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Mis en ligne le 17 Novembre 2022

L’article L1232-24, § 1er, du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (CDLD), prévoit (nous soulignons) : « A la demande d’autorisation [de crémation] est joint un certificat dans lequel le médecin traitant ou le médecin qui a constaté le décès indique s’il y a eu mort naturelle ou violente ou suspecte ou une cause de décès impossible à déceler.

Lorsqu’il s’agit du corps d’une personne décédée dans une commune de la région de langue française, et que le médecin visé à l’alinéa précédent a confirmé qu’il s’agit d’une mort naturelle, est joint, en outre, le rapport d’un médecin assermenté[1] commis par l’officier de l’état civil pour vérifier les causes du décès, indiquant s’il y a eu mort naturelle ou violente ou suspecte ou une cause de décès impossible à déceler.

Les honoraires et tous les frais y afférents du médecin commis par l’officier de l’état civil, sont à charge de la commune de la région de langue française dans laquelle le défunt est inscrit dans le registre de la population, le registre des étrangers ou le registre d’attente ou, à défaut, dans laquelle le décès est survenu. »

Ces dispositions sont reprises de l’article 22, § 1er, de la loi du 20 juillet 1971 sur les funérailles et sépultures. Certes, le législateur n’avait certainement pas à l’esprit la question des marchés publics lors de la rédaction de ces dispositions, restées inchangées lors de leur transfert dans le CDLD et ensuite confirmées par le décret wallon du 6 mars 2009.

Mais sous l’influence du législateur européen et de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne, il faut, depuis longtemps déjà, se rendre à l’évidence : toute commande de services par une commune à un tiers, à titre onéreux, est en principe constitutive d’un marché public de services.

Et le fait qu’en l’espèce les honoraires du médecin qui doit faire rapport à l’officier de l’état civil en vue d’une crémation sont pris en charge par la commune dans laquelle était domicilié le défunt, donc pas nécessairement celle dans laquelle son décès a été constaté et dont les causes doivent être confirmées, n’y change rien : ce médecin n’intervient pas gratuitement, peu importe quelle commune prendra finalement ce coût en charge.

Par conséquent, les règles relatives aux marchés publics devront en principe être appliquées à la désignation, par l’officier de l’état civil, du médecin assermenté chargé de vérifier les causes du décès en cas de crémation. Le cas échéant, afin de disposer d’un pool de médecins auprès desquels répartir cette mission, il pourra s’avérer opportun de passer un accord-cadre à plusieurs participants, prévoyant les modalités de cette répartition.

Mais comment classer les offres des médecins soumissionnant à un tel accord-cadre ? Pour autant d’ailleurs qu’on parvienne à les convaincre de remettre offre… Et est-ce tout simplement la volonté des villes et communes de mettre les médecins en concurrence pour exercer cette mission ? Surtout, une telle mise en concurrence est-elle appropriée lorsque des villes et communes, au vu de l’ampleur de la tâche et/ou pour tenir compte des périodes d’indisponibilité d’un unique médecin assermenté, souhaitent en désigner plusieurs ?

Un autre mécanisme pourra ainsi trouver à s’appliquer en lieu et place d’un marché public, sans pour autant restreindre la concurrence. En effet, pour la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE), ne constitue pas un marché public un système par lequel une entité publique retient tous les opérateurs économiques qui remplissent les exigences d’aptitude posées par l’appel d’offres, même si aucun nouvel opérateur ne peut être admis durant la durée de validité limitée de ce système[2], et a fortiori si un opérateur peut intégrer ce système pendant toute la durée de validité de celui-ci[3]. Comme le relève la Cour, « l’élément déterminant tient au fait que le pouvoir adjudicateur n’a mentionné aucun critère d’attribution […] destiné à permettre de comparer et de classer les offres recevables ».

Dans le premier cas soumis à la CJUE, il s’agissait pour une caisse d’assurance maladie allemande de désigner des fournisseurs de médicaments. Cette procédure prévoyait l’admission de toutes les entreprises intéressées remplissant les critères requis et la conclusion avec chacune de ces entreprises de contrats identiques, dont les termes étaient prédéterminés et non négociables. Il semble cependant, sans que cela puisse être déterminé avec certitude à la lecture de l’arrêt, que la caisse d’assurance maladie en question n’était pas responsable des commandes, mais bien les pharmacies.

Dans le second cas, l’agence finlandaise pour les affaires rurales avait lancé une procédure d’appel d’offres en vue de la conclusion de contrats portant sur des services de conseil destinés aux agriculteurs et aux autres exploitants de terres qui ont adhéré à un accord environnemental. Dans ce cas-ci, il ne fait aucun doute que les services étaient directement commandés par ces bénéficiaires, non l’agence en question.

