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Mis en ligne le 24 Septembre 2024

1. La communication du classement individuel et provisoire du soumissionnaire

La loi du 22 décembre 2023 (M.B., 8.1.2024) a modifié la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics, en ce qui concerne l’accès des PME. Parmi les modifications importantes apportées par cette loi à la règlementation relative aux marchés publics, l’on retrouve l’obligation, dans certaines hypothèses, de communiquer aux soumissionnaires leur place provisoire et individuelle dans le classement.

En effet, depuis le 1er juin 2024, l’article 13 de la loi du 17 juin 2016 prévoit que le pouvoir adjudicateur communique simultanément, à chacun des soumissionnaires, sa place individuelle et provisoire dans le classement, dans les conditions cumulatives suivantes :

-          Lorsque la valeur estimée du marché est inférieure au seuil fixé pour la publicité européenne ;

-          Lorsque le marché est passé par procédure ouverte ou restreinte ;

-          Lorsque l'offre économiquement la plus avantageuse est exclusivement déterminée sur la base du prix ;

-          Et sauf si le marché public concerné porte sur un secteur identifié par le Roi comme présentant un risque accru d'ententes faussant la concurrence[1].

L’article 13 ajoute que cette communication se fait à l'occasion ou immédiatement après l'établissement du procès-verbal d'ouverture des offres, au moyen de la plateforme électronique visée à l'article 14, § 1er, sur laquelle la soumission a eu lieu.

La volonté du législateur, en offrant davantage de transparence quant à la place individuelle du soumissionnaire, est de favoriser l’accès des PME aux marchés publics. En effet, une telle communication permet de faciliter l’établissement d’un planning pour les opérateurs économiques, vu que chaque soumissionnaire est en mesure d’évaluer – avant même l’analyse des offres – ses chances individuelles de se voir attribuer le marché.  

Les commentaires de la loi du 22 décembre 2023 apportent les précisions suivantes : « Afin de maintenir le risque d’ententes faussant la concurrence acceptable, seul le classement individuel est communiqué par l’adjudicateur (juste après l’établissement du procès-verbal d’ouverture des offres). La notification concernée a dès lors une portée limitée. L’adjudicateur ne peut en aucun cas communiquer les noms et la place des autres soumissionnaires, vu qu’il en résulterait un risque accru d’ententes faussant la concurrence. Seule la place individuelle dans le classement précité est communiquée dans les cas susmentionnés. Il s’agit de la place dans le classement provisoire à un moment où, par exemple, la régularité des offres n’a pas encore été examinée. L’adjudicateur qui communique malgré tout le nom des autres soumissionnaires et, s’il échet, leur place dans le classement précité commet une infraction à l’article [13], § 1er, alinéa 1er, première phrase, de la loi. » (Nous soulignons).

L’article13, §1er, alinéa 1er, première phrase de la loi précise, ainsi, que : « Aussi longtemps que l'adjudicateur n'a pas pris de décision, selon le cas, au sujet de la sélection ou de la qualification des candidats ou participants, de la régularité des offres, de l'attribution du marché ou de la renonciation à la passation du marché, les candidats, les participants, les soumissionnaires et les tiers n'ont aucun accès aux documents relatifs à la procédure de passation, notamment aux demandes de participation ou de qualification, aux offres et aux documents internes de l'adjudicateur. » (Nous soulignons).

 

2. Le PV d’ouverture des offres

L’article 84 de l’arrêté royal du 18 avril 2018 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs classiques (ARP) – disposition qui n’a pas été modifiée à la suite de l’adoption de la loi du 22 décembre 2023 – dispose que :

« Pour les procédures de passation pour lesquelles le pouvoir adjudicateur utilise les moyens de communication électroniques visés à l'article 14, § 7, de la loi, l'ouverture des offres se déroule à la date et à l'heure fixées par les documents du marché. Les opérations se déroulent dans l'ordre suivant :

  1° les offres sont déposées électroniquement sur la plateforme visée à l'article 14, § 7, de la loi ;

  2° il est procédé à l'ouverture de toutes les offres introduites ;

  3° un procès-verbal est dressé.

