que « l'absence de concurrence ne résulte pas d'une restriction artificielle [de celles-ci] » (art. 42, § 1er, 1°, d, LMP ; v. aussi art. 5, § 1er LMP). Pratiquement, l’organe compétent du CPAS (art. 84 LO) veillera à soigneusement motiver les raisons concrètes qui justifient une absence de mise en concurrence (et à défaut, une mise en concurrence – même limitée – s’imposera).

Prenons l’exemple d’une formation :  il pourrait se justifier que compte tenu de la situation des bénéficiaires, des conditions d’accessibilité en transports en commun et/ou de coûts de déplacement s’imposent. Mais attention : si cette formation ne doit pas nécessairement se dérouler dans les locaux du prestataire pour des raisons techniques et objectives (machines-outils p.ex.), celui-ci pourra alors l’organiser à proximité des bénéficiaires (le cas échéant, dans un local mis à sa disposition par le CPAS). Dans ce dernier cas, aucune restriction territoriale de fait à la mise en concurrence ne pourrait se justifier.

Voire une alternative aux marchés publics

Enfin, un autre mécanisme pourra trouver à s’appliquer en lieu et place d’un marché public (ou d’une concession de services), sans pour autant restreindre la concurrence. En effet, pour la Cour de Justice de l’Union européenne, ne constitue pas un marché public un système par lequel une entité publique retient tous les opérateurs économiques qui remplissent les exigences d’aptitude posées par l’appel d’offres, même si aucun nouvel opérateur ne peut être admis durant la durée de validité limitée de ce système[4], et a fortiori si un opérateur peut intégrer ce système pendant toute la durée de validité de celui-ci[5]. Comme le relève la Cour, « l’élément déterminant tient au fait que le pouvoir adjudicateur n’a mentionné aucun critère d’attribution […] destiné à permettre de comparer et de classer les offres recevables ».

Autrement dit, pendant un temps donné (ou non), un CPAS peut lancer un appel public pour « conventionner » ou « agréer » des prestataires dans tel domaine d’activités, selon des exigences minimales d’aptitudes et des conditions (y compris financières) de prestation des services concernés. Tous les opérateurs économiques qui se manifestent alors, en démontrant qu’ils répondent à ces exigences et en s’engageant sur ces conditions, seront repris, pour la durée de la convention, dans la liste des prestataires « agréés » auxquels les bénéficiaires des services pourront recourir.

 


[1] Nous n’aborderons pas ici les conventions avec d’autres établissements publics, vraisemblablement des pouvoirs adjudicateurs, qui pourraient relever de la coopération horizontale non institutionnalisée, dans les conditions prévues par l’article 31 de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics.

[2] Merci à la Fédération des CPAS pour sa contextualisation.

[3] V. pour le surplus : M. Lambert, « Nouvelle réglementation des concessions de travaux et de services », Mouv. comm., 10/2016, pp. 26-29, https://www.uvcw.be/marches-publics/articles/art-1458.

[4] CJUE, aff. C-9/17, 1.3.2018.

[5] CJUE, aff. C-410/14, 2.6.2016.

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Date de mise en ligne
8 Novembre 2022

Type de contenu

Q/R

Matière(s)

Marchés publics Aide sociale ISP
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