Etablissement et recouvrement des taxes provinciales et communales
Une commune peut-elle assermenter un agent contractuel pour effectuer les missions visées par la loi du 24 décembre 1996 relative à l'établissement et au recouvrement des taxes provinciales et communales?
L'article 7, al. 1er, de la loi du 24 décembre 1996 relative à l'établissement et au recouvrement des taxes provinciales et communales [1] prévoit que "les infractions visées à l'article 6, al. 1er, sont constatées par les fonctionnaires assermentés et spécialement désignés à cet effet par l'autorité habilitée à arrêter les rôles conformément à l'article 4".
Notion de fonctionnaire
La notion de fonctionnaire n'a pas, en soi, de contours clairement définis, cette notion s'appliquant tantôt aux seuls statutaires, tantôt à l'ensemble des agents de la fonction publique [2].
La loi précitée, pas plus que ses travaux préparatoires, ne définissant la notion de fonctionnaire assermenté, différentes interprétations sont dès lors possibles.
Il nous semble que limiter l'application de l'article 7 précité aux seuls agents statutaires reviendrait à adopter une interprétation restrictive de cette disposition, interprétation qui méconnaîtrait en outre la situation des pouvoirs locaux au sein desquels on retrouve de plus en plus d'agents contractuels.
Notion de fonctionnaire assermenté
La question qui se pose est de savoir si, par fonctionnaires assermentés, le législateur a voulu viser les agents qui sont habituellement amenés à prêter serment (dans les faits, les agents statutaires) ou bien les agents auxquels on aura exigé qu'ils prêtent ou aient prêté serment pour remplir les missions visées par la loi de 1996 (ce qui pourrait inclure les agents contractuels). Pour y répondre, deux éléments doivent être soulevés.
Premièrement, il convient à notre sens de considérer que, faute de traduction expresse dans le texte légal de la volonté du législateur, interpréter l'article 7 comme ne visant que les agents habituellement amenés à prêter serment est une interprétation restrictive à proscrire.
Ensuite, rappelons que le serment que prêtent les agents statutaires communaux se fonde sur le décret du 20 juillet 1831 [3] qui s'applique aux "fonctionnaires de l'ordre judiciaire et administratif … et en général à tous les citoyens chargés d'un ministère ou d'un service public quelconque", ce qui fait dire à A. Coenen que "les termes de ce décret sont à ce point généraux qu'on peut considérer que toute personne qui entre au service de la chose publique doit prêter ce serment, qu'elle soit organe ou préposée, statutaire ou contractuelle" [4]. Quand bien même donc on interpréterait la notion de fonctionnaires assermentés comme étant ceux qui sont normalement amenés à prêter serment, sur base du décret de 1831, il conviendrait d'y inclure les agents contractuels.
Dans un article qu'elle cosignait avec le receveur communal de Jabbeke [5], notre collègue Katrien Colpaert-Arickx de la VVSG soulignait qu'il ne lui semblait pas que l'article 7 commenté interdise aux contractuels d'être désignés par le collège, après prestation de serment ("ons inziens verbiedt artikel 7 niet dat contractuelen door het college worden aangewezen, na eedaflegging").
Si, dans un article publié dans le Mouvement communal de mars 1997, notre collègue Sylvie Bollen adoptait l'interprétation prudente consistant à limiter l'application de l'article 7 aux seuls agents statutaires, elle entrevoyait néanmoins la possibilité de mettre en place une procédure d'assermentation pour les agents contractuels, en raison des manques d'effectif [6].
Notons par ailleurs que l'application de l'article 7 aux seuls agents statutaires fut la position adoptée par le Ministre de l'époque, par le biais d'une circulaire datée du 12 juin 1997 qui précise que les fonctionnaires assermentés "doivent avoir la qualité d'agent statutaire, quel que soit leur niveau et leur grade".