  Le procès-verbal visé à l'alinéa 1er, 3°, contient au moins :

  1° le nom ou la raison sociale des soumissionnaires, leur domicile et leur siège social ;

  2° le nom de la ou des personne(s) qui a/ont signé le rapport de dépôt électroniquement. »

Si l’article 84 ARP est repris au titre 2 de l’arrêté, intitulé « attribution en procédure ouverte et en procédure restreinte », il nous semble que ces indications valent par analogie pour toutes les procédures où les moyens de communication électroniques sont utilisés, à défaut de règles propres pour ces procédures autres que la procédure ouverte et la procédure restreinte.

L’on constate ainsi que, parmi les mentions minimales devant obligatoirement apparaitre sur le PV, ne figure pas le montant total des offres. Il n’existe donc aucune obligation dans le chef du pouvoir adjudicateur de faire apparaître les prix sur le PV.

Néanmoins, le pouvoir adjudicateur a la faculté d’inclure cette mention lors de la création du dossier sur la plateforme e-Procurement.

Concernant la publicité du procès-verbal, le Rapport au Roi, en commentaire de l’article 84 ARP, précise que lorsqu'il est fait usage de la plateforme électronique qui est mise à disposition par le SPF Stratégie et Appui, ce procès-verbal peut être généré par ladite plateforme. Le pouvoir adjudicateur a ensuite trois possibilités pour divulguer activement ou non l'information contenue dans le procès-verbal :

1° il peut décider de rendre le procès-verbal visible pour l'ensemble des utilisateurs de la plateforme ;

2° il peut décider de rendre le procès-verbal uniquement visible pour les soumissionnaires ;

3° il peut finalement décider de ne pas communiquer activement le procès-verbal.

 

3. Comment concilier les deux instruments ?

L’on relève donc, d’une part, les commentaires de la loi du 22 décembre 2023 qui indiquent qu’il est interdit de communiquer le nom des autres soumissionnaires et, le cas échéant, le montant total des offres. D’autre part, l’article 84 de l’ARP, et son commentaire, prévoient la mention de l’identité des soumissionnaires sur le PV d’ouverture et la possibilité de diffuser ce PV aux soumissionnaires, voire plus largement. La plateforme eProcurement permet même, pour l’instant, d’y indiquer les prix.

Si le choix parmi les différentes options qui s’ouvrent aux pouvoirs adjudicateurs relève de l’autonomie de chacun de nos membres, nous leur recommandons la prudence, au regard de la portée accordée à l’article 13, §1er, alinéa 1er, 1ère phrase de la loi du 17 juin 2016 telle que précisée par les commentaires de la loi du 22 décembre 2023. Aussi, nous conseillons de limiter les informations apparaissant sur le PV d’ouverture des offres aux mentions minimales obligatoires visées à l’article 84 de l’ARP.

En effet, les travaux parlementaires, se référant à l’article 13, §1er, alinéa 1er, 1ère phrase de la loi du 17 juin 2016, sont clairs : communiquer l’identité des autres soumissionnaires et, s’il échet, leur place dans le classement n’est pas autorisé, et ce afin d’éviter au maximum tout risque d’entente susceptible de fausser la concurrence.

Dès lors, la mention des prix dans le PV d’ouverture des offres, bien que techniquement possible à ce jour sur la plateforme eProcurement, ne nous paraît pas à recommander. D'ailleurs, le SPF BOSA a désormais configuré eProcurement de telle manière que, par défaut, les montant totaux des offres n’apparaissent pas, le choix inverse devant être activé volontairement. Et le SPF BOSA d’ajouter, lors d’une récente présentation en ligne des dernières adaptations apportées à la plateforme (24 juin 2024), que la non-publication (par défaut) des montants des offres permet de ne pas contrevenir aux nouvelles règles de confidentialité liées à la communication de la place individuelle dans le classement provisoire.

