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Mis en ligne le 16 Septembre 2024

Un arrêté royal du 12 août 2024 (M.B., 16.9.2024) modifie l’arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics (A.R. RGE), en ce qui concerne les règles de paiement.

L’objectif est de supprimer le double délai, de vérification d’une part, de paiement d’autre part, pour ne plus appliquer qu’un seul et unique délai comprenant à la fois les opérations de contrôle de conformité et autres vérifications et les opérations de paiement, le tout sous 30 jours (sauf exception) !

Il s’agirait là de se conformer à l’arrêt du 20 octobre 2022 rendu par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) dans l’affaire C-585/20. Selon la Cour, en effet, « l’article 4, paragraphes 3 à 6, de la directive 2011/7 [concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales] doit être interprété en ce sens [qu’il] s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit, de manière générale, pour toutes les transactions commerciales entre entreprises et pouvoirs publics, un délai de paiement d’une durée maximale de 60 jours civils, y compris lorsque ce délai est composé d’un délai initial de 30 jours pour une procédure d’acceptation ou de vérification de la conformité des marchandises ou des services fournis avec le contrat, suivi d’un délai supplémentaire de 30 jours pour le paiement du prix convenu ».

Or, l’article 4, §§ 3 et 5, la directive précitée prévoit (nous soulignons) :

« 3. Les États membres veillent, dans des transactions commerciales où le débiteur est un pouvoir public, à ce que :

a) le délai de paiement n’excède pas les durées suivantes :

i) trente jours civils après la date de réception, par le débiteur, de la facture ou d’une demande de paiement équivalente ;

ii) lorsque la date de réception de la facture ou d’une demande de paiement équivalente est incertaine, trente jours civils après la date de réception des marchandises ou de prestation des services ;

iii) lorsque le débiteur reçoit la facture ou la demande de paiement équivalente avant les marchandises ou les services, trente jours civils après la date de réception des marchandises ou de prestation des services ;

iv) lorsqu’une procédure d’acceptation ou de vérification, permettant de certifier la conformité des marchandises ou des services avec le contrat, est prévue par la loi ou dans le contrat, et si le débiteur reçoit la facture ou la demande de paiement équivalente plus tôt ou à la date de l’acceptation ou de la vérification, trente jours civils après cette date ;

b) la date de réception de la facture ne fasse pas l’objet d’un accord contractuel entre le débiteur et le créancier.

[…]

5. Les États membres veillent à ce que la durée maximale de la procédure d’acceptation ou de vérification visée au paragraphe 3, point a) iv), n’excède pas trente jours civils depuis la date de réception des marchandises ou de prestation des services, à moins qu’il ne soit expressément stipulé autrement par contrat ou dans le dossier d’appel d’offres et pourvu que cela ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier au sens de l’article 7. »

Les conclusions de l’Avocat général étaient pourtant claires et, surtout, conformes à la directive précitée, de sorte que la CJUE aurait été bien inspirée de les suivre (nous soulignons) : « L’article 4 de la directive 2011/7 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit, dans le cas de transactions entre entreprises et pouvoirs publics, un délai de paiement d’une durée maximale de 60 jours, composé d’une période initiale de 30 jours pour la procédure d’acceptation ou de vérification de la conformité des biens livrés ou des prestations fournies avec le contrat et d’un délai supplémentaire de 30 jours pour le paiement effectif du prix convenu, à condition que l’application de ce délai supplémentaire soit subordonnée à l’existence d’une procédure spécifique d’acceptation ou de vérification qui est prévue expressément par la loi ou dans le contrat et pour autant que le recours à ce délai supplémentaire soit objectivement justifié par la nature particulière ou par certains éléments du contrat en cause. »

Face à un tel arrêt pour le moins surprenant et, peut-on l’espérer, isolé, on devait s’interroger quant à l’opportunité de modifier la réglementation belge aussi vite, sans attendre que cette jurisprudence soit ou non confirmée. Avec les autres représentants des pouvoirs adjudicateurs au sein de la Commission fédérale des marchés publics, nous nous sommes opposés à une telle modification.

