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Mis en ligne le 13 Décembre 2017

En cas de licenciement dans notre administration, devons-nous pratiquer obligatoirement l’audition préalable ?

Tout d’abord, rappelons que l’obligation d’audition préalable découle du principe général de droit audi alteram partem. Ce principe signifie qu’une autorité administrative doit entendre la personne intéressée avant de prendre une mesure grave à son égard, en considération de sa personne ou de son comportement.

Jusqu’en 2015, il semblait être acquis pour la jurisprudence francophone qu’en cas de licenciement par un employeur du secteur public, une audition préalable de l’agent concerné devait avoir lieu[1].

Néanmoins, le 12 octobre 2015, la Cour de Cassation a rendu un arrêt en sens contraire[2] en précisant que l’audition préalable n’est aucunement obligatoire dans le cas du licenciement d’un agent contractuel dans le secteur public. Cette position a été confirmée par un arrêt du Conseil d’Etat du 27 septembre 2016[3] et suivi par les juridictions du travail[4].

Pour celles et ceux qui souhaitaient s’appuyer sur l’arrêt de la Cour de Cassation pour ne pas auditionner, les choses se compliquent avec un arrêt de la Cour constitutionnelle cette fois-ci.

Celle-ci a, en effet, rendu un arrêt le 6 juillet 2017 après avoir été interrogée sur le respect des principes d’égalité et de non-discrimination entre agents statutaires et agents contractuels en cas de non-application de l’audition préalable dans le cadre d’un licenciement.

Elle a ainsi considéré qu’« en autorisant une autorité publique à licencier un travailleur avec lequel elle a conclu un contrat de travail, sans obliger cette autorité à entendre préalablement ce travailleur, les articles 32, 3°, et 37, par. 1er, de la loi du 3.7.1978 créent une différence de traitement entre ces travailleurs et les agents statutaires qui ont le droit d’être entendus conformément au principe général de bonne administration audi alteram partem ».

Elle précise que « les articles 32, 3°, et 37, par. 1er, de la loi du 3 juillet 1978 précitée, interprétés comme autorisant une autorité publique à licencier un travailleur avec lequel elle a conclu un contrat de travail pour des motifs liés à sa personne ou à son comportement, sans être tenue d’entendre préalablement ce travailleur, ne sont pas compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution ».

Que faire donc en pratique ?

Outre ces différentes controverses, l’audition préalable nous semble particulièrement utile à appliquer afin d’entendre les motifs de l’agent concerné dans ses divers manquements.

Il est tout à fait possible qu’en entendant l’agent, l’autorité prenne conscience d’un souci en interne et qu’elle puisse le gérer afin d’éviter d’en arriver à la mesure ultime du licenciement.

Nous ne pouvons donc que conseiller d’auditionner l’agent lorsque la mesure envisagée est basée sur des motifs liés à la personne ou à son comportement.

Pour les autres cas – raisons structurelles comme la suppression d’un service –, cela ne nous paraît pas nécessiter une telle audition, sous réserve de cas particuliers, notamment lorsque certains agents pourront être intégrés dans un autre service.

Il conviendra également d’être particulièrement attentif en cas de licenciement d’un agent en incapacité de travail. En effet, l’audition préalable pourrait être reportée au vu de l’état de santé de l’agent.

Quid en cas de licenciement pour motif grave ?

 

En matière de licenciement pour motif grave, si l’on suit l’arrêt de la Cour constitutionnelle, l’audition préalable semble obligatoire. Néanmoins, cette audition préalable ne doit pas rendre impossible le licenciement pour motif grave. Il s’ensuit, qu’en fonction des faits, il est conseillé de tenter d’auditionner l’agent dans les 3 jours de la connaissance des faits par l'autorité. Si cela n'est pas possible, on abandonnera cette option et on procédera au licenciement pour motif grave.

En conclusion, nous conseillons l'audition préalable dans tous les cas où la mesure envisagée est basée sur des motifs liés à la personne ou à son comportement, avec une certaine réserve pour les licenciements pour motif grave.


[1] Soulignons qu'une controverse existait entre la jurisprudence francophone et néerlandophone ; la première considérant que l'audition préalable était bien obligatoire en cas de licenciement alors que la deuxième ne partageait pas ce point de vue.

[2] Cass., 12.10.2015, RG, n° S.13.0026 N.

[3] C.E., 27.9.2016, n° 235.871.

[4] Malgré ces différentes décisions, une certaine doctrine a considéré que l'audition préalable était toujours bien obligatoire, notamment afin de respecter la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en matière de procès équitable (S. Gilson, F. Lambinet et Z. Trusgnach, Licenciement des contractuels de la fonction publique : il ne faut ni audition préalable, ni motivation ! Vraiment ?, Bull. jur. et soc., 2016-1, pp. 2016-01 ; L. Daer et A. Lhoste, La motivation du licenciement. Les conséquences de l'arrêt de la Cour de cassation du 12 octobre 2015, in Rétrospectives et perspectives concernant la loi sur le statut unique, le régime de chômage avec complément d'entreprise et la loi sur les pensions complémentaires, Act. dr. soc., J.B.B.O.W., Larcier, 2016.

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Date de mise en ligne
13 Décembre 2017

Auteur
Sylvie Smoos

Type de contenu

Q/R

Matière(s)

Personnel/RH
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