S’agissant du niveau de publicité à assurer au PV, le Rapport au Roi, en commentaire de l’article 84 ARP précise, pour rappel, que le pouvoir adjudicateur peut décider de rendre le procès-verbal visible pour l'ensemble des utilisateurs de la plateforme, il peut aussi décider de rendre le procès-verbal uniquement visible pour les soumissionnaires, ou, enfin, il peut décider de ne pas communiquer activement le procès-verbal.

Cela étant dit, à nouveau, la portée à accorder à l’article 13, §1er, al. 1er, première phrase de la loi du 17 juin 2016 est précisée, sans ambiguïté, par les travaux préparatoires de la loi du 22 décembre 2023 : « L’adjudicateur qui communique malgré tout le nom des autres soumissionnaires et, s’il échet, leur place dans le classement précité commet une infraction à l’article [13], § 1er, alinéa 1er, première phrase, de la loi. »

Il s’en déduit, à notre estime, que la simple communication des noms des autres soumissionnaires doit être évitée. Nous conseillons, dès lors, à nos membres d’opter pour la troisième solution présentée ci-avant : ne pas communiquer activement le procès-verbal, et ce quelle que soit la procédure de passation choisie.

Si le secteur de la construction a longtemps sollicité la mention des prix sur le PV d’ouverture des offres car cette information permettait aux soumissionnaires d’avoir une idée – au moins partielle en cas de procédure multi-critères d’attribution – du classement de leur offre par rapport aux autres, et donc de leurs chances de se voir désigner adjudicataire, cette préoccupation est désormais rencontrée à suffisance, à notre estime, par la communication du classement individuel provisoire de chaque soumissionnaire.

Le secteur de la construction trouve un autre intérêt à la communication du nom des autres soumissionnaires et des prix pratiqués par ces derniers, à savoir permettre aux opérateurs économiques d’ajuster leurs prix par rapport à la concurrence pour les futurs marchés. Toutefois, rappelons d’abord que les opérateurs économiques auront accès à ces informations après l’attribution du marché, vu les obligations applicables en termes de motivation, d’information des soumissionnaires et de publication d’avis d’attribution de marché. Par ailleurs, il n’appartient pas aux pouvoirs adjudicateurs d’endosser la responsabilité de divulguer des éléments, clairement identifiés comme confidentiels au stade de l’analyse des offres, afin de permettre à des opérateurs économiques de mieux se situer sur le marché concurrentiel. Permettre aux opérateurs économiques d’affiner la politique des prix qu’ils pratiquent n’est pas un des objectifs poursuivis par la règlementation relative aux marchés publics.

Soulignons, enfin, que si la communication du classement provisoire ne concerne que les procédures ouverte et restreinte, dans certaines conditions, les mêmes recommandations quant à la publicité du PV d’ouverture et aux mentions à y faire apparaître valent pour les procédures négociées[2], auxquelles la règle de confidentialité de l’article 13, §1er, al. 1er, 1ère phrase s’applique également. Et ces recommandations valent d’autant plus que la communication de l’ensemble des prix à l’ensemble des soumissionnaires ne paraît pas opportune au regard des éventuelles futures négociations qui pourront porter, notamment, sur le prix des offres et des risques d’ententes à cet égard.

 


[1] Aucun secteur en particulier n’a, à ce jour, fait l’objet d’une telle identification.

[2] Ainsi que pour les procédures ouvertes et restreintes qui ne remplissent pas les autres conditions de l’obligation de communication du classement provisoire et individuel.

Auteur Conseiller(e)(s) / personne(s) de contact
Marchés publics : Marie-Laure Van Rillaer - Mathieu Lambert - Elodie Bavay
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Date de mise en ligne
24 Septembre 2024

Auteur
Elodie Bavay

Type de contenu

Q/R

Matière(s)

Marchés publics
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