Le rapport au Roi précédant l’arrêté royal du 12 août 2024 se permet même de citer le considérant 23 de la directive 2011/7, lequel se trompe pourtant de débat, comme si les délais effectifs de paiement des pouvoirs publics étaient tributaires de leur trésorerie : « En règle générale, les pouvoirs publics bénéficient de flux de recettes plus sûrs, prévisibles et continus que les entreprises. Par ailleurs, bon nombre de pouvoirs publics peuvent obtenir des financements à des conditions plus intéressantes que les entreprises. Dans le même temps, les pouvoirs publics sont moins tributaires de relations commerciales stables pour réaliser leurs objectifs que les entreprises. […] » Sans doute est-ce exact. Mais ce n’est pas la question. Va-t-on reprocher aux pouvoirs adjudicateurs, notamment locaux, qui dépensent ainsi de l’argent public, de prendre le temps nécessaire à la vérification de la conformité des travaux entrepris ou des fournitures ou services commandés ? Va-t-on par ailleurs reprocher aux législateurs compétents d’avoir mis en place des procédures de paiement strictes, par lesquelles les mandataires contrôlent l’administration et le directeur financier/le receveur contrôle ceux-là ?

Quoi qu’il en soit, il va falloir tout mettre en œuvre pour appliquer ces nouvelles règles. Les législateurs compétents pourraient être amenés à réviser les législations organiques – le législateur wallon a déjà modifié le CDLD et la L.O. CPAS, grâce à l’action de l’Union (https://www.uvcw.be/marches-publics/actus/art-8967) – et les règles comptables des pouvoirs adjudicateurs locaux (p.ex. en supprimant certaines étapes du « cycle de paiement », en dématérialisant le processus), afin de réduire les délais de paiement. Dans le cas des marchés de travaux, les pouvoirs adjudicateurs qui recourent à des auteurs de projet externe vont devoir, via les clauses du marché de services, leur imposer des délais de vérification très courts. Et sans doute bien d’autres mesures encore.

Quelles sont ces nouvelles règles ? En substance un « délai de traitement » unique de 30 jours comprenant la vérification et le paiement sera désormais d’application, avec – heureusement ! – la possibilité d’allonger ce délai dans des conditions comparables aux autres dérogations aux RGE (nouvel art. 9, § 2) : les documents du marché stipulent expressément une durée du délai de traitement plus longue ; cette dérogation se justifie objectivement par la nature particulière ou les caractéristiques du marché et, à peine de nullité, fait l'objet d'une motivation formelle dans le cahier spécial des charges ; le délai de traitement n'excède en aucun cas 60 jours ; cette prolongation ne constitue pas, à l'égard de l’adjudicataire, un abus manifeste (au sens de l’art. 9, § 3).

Les articles 95, 127, 156 et 160 A.R. RGE, notamment, sont modifiés en conséquence.

Dans un but de monitoring, un nouvel article 66/1 impose en outre aux pouvoirs adjudicateurs de compléter un formulaire électronique ad hoc (au moment de publier l'avis d'attribution (simplifié)), précisant s’ils optent pour l’application du délai normal de traitement de 30 jours ou s’ils y dérogent, dans les conditions précitées. Dans ce dernier cas, ils doivent préciser le délai repris dans les documents du marché.

Ces nouvelles règles entreront en vigueur le 1er janvier 2025, pour les marchés publics publiés ou qui auraient dû être publiés à partir de cette date, ainsi que pour les marchés publics pour lesquels, à défaut d’une obligation de publication préalable, l’invitation à introduire une offre est lancée à partir de cette date.

Les rédacteurs des documents de marché doivent donc anticiper cette entrée en vigueur et déjà modifier les clauses des cahiers des charges des marchés publics qui seront lancés en 2025.

Auteur Conseiller(e)(s) / personne(s) de contact
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Date de mise en ligne
16 Septembre 2024

Date de mise à jour
17 Septembre 2024

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Matière(s)

Marchés publics Finances et fiscalité
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