Il apparait ainsi que dans les deux affaires soumises à la CJUE, les fournitures et les services n’étaient finalement pas directement commandés par le pouvoir adjudicateur qui avait mis le système en place.

Ainsi, la Cour n’ayant pas eu à se prononcer dans cette hypothèse, laquelle correspond à celle examinée ici (le médecin assermenté est en principe directement « commis » par l’officier de l’état civil, non un tiers, même si on sait que c’est parfois – voire souvent ? – le cas, le médecin étant directement appelé par l’entreprise de pompes funèbres notamment), on peut s’interroger sur la transposition de cette jurisprudence à la question posée en l’espèce. Car en effet, même si tous les médecins remplissant les conditions minimales sont admis et assermentés, de sorte qu’aucun classement n’est opéré et aucun d’eux n’est donc favorisé, rien n’empêcherait ensuite qu’en pratique ce soit toujours le même médecin qui soit appelé pour remplir cette mission. Il s’agirait là, très clairement, de contourner les règles relatives aux marchés publics. Bien sûr, même en dehors de l’application des règles relatives aux marchés publics, les règles constitutionnelles d’égalité et de non-discrimination doivent être respectées, d’où la nécessité de prévoir des modalités objectives de répartition des « commandes ».

En conséquence, bien que la CJUE ne s’est pas prononcée sur des cas exactement semblables, nous pensons néanmoins qu’une commune pourrait lancer un appel public pour désigner un pool de médecins assermentés chargés de faire rapport à l’officier de l’état civil sur les causes du décès, en cas de crémation, selon des exigences minimales (être porteur du titre de docteur en médecine, …) et des conditions de prestation de ce service (rapport délivré à l’officier d’état civil dans tel délai, montant forfaitaire fixé par la commune pour le constat, la rédaction et l’envoi du rapport[4], …). Tous les médecins qui se manifesteraient alors, en démontrant qu’ils répondent à ces exigences et en s’engageant sur ces conditions, seraient repris, pour la durée de la convention, dans la liste des prestataires assermentés auxquels l’officier de l’état civil pourrait recourir.

Et pour respecter scrupuleusement les principes d’égalité et de non-discrimination dans le recours, au cas par cas, à tel médecin assermenté parmi ceux figurant dans la liste, sans qu’aucun d’eux soit favorisé et donc sans qu’un choix soit posé par la commune (au risque, sinon, d’une requalification en marché public), il conviendrait en outre de prévoir une règle objective déterminant à quel médecin il sera effectivement fait appel en cas de besoin. On pense par exemple à un rôle de garde, selon des modalités prévues dans l’appel d’offres, voire à une répartition géographique par village ou quartier de la commune (afin de réduire la longueur et la durée des déplacements).

 

 


[1] La prestation de serment requise par le CDLD n’est aucunement précisée par ou en vertu de la loi. Outre la possibilité d’une prestation de serment orale, en personne, devant l’officier de l’état civil, nous estimons qu’une simple reproduction écrite du libellé du serment de l’article 44, al. 2, du Code d’instruction criminelle (« Je jure de remplir ma mission en honneur et conscience, avec exactitude et probité »), alinéa aujourd’hui abrogé, mais cela ne vicie pas selon nous la valeur dudit serment, puisque la législation funéraire n’a jamais explicitement fait référence à un libellé de serment en particulier. On notera qu’un nouvel article 555/14, inséré dans le Code judiciaire, prévoit les mêmes termes pour le serment de l’expert judiciaire, en toutes matières, pourrait être reprise dans le document par lequel le médecin exprime son souhait d’être repris dans la liste de prestataires évoquée plus haut. Un formulaire de demande pourrait ainsi être préparé par la commune, reprenant ledit serment.

[2] CJUE, aff. C?9/17, 1.3.2018.

[3] CJUE, aff. C-410/14, 2.6.2016.

[4] Les tarifs en la matière sont libres et pourraient donc constituer un critère d’attribution d’un marché public. Dans la mesure cependant où il est question en l’occurrence de mettre en place un mécanisme qui ne constitue pas un tel marché public, il appartiendra à la commune de fixer elle-même ce montant. Un forfait de 35 à 45 euros semble correspondre à la pratique.

 

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Date de mise en ligne
17 Novembre 2022

Type de contenu

Q/R

Matière(s)

Marchés publics Funérailles et sépultures
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