Force est de constater que le Ministre ne motive nullement cette interprétation qui, étant restrictive, nous semble ajouter une condition au prescrit légal. Partant, cette circulaire serait irrégulière [7].
Il ne nous est cependant pas possible de préjuger de l'interprétation qui serait adoptée, le cas échéant, par le magistrat qui serait éventuellement saisi par un citoyen s'estimant lésé par le recouvrement qui serait appliqué à son encontre et qui, à l'appui de son argumentation, soulèverait le moyen de l'irrégularité de la désignation de l'agent communal contractuel. D'autant plus que, en l'occurrence, ce serait le tribunal de première instance qui serait compétent pour juger de l'affaire et qu'une juridiction de l'ordre judiciaire est certainement moins au fait des réalités du service public local qu'une juridiction administrative.
Bien que nombre d'arguments semblent, à notre avis, aller dans le sens d'une possibilité d'assermentation d'un agent contractuel dans le but de lui confier les missions visées par la loi du 24 décembre 1996, le risque que la procédure d'enrôlement soit considérée comme irrégulière par le juge civil éventuellement saisi ne peut être totalement écarté.
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- [Remonter] M.B. 31.12.1996
- [Remonter] En ce sens, A. Coenen, Vade-mecum de la fonction publique locale wallonne, Kluwer, I. 1-3.
- [Remonter] Décr. 20.7.1831 concernant le serment à la mise en vigueur de la monarchie constitutionnelle représentative.
- [Remonter] A. Coenen, op. cit., II. 1-5.
- [Remonter] K. Colpaert-Arickx et J. Astaes, Vestiging en invordering van provincie- en gemeentebelastingen, de nieuwe wet van 24 december 1996 - een eerste verkenning in De gemeente, 1997-3, pp. 198 et s.
- [Remonter] S. Bollen, La nouvelle législation en matière d'établissement et de recouvrement des taxes communales, Mouv. comm., 3/1997, pp. 128 et s.
- [Remonter] Pour rappel, on distingue en général deux types de circulaires: les circulaires réglementaires et les circulaires non réglementaires (V., en ce sens, Ph. Bouvier, Eléments de droit administratif, De Boeck, Bruxelles, 2002, pp. 36 et s.). Les circulaires réglementaires constituent des règlements déguisés qui n'ont de valeur que si elles ont été adoptées dans le respect des formalités applicables aux véritables règlements. Une circulaire sera qualifiée de "réglementaire" quand elle contient des règles de droit nouvelles. Comme le souligne Ph. Bouvier (op. cit. p. 36), "une circulaire présentée par son auteur comme étant interprétative ou indicative perd ce caractère, pour être qualifiée de réglementaire, si, en réalité, elle ajoute au droit positif. Elle s'apparente alors à un véritable règlement et s'avère généralement irrégulière parce qu'elle a été prise par un auteur incompétent ou qu'elle n'a pas été assortie des formalités propres aux véritables règlements, comme la consultation de la section de législation du Conseil d'Etat".
Le Conseil d'Etat (v. C.E., 29.10.1991, n° 37.962 et C.E., 6.6.2000, n° 87.855) estime qu'une circulaire a une portée réglementaire lorsque les éléments suivants sont réunis: la circulaire ajoute quelque chose à la loi, elle formule des règles générales et abstraites, elle revêt, d'après la manière dont elle est rédigée, un caractère impératif aux yeux de ses auteurs, elle a comme auteur une autorité qui dispose de la compétence réglementaire pour la matière traitée et elle est adressée aux personnes ou aux services chargés d'aider l'autorité normative dans l'application de la loi.
Dès lors, si une circulaire s'apparente, par la présence de ces caractéristiques, à un véritable règlement, elle devra être considérée comme irrégulière lorsqu'elle n'a pas été assortie des formalités adéquates.
Personnel/RH : Isabelle Dugailliez - Luigi Mendola - Simon Palate - Florence Demoulin - Tanya Sidiras
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